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Quand le Pape démissionne

Écrit par Ivo Paulovic, Epoch Times
27.02.2013
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Le 265e pape Benoît XVI abdique de ses fonctions de Saint Père auprès des chrétiens catholiques le 28 février. L’annonce de cette nouvelle a rapidement fait le tour du monde et soulevé de nombreuses interrogations sur la mission du Vatican et les raisons de ce départ. L’abdication du Pontife est la deuxième dans l’histoire de la papauté. Le dernier Pape ayant démissionné est décédé il y a plus de 700 ans. Beaucoup de croyants ont témoigné leurs encouragements et leur foi dans le choix de cette décision, mais également leur déception et leur désillusion. Des millions de réactions sont apparues sur les médias sociaux et parmi les hommes politiques. Pour une partie de la population, cet évènement est un simple fait divers. «Nous ne présenterons pas de candidat», avait plaisanté François Hollande en réaction à l’annonce de la démission. Cependant les valeurs chrétiennes ont été très impliquées dans la construction de l’histoire de la France et de l’Europe, au même titre que l’idée de lois intelligentes de l’univers guidant les travaux des savants et des philosophes de chaque époque.

La construction de l’Europe sur les valeurs chrétiennes

Après la mort de Jésus de Nazareth, attestée par de nombreux récits historiques, ses disciples propagèrent son enseignement autour du bassin méditerranéen. D’après la légende, au Ier siècle, les premiers chrétiens sont arrivés sur le territoire de France aux Saintes-Maries de la Mer, en Camargue. Marie de Magdala et la sœur de la Vierge Marie auraient séjourné dans les grottes du massif montagneux Sainte-Baume où se trouve aujourd’hui un monastère.

L’historien Eusèbe de Césarée mentionne vers la fin du IIIe siècle dans son ouvrage Histoire écclésiastique, l’histoire des martyrs chrétiens de l’an 177 à Lugdunum, la capitale de la province de Gaulle (l’actuelle ville de Lyon). Durant les deux siècles qui suivirent, l’enseignement chrétien fut sévèrement persécuté par les Romains. Ceux-ci se livrèrent à la torture publique de milliers de pratiquants, jusqu’en 331, où l’empereur Constantin, lors de l’édit de Milan, proclama le christianisme religion officielle de l’empire romain. Dès lors, parallèlement à l’effondrement de l’empire, marquant la fin de l’Antiquité et le début du Moyen Âge, de nombreux royaumes européens adoptèrent la chrétienté comme religion officielle.

Clovis, premier roi des Francs, grâce à l’exemple donné par son épouse chrétienne Clothilde, se convertit et adopta le christianisme. Son baptême, avec trois mille de ses meilleurs guerriers par l’évêque de Reims, instaurera durablement cette religion sur le territoire qui deviendra la France telle qu’on la connaît aujourd’hui.

Dans le millénaire qui suivit, 33 rois furent sacrés à Reims, tous prêtant serment de rendre justice et de préserver l’ordre social voulu par Dieu. Tous reçurent le pouvoir des mains de l’Église, octroyant ainsi une mesure au pouvoir royal et garantissant un respect des préceptes moraux. Entre temps, le christianisme traversa également de grandes crises et plusieurs âges obscurs. En 1054, se profila la séparation de la chrétienté en deux enseignements, connue sous le nom du Grand schisme d’Orient, qui partagea le christianisme entre l’église orthodoxe (ayant son patriarcat à Constantinople) et l’église catholique (dont le chef résidait à Rome). Alimentée par la passion des hommes, celle qui fut jadis persécutée, entama une inquisition brutale contre les hérétiques, avec en coulisse une lutte théologique entre le pouvoir et le rôle de la religion.

Le début de l’ère moderne, avec la découverte des Amériques, fut fortement empreint par la réforme protestante, initiée par Martin Luther en Allemagne et Jean Calvin en France. Leur devise première était de pouvoir librement interpréter les écrits saints et de se libérer ainsi de l’autorité du Pape. D’autres intérêts plus pragmatiques entraient également en jeu. Malgré quelques hauts dignitaires corrompus, l’Église condamnait fortement les profits monétaires. Le schisme protestant (appelé Grand Schisme d’Occident) permit à certains riches notables, au tournant du XVe siècle, d’affermir leur pouvoir et de mettre la main sur les biens de l’Église représentant à cette époque jusqu’à 30% des terres cultivables. Une scission marquante s’est opérée au même moment en Angleterre où le monarque prit la tête de l’église anglicane en se désolidarisant de Rome.

