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Le journalisme d’enquête est très efficace mais sous-financé

Écrit par Gary Feuerberg, Epoch Times
08.02.2013
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  • (De gauche à droite) David Kaplan, directeur du Global Investigative Journalism Network; Marguerite Sullivan, directrice du Center for International Media Assistance; Drew Sullivan, fondateur du Journalism Development Network; et Sheila Coronel, directrice du Stabile Center for Investigative Journalism. Ils ont participé à un forum sur le journalisme d’enquête le 16 janvier 2013 à Washington, D.C. (Gary Feuerberg/Époque Times)

WASHINGTON – Le journalisme d’enquête a démontré qu’il est indispensable en matière de transparence et de responsabilité et a pris de l’ampleur partout dans le monde au cours de la dernière décennie.

Certains gouvernements le financent, notamment Washington à travers USAID et le département d’État, tout comme certaines ONG, qui y voient un moyen de lutter contre la corruption et de faire la promotion de la démocratie et de la primauté du droit.

Néanmoins, le journalisme d’enquête ne reçoit que 2 % des fonds destinés au développement des médias autour du globe. La plupart des fonds sont utilisés à la formation de base et aux opérations, et non pas pour fournir les habiletés et les ressources pour vraiment aller en profondeur et découvrir des informations importantes.

«Le journalisme d’enquête est extrêmement difficile», a expliqué Drew Sullivan le 16 janvier dernier lors d’un forum sur le soutien au journalisme d’enquête à travers le monde à Washington, D.C. «Il faut des décennies à quelqu’un avant de devenir un bon journaliste d’enquête», estime-t-il, ajoutant qu’il est impossible de maîtriser les trucs du métier avec une formation de trois jours.

M. Sullivan est un journaliste d’expérience et un spécialiste du développement des médias, ayant mis sur pied et dirigé le Center for Investigative Reporting (CIN) en Bosnie-Herzégovine, une organisation médiatique régionale indépendante.

David Kaplan, un autre journaliste d’enquête d’expérience ayant également participé au forum, décrit le journalisme d’enquête comme étant «méthodique, en profondeur», utilisant normalement des «sources de première main», de la «recherche originale» et une «vérification rigoureuse des faits». Il implique souvent la révélation de secrets et l’utilisation poussée des données. Il y a aussi une «longue tradition de se concentrer sur la justice sociale et la transparence», affirme-t-il.

M. Kaplan est actuellement le directeur du Global Investigative Journalism Network (GIJN), une association de plus de 70 organisations dans 35 pays qui soutiennent le journalisme d’enquête.

Les ONG augmentent leur soutien

Les organisations de journalisme d’enquête à but non lucratif ont joué un rôle crucial dans le développement de ce type de journalisme partout dans le monde. En 2007, le GIJN a identifié 39 de ces organisations – des centres médiatiques, des instituts de formation, des associations professionnelles, des groupes offrant des subventions et des réseaux en ligne – dans 26 pays. En 2012, le nombre est passé à 106 dans 47 pays.

La plus importante de ces organisations aux États-Unis est ProPublica, qui avait un budget de plus de 10 millions de dollars en 2011. Le Center for Investigative Reporting et le Center for Public Integrity ont des budgets d’un peu plus de 5 millions de dollars.

Dans les années 1970, il y avait peut-être trois organisations à but non lucratif (OBNL) de ce genre. La première, le Fund for Investigative Journalism, a vu le jour en 1969 et elle finançait les journalistes locaux. Son premier récipiendaire fut Seymour Hersh, qui a enquêté sur le massacre de My Lai au Vietnam et qui a remporté un prix Pulitzer pour son reportage.

Ceux qui préfèrent le silence

Selon M. Sullivan, les OBNL qui tentent de faciliter le journalisme d’enquête au niveau local doivent faire face aux propriétaires de journaux qui ont leurs propres intérêts politiques. «Un nombre élevé de publications dans le monde ont des liens directs avec des organisations politiques ou criminelles, alors il y a peu de motivation [à aborder certains sujets].»

M. Kaplan a écrit dans le rapport Empowering Independent Media que des enquêtes ont permis de découvrir que «la moitié des propriétaires de médias à Bucarest, Roumanie, ont fait l’objet d’une enquête pour racket ou blanchiment d’argent». M. Sullivan lui a indiqué dans une entrevue que son centre en Bosnie avait documenté quelque chose de similaire.

