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Réponse mitigée à l'annonce de la réforme des camps de travail chinois

Écrit par Matthew Robertson, Epoch Times
06.03.2013
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  • Le nouveau dirigeant chinois, Xi Jinping (Ed Jones-Pool/Getty images)

Le Parti communiste chinois a annoncé en janvier dernier que son vaste réseau de camps de concentration – ou son programme de «rééducation par le travail forcé» – allait être aboli. Ou mis sur la glace. Ou réformé. Comme beaucoup d'autres changements de politiques sensibles en Chine, les détails sont encore flous. Ainsi, les fonctionnaires au sein du régime ne savent pas trop comment réagir, et les observateurs ne savent pas trop comment évaluer la situation.

Le système de travail forcé, appelé laojiao en chinois, est une des pierres angulaires de l'appareil répressif des communistes depuis 1957 et contient actuellement des centaines de milliers ou des millions de prisonniers. Les chiffres sur la population de détenus demeurent essentiellement des estimations venant des chercheurs en droits de la personne, puisque le régime ne publie aucune statistique et n'autorise pas l'accès. Les Chinois peuvent être condamnés jusqu'à quatre ans de travail forcé, sans avoir accès à un avocat et sans procès, pour des «crimes» comme se moquer d'un fonctionnaire du Parti sur Internet ou pour leurs croyances religieuses.

Étant donné l'importance du système pour réaliser l'objectif du Parti communiste de «préserver la stabilité», la nouvelle de son abolition a généré beaucoup de spéculation. Comme le suggère un dissident chinois, verra-t-on un cas «d’un bouillon différent mais d’une même médecine»? Le Parti décidera-t-il d'utiliser son système judiciaire pour punir les ennemis de l'État? Ou bien est-ce vraiment un signe de réforme?

Panique

Les réactions au sein du Parti renforcent l'incertitude par rapport à toutes les possibilités mentionnées précédemment.

Selon des entrevues réalisées par Époque Times, des fonctionnaires de Chongqing, une mégalopole du Sud-Ouest, sont dans un état de panique alors qu'ils tentent de déterminer comment les nouvelles directives vont les affecter personnellement.

Les membres du vaste appareil de sécurité dans cette ville ont raison d'être inquiets, puisque des milliers de personnes auraient été condamnées à tort au travail forcé sous la supervision de Bo Xilai, l'ex-membre du Politburo et chef de Chongqing. Sa campagne visant à «écraser les criminels» consistait à qualifier «d'éléments mafieux» ses ennemis politiques et autres nuisances, à confisquer leurs avoirs et à déporter les individus vers un genre de Sibérie chinoise. Lorsque ces personnes seront libérées, elles pourraient chercher à se venger.

Abandon graduel

Dans la province du Guangdong, depuis longtemps un bastion de l'entrepreneuriat et de l'expérimentation, la réponse s'est faite plus modérée. Le Comité du Parti a annoncé qu'il cesserait d'utiliser le système de travail forcé au courant de l'année. Les camps de travail n'accueilleront plus de nouveaux détenus, et ceux qui sont actuellement incarcérés vont purger le reste de leurs peines.

Au Yunnan, une province plus éloignée du centre et possédant une forte identité locale, les autorités ont annoncé qu'elles cesseraient de condamner les gens au travail forcé pour trois types d'infractions : «mettre en danger la sécurité de l'État, protester en perturbant l'ordre et salir l'image des dirigeants de l'État». Les détenus actuels vont purger le reste de leurs peines et, à la suite de cela, les camps vont probablement fermer.

Renee Xia, la directrice de Chinese Human Rights Defenders, une ONG basée à Hong Kong, a déclaré dans un communiqué que l'optimisme par rapport aux nouvelles directives serait prématuré. «Il y a très probablement des désaccords au sein du Parti et des conflits au sommet au sujet du sort des camps, ce qui jette une ombre sur l'intention du Yunnan ou du Guangdong d'aller de l'avant», commente-t-elle.

La prison d'abord

Les plus pessimistes chez les dissidents et les observateurs estiment que la réponse de certains fonctionnaires chinois sera tout simplement de se rabattre sur d'autres outils de persécution. C'est déjà ce qui se produit pour les pratiquants de Falun Gong, selon le site Minghui.org qui publie des témoignages de persécution de première main. Le Falun Gong est une discipline spirituelle qui a été interdite en 1999 par l'ex-dirigeant Jiang Zemin, lui qui en craignait la popularité. 

