L’Odyssée de Pi

De la raison à la foi

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
16.03.2013
  • Ang Lee, réalisateur taïwanais.

Ang Lee, réalisateur taïwanais et lauréat de l’Oscar du meilleur réalisateur 2013, nous surprend une fois de plus avec un film en 3D: L'Odyssée de Pi, un film sur la foi et son rapport au cinéma.

La plupart des spectateurs se souviennent certainement de lui grâce à son magnifique film sur la Chine impériale, Tigre et Dragon, qui avait été récompensé par l'Oscar du meilleur film étranger, en 2001.

Eh non, il ne s'agit pas d'un film d'action! L'Odyssée de Pi ne montre pas de sauts périlleux ni de duels à l'épée, comme on pourrait s'y attendre s’agissant d'un film 3D. Mais en revanche, il nous mène à la rencontre d'un monde extraordinaire. Ce qui nous rappelle qu'effectivement Ang Lee est un réalisateur maîtrisant différents genres. Il a su nous émerveiller aussi bien avec une grande fresque historique, Raisons et sentiments (1995), Tigre et dragon (2000), qu'avec des films intimes Salé sucré (1994), Icestorm (1997). Que ce soit sur le mode comique ou dramatique, il traite avec autant de subtilité et de profondeur la société taïwanaise actuelle, la société anglaise du XIXe siècle, la Chine du XVIIIe siècle ou la classe moyenne américaine des années 1970.

Cependant, s'il fallait trouver un fil conducteur à son œuvre, on pourrait y voir la résurgence de la question de l'éthique. L'éthique qui dépasse les mondes confinés des religions et des traditions et avec laquelle l'individu pourra se construire au-delà des contraintes liées à ses origines.

D'ailleurs, les valeurs omniprésentes dans ses films sont les mêmes qui caractérisent la Chine millénariste: loyauté, authenticité, courage et foi, cette dernière étant souvent liée au merveilleux. Mais est-ce vraiment étonnant de la part de quelqu'un qui croit, et nous fait croire à la magie du cinéma.

En effet, L'Odyssée de Pi, une adaptation cinématographique du bestseller de Yann Martel, Histoire de Pi, est centrée autour de la croyance sous toutes ses formes, du rapport entre la croyance et la créativité et plus précisément dans ce cas, au cinéma.

Le film raconte l'histoire incroyable d'un jeune indien, voyageant sur un radeau pendant 300 jours en compagnie d'un tigre du Bengale qui a été nommé Richard Parker, suite à une erreur administrative.

Quant au jeune garçon, il se prénomme Piscine Molitor en l'honneur de la fameuse piscine parisienne très prisée par son oncle. Pi est donc le diminutif que s'est trouvé ce fils de directeur d'un jardin zoologique qui passe son enfance dans un cadre idyllique à Pondichéry en Inde jusqu'au jour où sa famille décide d'immigrer au Canada.

Une tempête déchire leur navire et Pi se retrouve sur un canot de sauvetage en compagnie d'un zèbre blessé, une hyène meurtrière, une femelle orang-outang très maternelle et un tigre féroce. Après une lutte meurtrière pour la survie, il ne restera finalement que Pi et le tigre à bord, obligés de trouver un moyen de vivre et de survivre ensemble.

  • L'Odyssée de Pi, un film sur la foi et son rapport au cinéma qui mène à la rencontre d'un monde extraordinaire.

La présence du tigre empêche le garçon de sombrer dans l'abrutissement de la solitude, l'obligeant à rester sur ses gardes et à aiguiser ses sens. Pi, ne pouvant se résoudre à laisser mourir l'animal quand il en a l'occasion, entreprend de le dompter. Puis, comme dans Le Petit Prince, il commence à se sentir responsable de la créature qu'il a plus ou moins domptée: créature qui n'est d'ailleurs qu'un pur produit de la technologie synthétique développée aujourd'hui par le cinéma.

Ces aventures extraordinaires se déroulent dans un univers rond et harmonieux, où le ciel immense se reflète dans le vaste océan créant ainsi un effet de heaven (ciel et paradis) où les personnages semblent flotter dans le ciel.

Si jusqu'à présent, nous avons eu l'habitude de voir des films en 3D avec des images plus ou moins violentes de personnages qui foncent à toute allure dans l'écran, Ang Lee nous en propose un autre usage. Il se sert de la 3D pour créer au contraire un effet de sérénité et d'harmonie, une fusion entre ciel et mer, entre réalité et imaginaire, entre Orient et Occident, entre passé et présent. C'est dans ce cadre idyllique, parmi les innombrables étoiles étincelantes de la nuit océanique que notre protagoniste forge sa foi, alors que le spectateur, lui, retrouve sa place dans l'immense univers.

Dieu existe-t-il? Le débat entre la raison limitée par la science contemporaine de l'occident – représentée par le père – et la croyance ouverte de la mère, soutiennent le film. La réponse en soi n'a pas vraiment d'importance, ce qui compte c'est le choix que nous faisons.

À la fin du film, allongé sur son lit d’hôpital, Pi propose aux agents d'assurance qui ne croient pas à son histoire, une alternative brève et correspondant mieux à la conception ordinaire du monde et du vivant. À l'instar du dieu créateur, Ang Lee établit un parallèle entre la croyance et le réel, il nous laisse choisir la version de l'histoire à laquelle nous voulons croire, et par là-même nous oblige à choisir le monde dans lequel nous voulons vivre.

L'Odyssée de Pi, 2012, Ang Lee à partir de 10 ans, 125min.

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