«Il est peu probable que de tels propriétaires seraient disposés à commanditer des formations sur la manière d’enquêter sur le crime et la corruption ou de permettre à leurs rédacteurs de publier des articles percutants sur les abus de pouvoir au niveau local», écrit M. Kaplan.

Les journalistes d’enquête doivent également faire attention à leur sécurité et composer avec des questions légales. «Nous avons des journalistes qui ont été menacés [et suivis]. Parfois, nous avons dû faire sortir un journaliste d’un pays très rapidement», explique Drew Sullivan.

Les organisations œuvrant dans le développement des médias doivent «comprendre le risque légal de publier quelque chose sur Internet et d’assumer la responsabilité légale envers 220 pays à travers le monde», mentionne M. Sullivan.

Sheila Coronel, directrice du Stabile Center for Investigative Journalism à l’Université Columbia, a cofondé le Philippine Center for Investigative Journalism (PCIJ) en 1989 avec quelques centaines de dollars et une machine à écrire, selon David Kaplan. Sous la direction de Mme Coronel, le PCIJ est devenu «la norme à atteindre pour le journalisme d’enquête en Asie», écrit M. Kaplan. Le PCIJ est surtout connu pour sa série de reportages sur la fortune cachée du président Joseph Estrada, qui a été écarté du pouvoir en raison de ses détournements de fonds.

«Les instructeurs [du PCIJ] ont pratiquement, à eux seuls, formé une génération de journalistes d’enquête aux Philippines et ont diffusé leur savoir-faire à travers l’Asie», écrit M. Kaplan.

Mme Coronel a tenté d’expliquer, lors du forum, certaines des raisons expliquant les succès du PCIJ. «Pendant plus d’un an, nous n’avions pas de financement, mais nous avions du contenu et nous devions démontrer que ce contenu était efficace.»

Elle a dit à M. Kaplan que le journalisme devait atteindre des normes très élevées en matière d’exactitude. «Les articles passaient à travers plusieurs niveaux de révision. Nous avons attendu des mois juste pour obtenir l’autre version des faits, dont celle d’Estrada.»

M. Kaplan a cité une étude réalisée par Transparency International en 2011 pour démontrer le degré de confiance mondiale envers le journalisme d’enquête pour lutter contre la corruption. Dans 30 différents pays, 3000 gens d’affaires ont été sondés.

Près de la moitié (49 %) ont affirmé qu’il était efficace pour lutter contre la corruption dans le domaine privé. Pratiquement tous les pays ont exprimé une plus grande confiance envers le journalisme d’enquête qu’envers les lois anticorruption.

Fonds de développement des médias

Le journalisme d’enquête ne constitue qu’une seule forme de développement des médias. En général, le développement des médias cherche davantage à renforcer les médias dans certains pays en les aidant à devenir plus indépendants et professionnels.

Le Center for International Media Assistance (CIMA) estime que les subventions privées et publiques pour le développement des médias venant des États-Unis ont atteint 222 millions de dollars en 2010. Il s’agit d’une augmentation de 56 % depuis 2006.

Cette augmentation est surtout attribuée au financement du gouvernement américain offert à des médias en Irak et en Afghanistan. CIMA affirme que USAID (63 millions $) et le département d’État (44 millions $) sont les plus importants donateurs gouvernementaux. L’Open Society Foundations de New York est de loin le donateur privé le plus important (45–50 millions $).

À l’échelle mondiale, près d’un demi-milliard de dollars (487 millions $) ont été dépensés en aide internationale aux médias en 2010, dont 84 % proviennent d’agences gouvernementales aux États-Unis et de l’Union européenne. Environ 12 millions de dollars, soit 2 % du total, sont allés au développement du journalisme d’enquête, selon M. Kaplan.

Toutefois, indique M. Sullivan, «Les donateurs s’intéressent probablement plus que jamais au journalisme d’enquête.»

Ils recherchent le meilleur retour sur leurs investissements et «le journalisme d’enquête est souvent le genre de journalisme qui peut générer des changements dans une culture».

Version anglaise : Investigative Reporting: Highly Effective but Underfunded

 

 

 

   

 

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