L’année 1789 marqua l’avènement de l’époque contemporaine. Le peuple français – alors en pleine famine à cause du libéralisme mis en place par le courant des Lumières – demanda sa liberté au prix de la destruction des symboles de la monarchie et de l’Église. Cette période trouble de l’histoire de France, provoquée par les intérêts économiques de quelques-uns, aboutit néanmoins sur la déclaration des Droits de l’Homme, la République et la séparation de l’Église et de l’État.

En 1905, la séparation de la société civile et de la religion devient officielle avec la promulgation des textes de loi sur la laïcité. Cependant, les Français resteront en grande majorité attachés à leurs églises jusqu’au début de l’époque moderne actuelle au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Les valeurs sociales de l’éducation ou de l’humanisme associées à la religion ont alors transité dans le domaine laïc de la République. Cette sécularisation a aboli la croyance en des valeurs éternelles, les transformant en théories strictement sociales et scientifiques, celles-ci pouvant être remaniées plus aisément et modifiées rationnellement au gré des politiques et du pouvoir.

Quand le rationalisme remplace la croyance

«J’ai démissionné en pleine liberté, pour le bien de l’Église», a annoncé Joseph Ratzinger, le Pape Benoît XVI devant ses fidèles après son annonce officielle la veille. Benoît XVI est le deuxième pape dans l’histoire entière du catholicisme à abdiquer publiquement de son plein gré. Le premier fut Célestin V, qui renonça à sa fonction papale après seulement cinq mois de pontificat à l’âge de 85 ans en 1294. Il vivait en ermite avant son élection et incarna la sortie d’impasse, camouflant la discorde qui régnait entre les différentes factions du Sacré collège de l’église catholique romaine.

On se souvient encore de la fin de pontificat de Jean-Paul II, mort en 2005, et qui a tenu ses fonctions jusqu’à l’extrême épuisement de ses forces. Durant son pontificat, le troisième le plus long de l’histoire, il affronta plusieurs hospitalisations graves et presque 15 ans de maladie de Parkinson, qui vers la fin de sa vie, rendait son apparence caractérisée par de violents tremblements.

L’abdication du Pape a été saluée par tous les grands chefs d’État, Barack Obama, Angela Merkel et François Hollande, qui a tenu un discours explicite et amical: «Nous devons laisser l’Église catholique déterminer comment elle entend organiser cette succession». Le discours du chef de l’État français a été aussi à l’image du changement profond de la place du catholicisme et de la croyance dans la société française.

«C’est une manière de séculariser le monde, le monde devient de moins en moins religieux et le chef de l’Église catholique vient de montrer finalement que la raison l’emportait sur la religion», réagissait Michel Eltchaninoff sur Arte à l’annonce de la démission de Benoît XVI.

Le Pape sortant a également indiqué la direction «terrestre» que prendra désormais l’Église, alors que 22 ans auparavant, Jean Paul II proposait cette interrogation dans son pays natal: «Toute cette civilisation du désir et du plaisir qui règne désormais sur nous, en profitant de divers moyens de séduction; est-ce de la civilisation ou de l’anti civilisation?»

Le pragmatisme scientifique comme nouvelle religion

Au sommet du rationalisme, la science semble être devenue aujourd’hui la nouvelle religion s’opposant intensément au mystérieux et au spirituel. Cependant, bien avant notre époque, les savants situaient de prime abord le fondement de toute expérience dans le divin, le spirituel étant cette discipline permettant de comprendre et de créer la matière. Sir Isaac Newton par exemple, fondateur de la physique moderne et à qui on doit, notamment, l’explication de la gravitation et la dynamique des mouvements, était avant tout un théologien. Il soutenait que «la gravité explique le mouvement des planètes, mais elle ne peut expliquer ce qui les mit en mouvement. Dieu gouverne toutes choses et sait tout ce qui est ou tout ce qui peut être.»

Albert Einstein croyait également en une raison supérieure. «Cette conviction, liée à un sentiment profond d’une raison supérieure, se dévoilant dans le monde de l’expérience, traduit pour moi l’idée de Dieu», disait-il dans Comment je vois le monde. Sa théorie de la relativité restreinte puis générale, est sans doute la dernière découverte scientifique majeure qui ait révolutionné le regard des hommes, élargissant l’horizon et l’étendue infinie de l’univers. Par ailleurs, son désaccord avec la probabilité statistique notamment en physique quantique l’amena à exprimer publiquement que «Dieu ne joue pas aux dés» face à son acolyte Neils Bohr.

Aujourd’hui, la notion de croyance et le fait religieux ont été repoussés au plus loin du réel et du concret, alors qu’ils ont de tous temps été à la base des plus grandes découvertes scientifiques et philosophiques de notre civilisation. Il faut peut être attendre de voir un Pape démissionner pour se rendre compte de la perte de confiance dans ce quelque chose de mystérieux qui guide encore nos consciences et nos espoirs vers des lendemains meilleurs.

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