Déneigement à Montréal

La bataille hivernale

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
05.02.2013
  • Pouvant être appelé candidement u00abtracteur à bec long», le terme exact est niveleuse. (Déneigement Montréal)

La neige a un important impact sur notre quotidien  : ralentissement des services, annulation d’évènements, fermeture de routes et peut même être la cause de décès. Le budget annuel de 150 millions de dollars injectés dans les opérations de déneigement de la Ville peut certes contribuer à traverser l’adversité hivernale, mais ne pourrait garantir l’entière satisfaction de sa population.

Chaque année, pendant plusieurs mois, près de 2200 appareils sont affairés à ramasser plus de 12 millions de mètres cubes de neige sur environ 10 000 kilomètres de rues et de trottoirs à Montréal. À cela s’ajoute à la fin de 2012 la tempête du siècle, le 27 décembre dernier. Elle aura occasionné une chute de neige record de 45,6  cm.

Les citoyens, qui paient pour ces services, vivent chacun à leur manière cette bataille hivernale, tout comme les déneigeurs qui en ont besoin pour vivre. Quant à la Ville, elle a des comptes à rendre et différentes responsabilités qu’elle assume que plusieurs critiquent à tort ou à raison.

Citoyens contrariés

Maude Tisset, responsable et éducatrice de la garderie Le Jardin Montessori, dans l’arrondissement Saint-Henri, se voit contrainte de ne pouvoir sortir à l’extérieur lorsqu’une bonne bordée de neige fait son apparition. «C’est très difficile de circuler avec les enfants dans ma rue! Elle est déneigée en dernier. Marcher dans la neige et le verglas, c’est quasiment impossible. Sans parler que certains tronçons de trottoir ne sont pas déneigés pour des raisons que j’ignore!»

Mme Tisset a un peu de mal à croire aux deux priorités absolues à la Ville de Montréal, soit la sécurité des piétons et la viabilité hivernale bien qu’elle comprenne le défi que pose l’hiver québécois.

«Avec 6550 kilomètres de trottoirs, on ne peut être partout en même temps. On a une norme d’intervention de 24 h pour les rues résidentielles, rues locales. Les rues artérielles, commerciales, grandement achalandées, par exemple la rue Saint-Denis, la norme d’intervention est de 12 h. Pour le centre-ville, arrondissement Ville-Marie, ça prend 8 h, et 12 h sur le réseau secondaire», avance Philippe Sabourin, chargé des communications à la Ville de Montréal.

M. Sabourin renchérit  : «Au même titre que les familles, les personnes à mobilité réduite vont bénéficier d’une des priorités de la Ville qui est de veiller à la sécurité des piétons. Bien dégager les trottoirs, les déglacer, ça fait partie du souhait qu’a la Ville de faciliter la vie de tous.»

Jacinthe Murray, commis à la bibliothèque du collège privé André Grasset, ne pourrait être d’accord avec M. Sabourin. «Il faut grimper dans la rue quand il y a une tempête, ce que je ne peux faire. Les déneigeurs font que la neige et la glace s’accumulent au bord des trottoirs. Je suis tombée bien des fois depuis les dernières années et plus récemment en essayant de monter sur le terre-plein de Christophe-Colomb et Fleury. Alors, j’ai porté plainte.»

Mme Murray a fait sa plainte au 311 (service téléphonique permettant aux citoyens d’adresser à la Ville des demandes de services et des plaintes) sur l’entretien des trottoirs et des terre-pleins.

Même si la commis de bibliothèque a signalé à la STM qu’elle est inscrite aux crédits d’impôt pour handicapés, à la suite du rapport de son médecin, cela ne les satisfait pas, donc elle n’a pas droit au transport adapté. Son handicap, majeur et permanent, provient d’une maladie congénitale de la hanche, ce qui a provoqué l’usure de sa hanche gauche et de son genou droit. L’arthrose est également très avancée à ces endroits.

Déneigement public c. privé

Parmi les citoyens de la Ville figurent des déneigeurs qui sont également insatisfaits du service offert par la Ville. «Sur la rue où je demeure (Sud-Ouest de Montréal), le déneigement des trottoirs est pitoyable  : de la négligence. Je trouve ça malheureux que ça arrive avec les augmentations de taxes qu’on a à payer depuis les dernières années», raconte Danik St-Jacques, propriétaire de Pro-Dan 2000, spécialisé en déneigement commercial.

«Chaque arrondissement de la Ville donne, pour la plupart, une partie du travail à des entrepreneurs privés, elle ne pourrait tout assumer le boulot à faire», explique Philippe Laverdière de la compagnie privée Déneigement Montréal. Cela est un autre des facteurs qui peut jouer sur la qualité des opérations de déneigement.

Selon lui, la neige est entre d’excellentes mains lorsque le privé s’en charge. C’est tout autre chose quand la Ville a la responsabilité des opérations. «Dans Montréal-Nord, ce sont les cols bleus qui déneigent et ça n’a ni queue ni tête! Ça prend des jours et des jours avant de ramasser la neige. Non seulement ça prend du temps, mais c’est mal fait. C’est l’enfer et ç’a toujours été comme ça», affirme-t-il.

«On voit les gars de la Ville, cols bleus, et leurs camions lorsqu’on travaille. Ils déneigent 10-15 minutes, ils vont se stationner, prennent une pause et ils repartent. Je ne tolérerais pas ça», poursuit l’entrepreneur qui travaille dans les secteurs commercial et institutionnel sur l’île de Montréal depuis six ans.

Si les pouvoirs municipaux en matière de déneigement lui étaient légués, M. Laverdière ferait comprendre au public qu’il y a plus de chefs que d’Indiens à la Ville et dénoncerait le poids excessif des syndicats. De plus, un meilleur encadrement serait la première chose sur laquelle il mettrait l’accent. Le nombre de camions et l’acquisition de machinerie seraient aussi à revoir.