Selon un article de Minghui, de lourdes peines de prison ont été octroyées dans certaines régions, et 75 cas ont été répertoriés uniquement durant la première semaine de janvier. Le Parti s'est donc rabattu sur son système judiciaire pour s'en prendre à ses ennemis, un processus qui offre à peine plus de protection à ses victimes que le système arbitraire et extrajudiciaire des camps de travail forcé.

«Même médecine»

Ces récents développements n'ont rien de surprenant pour Zhong Weiguang, un chroniqueur et chercheur sur les régimes totalitaires, basé en Allemagne. «La forme et le nom de la rééducation par le travail pourraient être changés parce que ça paraît mal. Ils pourraient ne pas l'utiliser pendant un certain temps. Cependant, leurs objectifs, leur contrôle, la surveillance, l'intimidation et la persécution des gens sous le règne totalitaire du Parti seront les mêmes.»

Sans des réformes politiques plus vastes, il ne peut prendre l'annonce sérieusement, dit-il. Il considère plutôt qu'il s'agit d'un exercice de propagande.

Bien que M. Zhong vive à l'extérieur de la Chine depuis maintenant plusieurs décennies, il est tout de même très attentif aux développements. Les dissidents et les avocats qui défendent les droits civils sont d'accord avec l'idée générale, soit que le Parti va bien entendu continuer à réprimer la population. Ils ont cependant une vue d’ensemble plus sobre et à long terme de ce qui sera nécessaire pour transformer la Chine dans l’avenir.

Le fruit de l'effort

Huang Qi, qui a mis sur pied un des premiers sites Internet sur les droits de la personne en Chine, Liusi Tianwang (le site céleste du 4 juin), estime que la nouvelle politique n'est pas qu'un coup de propagande.

«À l'étape actuelle, après plus d'une décennie de protestation collective, on peut dire que le système de laojiao a déjà atteint sa fin. C'est en raison des protestations et du mécontentement qu'ils ont pris des mesures pour l'abolir», croit-il.

La pression internationale n'a joué qu'un rôle mineur. «Ce qui a vraiment fait bouger les choses ce sont les millions de citoyens, dont nos amis du Falun Gong, et leurs années de résistance», affirme Huang Qi.

Le fait que le régime ait été obligé à répondre à la pression sociale «est bien sûr un signe de progrès social», ajoute-t-il. Il y voit une étape dans une longue campagne de résistance : même si le système sera probablement remplacé par quelque chose d'autre, ils vont continuer de résister. L'élément clé est que le changement est un signe que la pression populaire a pu faire plier les autorités.

«La chose la plus importante est la résistance des citoyens, c'est le moteur le plus essentiel pour le changement social en Chine», estime Huang Qi.

Un signe de progrès

Zhang Jiankang, un avocat défenseur des droits civils dans la province du Shaanxi, a une perspective semblable. «Dans les premières années, les “crimes contre-révolutionnaires” sont par la suite devenus la “subversion du pouvoir de l'État”. Ils n'ont que changé le nom, bien que le contenu soit demeuré le même. Cependant, se débarrasser du nom “crimes contre-révolutionnaires”, à la surface, est quand même un signe de progrès.» Selon lui, cela démontre que le Parti a dû réagir aux pressions populaires.

Certains observateurs se demandent si l'annonce aura des conséquences inattendues, comme l'ouverture de la porte à d'autres réformes qui vont finalement amener plus de libertés, et peut-être même la démocratie, en Chine.

«La Chine qui se dirige vers la primauté du droit est une tendance que personne ne peut arrêter», affirme Huang Qi. Selon lui, les gens en Chine – y compris les journalistes, les avocats, les universitaires, les protestataires – doivent «continuer de résister».

«Sous cette supervision et cette résistance continuelles, je crois que la Chine continentale va marcher vers la démocratie et les droits de la personne […] C'est seulement en poussant très fort que nous pourrons avoir une Chine qui se dirige vers les droits de la personne.»

Version anglaise : Chinese Regime Labor Camp Reforms Bring Panic, Puzzlement, Hope

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.