Comment dénaturer le cadeau de l’érable

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
19.03.2013
  • Un érable donne environ 10 % de son eau, selon Michel Durand Nolett, formateur pour les producteurs acéricoles et technicien forestier. (Fédération des producteurs acéricoles du Québec)

«Le sirop extra-clair [la meilleure qualité selon diverses classifications] n’est en fait qu’une qualité médiocre», s’oppose Michel Durand Nolett, avec toute sa placidité, à l’industrialisation qui trahit le joyau de l’érable. Issu de la communauté Odanak (réserve de la nation Abénakis près de Sorel), il a cumulé les titres tels que formateur pour les producteurs acéricoles, conférencier en plantes médicinales, technicien forestier et gestionnaire foncier (semblable au rôle du notaire pour les communautés autochtones).

«Un vrai bon sirop, c’est brun foncé. Quand il est trop clair, il a perdu ses minéraux et ses propriétés médicinales.» Selon lui, tous les traitements qu’on lui impose, dont celui de l’osmose inversée [puissant purificateur d’eau qui filtre] sont à l’origine de l’altération du sirop d’érable.

Sur le site de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, on peut y lire qu’«en début de saison, le sirop est généralement clair et le goût légèrement sucré […] Plus la saison avance, plus il devient foncé et caramélisé […]». M. Durand Nolett affirme connaître des acériculteurs qui entaillent leurs érables au mois de décembre et janvier.

«C’est l’industrie qui veut ce standard du sirop clair, le sirop artisanal est rarement de cette couleur. Il faut comprendre que ce n’est pas parce qu’il est surchauffé qu’il devient brun, explique-t-il, mais bien quand l’eau d’érable est ramassée au moment le plus opportun.»

«Le sirop d’érable à privilégier, c’est celui qui vient des petites cabanes à sucre familiales, avec une centaine d’entailles, fait dans des anciens chaudrons, filtré avec un sac spécial», partage l’autochtone épanoui. Cela contraste avec les érablières aux 200 000 entailles qu’il connaît, où l’on transporte l’eau d’érable avec des camions-citernes et une production de centaines de milliers de gallons de sirop d’érable.

«La surexploitation de l’érable fait en sorte qu’on entaille les érables trop petits. J’ai vu parfois quatre, cinq ou six chalumeaux [bec verseur qui sert à extraire l’eau d’érable] sur un même arbre pour avoir plus d’eau. L’arbre donne environ 10 % de son eau. Que tu mettes 10 ou un chalumeau, il va te donner le 10 %», continue-t-il.

Raser les plantes aidantes

«Plusieurs érablières sont dépouillées, on coupe les essences qui ne sont pas des érables. On fait de la monoculture. Quand on regarde la santé de son érablière, on doit y retrouver une biodiversité», avance Michel Durand Nolett.

«Je connais des acériculteurs qui ne font aucune intervention, ils ne coupent pas les autres arbres. Ils vont tasser des branches qui sont cassées pour se déplacer, mais ils ont des rendements aussi grands que ceux qui ont tout rasé et qui entaillent à outrance», ajoute-t-il.

M. Durand Nolett explique que «quand on a une érablière avec quelques sapins, c’est excellent pour une érablière, puisque leurs propriétés aèrent le sol. Plus ton sol est aéré, plus l’eau est disponible pour les autres plantes environnantes. Le frêne est une plante-compagne, il va prévenir des maladies chez les arbres».

«Un vieil acériculteur de 80 ans, qui fait du sirop d’érable comme son père le faisait, m’a apporté un pot plein. Et puis j’en ai donné à mes enfants. Ils m’ont dit : “Es-tu capable d’en avoir d’autres? Les autres sirops que nous avons goûtés ne sont pas bons à comparer à celui-là. Ça c’est du vrai”», confie Michel Durand Nolett.