Le citoyen se relâche

Peut-être un aspect moins mis en lumière, la participation citoyenne a une importance réelle dans les opérations de déneigement. Cette dernière a été fluctuante durant cet hiver.

Des déneigeurs et les citoyens ne font pas toujours bon ménage, que ces derniers bénéficient directement ou indirectement de leurs services. Danik St-Jacques, entrepreneur de Pro-Dan 2000 spécialisé en déneigement commercial, peut en témoigner.

«Le déneigeur est un peu considéré comme le camion de vidange. Les gens sont découragés en nous voyant et ils se foutent de nous carrément. Ils se placent devant ou derrière nous  : ils sont vraiment dangereux. Ça arrive 8 fois sur 10. On voit bien que tu fais ton travail, mais il va quand même se mettre directement là où j’ai besoin de me rendre.»

«Ça fait 14 ans que je suis à mon compte, j’en suis à un point où je n’attends plus. Si des gens veulent se mettre sur mon chemin, je sors la tête du camion et je leur dis, ''Enlève-toi de mon chemin sinon je t’assure que quand tu vas chercher ta voiture, tu vas devoir pelleter.'' C’est dommage d’en arriver là», se désole M. St-Jacques, bien qu’il mentionne ne pas adopter une telle approche lorsqu’il s’agit de personnes à mobilité réduite ou de petites familles.

Pour Pascal Normandeau, chargé de projet chez NMP Golf Construction, il a pu constater l’impatience chez les Montréalais. «Tout le monde veut être déneigé en même temps!», a-t-il partagé.

Spécialisé dans la réparation et la construction de terrains sportifs, NMP Golf Construction travaille aussi dans le déneigement en tout genre et agit comme entrepreneur privé pour déneiger les rues de l’arrondissement Ville-Marie de la Ville de Montréal.

«Il y a des gens qui sont mécontents de notre travail, peu importe la situation. Il y a de la neige, ils ne sont pas contents, on déneige, nous sommes dans leurs jambes et ils ne sont pas contents, nos machineries font du bruit, ils ne sont pas contents. Les Québécois sont bons pour ça!», indique M. Normandeau. Il nuance toutefois en soulignant qu’une partie des citoyens comprend qu’il peut y avoir des retards et est satisfait de son travail.

  • Une des bien-aimées des piétons, la chenillette de trottoirs (Déneigement Montréal)

Dans le déneigement résidentiel, on peut aussi sentir le relâchement des citoyens. Jean-François Denis de Déneigement des Patriotes.com, déneigeur dans Otterburn Park, Mont-Saint-Hilaire et Beloeil, est bien placé pour en parler.

Il soulève que bien des clients ont de la difficulté à s’en tenir au contrat. «Pendant que la neige tombe, on dégage les entrées, mais il y a toujours plusieurs d’entre eux qui sortent à la dernière minute pour nous dire, “Attends, attends, attends, laisse-moi un peu de temps, je vais sortir ma voiture de ma cour”. Ça crée de l’attente et une perte considérable de diesel, sans compter qu’il y a plusieurs clients que je ne peux desservir dans des délais raisonnables!», partage-t-il.

Philippe Sabourin, chargé des communications à la Ville de Montréal, fait un compte rendu de l’hiver 2012-2013 jusqu’à ce jour  : «La participation citoyenne a été satisfaisante en début de saison. Il y a eu un relâchement dans la dernière opération de chargement samedi et dimanche derniers (19-20 janvier), par rapport à nos données de remorquage, donc plus de remorquage qu’à l’habitude.»

«Lors des deux premières tempêtes, 18 et 27 décembre, on était en deçà de notre moyenne d’environ 1100 remorquages par jour de chargement, moyenne établie au cours des dernières années. On a pu compter 930 remorquages par jour lors de ces deux grosses accumulations de décembre», relate M. Sabourin.

Pourtant, pendant les périodes de chargement de la neige, 5700 places gratuites sont offertes aux Montréalais pour garer leur véhicule hors rue pendant la nuit. Il est possible de retrouver ces places sur une carte interactive disponible sur le portail de la Ville de Montréal (voir plus bas).

Ces places sont concentrées au centre de l’Île, du nord au sud. Les horaires sont variables d’un endroit à l’autre. Par exemple, dans l’arrondissement Plateau Mont-Royal, 113 places sont disponibles entre 18 h et 7 h le matin sur la rue Sherbrooke Est, entre l’avenue Calixa-Lavallée et la rue du Parc-Lafontaine. Dans l’arrondissement Ville-Marie, 61 places sont disponibles aux mêmes heures sur le boulevard de Maisonneuve, entre de Bleury et Jeanne-Mance.

Selon une entrevue accordée au journal de quartier Journal de Rosemont - La Petite-Patrie, M. Sabourin a exprimé que les places de stationnement offertes gratuitement au public n’étaient pas occupées à 100 %. Il croit que les habitudes des automobilistes sont difficiles à changer.

Les bacs à recyclage et les sacs à ordures des citadins de la métropole posent aussi problème. «Ils [les citoyens] devraient faire attention à ne pas déposer leurs ordures et leurs matières recyclables en bordure de la rue lorsqu’un chargement de neige doit se faire», précise Phillipe Sabourin. Cela entraîne des bris mécaniques et, par le fait même, ralentit les opérations.

Sur le site du portail de la Ville de Montréal (http://ville.montreal.qc.ca/), cliquez l’onglet «Services aux citoyens». On y trouve un menu où le titre «Collectes, entretien et déneigement» apparaît. Une fois sur cette page, vous n’aurez plus qu’à vous rendre sur le lien «Stationnement en période de chargement de la neige».