Libéria: retrait des fonds suédois et difficultés pour les agriculteurs

Écrit par Madeleine Almberg, Epoch Times
12.04.2013
  • Des enfants jouent sur un tas de copeaux de bois abandonnés qui devait servir de biomasse pour la production d’énergie au Libéria, en Afrique de l’ouest. En 2010, Vattenfall, une entreprise suédoise du secteur énergétique, avait procédé à des investissements dans le pays, avant de se retirer subitement en 2012. (Anders Hansson/Swedwatch)

STOCKHOLM – Selon le nouveau rapport publié par SwedWatch, une organisation de surveillance suédoise, l’entreprise énergétique suédoise Vattenfall a investi dans des plantations d’hévéas au Libéria pour en faire une source de biocarburant, sans comprendre la nature sensible de l’économie d’un pays sortant de deux guerres. SwedWatch est une organisation à but non lucratif dont la mission est de s’assurer que les entreprises suédoises fonctionnent sans impact social, ni environnemental négatif, dans les pays en développement.

Lors de son retrait précipité en mai 2012, sans aucun plan détaillé de sortie, Vattenfall a laissé derrière elle des agriculteurs dans l’impossibilité de garder leurs plantations en fonctionnement puisque les frais de fonctionnement devaient être versés par l’entreprise suédoise. Les conséquences sont une dégradation de l’environnement dans un pays sortant de la guerre, en quête de stabilité et qui se retrouve trahi à nouveau.

Pour Maria Rydlund, experte en forêts tropicales pour le compte de la Société suédoise pour la conservation de la nature (SSCN), l’une des organisations qui a participé au rapport SwedWatch, «le fait de travailler dans un pays en sortie de guerre impose aux acteurs de plus grandes exigences». L’évaluation des risques établie par Vattenfall aurait dû être revue.

«Dès le début du projet, il fallait développer une stratégie appropriée, permettant de minimiser les risques qu’une telle situation se produise», regrette Rydlund. En 2010, Vattenfall et Swedfund ont racheté 30 % des actions de la compagnie de biocarburant Buchanan Renewables Fuel (BRF). Les partenaires ont investi dans les plantations d’hévéas qui fournissent des copeaux de bois pour la biomasse.

La biomasse et le charbon devaient servir dans les centrales de charbon de Vattenfall, afin de réduire les émissions de carbone. La biomasse devait aussi fournir de l’énergie pour la capitale libérienne, Monrovia.

Toutefois, deux ans plus tard, Vattenfall a subi une perte d’environ 1,3 milliard de couronnes (155 millions d’euros). L’entreprise Vattenfall, principal investisseur, a subi le choc du rachat de Swedfund et l’absorption de la perte de BRF. Vattenfall a reconnu que c’était une mauvaise affaire et qu’elle comprenait mal les mécanismes de l’investissement en Afrique.

Ivo Banek, responsable de la communication de Vattenfall, confessait au magazine suédois Omvarlden: «Nous sommes une entreprise européenne et nous ne comprenons pas l’Afrique». C’était le premier investissement de  Vattenfall en Afrique et l’entreprise a sous-estimé les difficultés de la construction d’une infrastructure fonctionnelle, résume Banek. Il reconnaî: «il y avait une situation locale qui n’était pas sous notre contrôle».

Dans les plantations, les agriculteurs tentent de récupérer de leurs pertes. Il faut environ sept ans à la plante pour produire du caoutchouc. Les agriculteurs devaient être rémunérés pour tous les arbres coupés et soutenus pour l’entretien et la replantation des nouveaux hévéas.

Lorsque les fonds se sont subitement envolés, les agriculteurs se sont retrouvés avec des plantations qu’ils ne pouvaient plus faire fonctionner.

«Les investissements des ‘agriculteurs des plantations’ sont devenus obsolètes, suite à la résiliation du contrat et au fait que les rémunérations promises ont disparu ou n’atteignaient pas les montants annoncés», analyse Henrik Frojmark, administrateur de la responsabilité des entreprises à l’Eglise de Suède, qui soutient également le rapport de SwedWatch.

Pour Frojmark, «les agriculteurs n’ont tiré tout simplement aucun revenu de leurs plantations et doivent trouver d’autres moyens de subvenir à leurs besoins». Et pour ne rien arranger, les gros tas de copeaux de bois abandonnés ont attiré un certain type de fourmis qui tuent le bétail local.

Le Libéria se remet lentement des deux guerres civiles, la première ayant duré de 1989 à 1996, et la seconde de 1999 à 2003. Ces guerres ont déplacé des centaines de milliers de personnes et réduit l’économie du pays en ruine. Pour Frojmark, l’exemple de Vattenfall montre combien il est important pour les entreprises de procéder à des évaluations précises des risques et de leur impact avant d’investir dans des pays pauvres, en situation post conflit.

«Nous voulons que nos publications servent de base pour un dialogue constructif avec les entreprises et les décideurs et que finalement, elles conduisent à des changements positifs dans le comportement futur des entreprises», a déclaré Frojmark.

Rydlund a donné cet avertissement: «les investissements qui affectent les conditions de vie des groupes vulnérables et de leur environnement doivent être précédés d’une recherche méticuleuse qui s’appuie sur une bonne connaissance locale et du contexte actuel du pays.»

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