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La grande désolation de Bergeron

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
17.04.2013
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  • Chef de la deuxième opposition à l'hôtel de ville et candidat à la mairie de Montréal, Richard Bergeron en est arrivé à un point de saturation lorsqu’il entend parler du sujet des nids-de-poule. (Projet Montréal)

Désirant éliminer ce sujet à jamais, Richard Bergeron, chef de Projet Montréal, a exprimé en entrevue son aversion pour cette thématique qui a été un des deux seuls enjeux de la campagne électorale municipale de 2005 alors qu’il entrait en politique.

«Dans le peu d’espace que j’avais et comme le parti [Projet Montréal] était naissant, je disais aux journalistes “Vous rendez-vous compte comment c’est ahurissant qu’à la métropole française des Amériques, Montréal Ville UNESCO de design, etc., une campagne porte seulement sur deux thématiques  : les nids-de-poule et la propreté, j’ai honte comme Montréalais!” Je me souviens de leur avoir dit aussi, pince-sans-rire, que je ne pouvais croire que les partis pourraient tenir avec ces deux seuls sujets. Tôt ou tard, comme les campagnes électorales municipales durent six semaines, je souhaite que ça se termine le plus tôt possible, il va falloir parler d’autres choses. Finalement, on n’a parlé que de ça…», se navre M. Bergeron.

«Le pire qui pourrait arriver en 2013 [aux prochaines élections], c’est qu’on reparte sur un dérapage comme celui-là. Ceci étant, le travail de la réfection des chaussées a été fait», tient à préciser M. Bergeron.

 

Engagement unique de Tremblay

«Le seul engagement que Gérald Tremblay [dernier maire de Montréal] avait pris en 2005, c’était 500 millions sur les nids-de-poule, appelés plus sérieusement la “réfection des chaussées”. Il avait oublié de dire qu’il avait créé une loi spéciale pour financer cette seule promesse de 500 millions de dollars. Une seule promesse… On est déjà entré dans le XXIe siècle, on est en mesure de s’attendre que Montréal soit consciente de son statut de grande ville, voire de métropole nord-américaine», constate le chef de Projet Montréal.

«Deux mois après avoir voté le budget, je me rends compte qu’il y avait une taxe spéciale de créée pour la réfection des chaussées. Je me lève au Conseil municipal :  “Monsieur le maire, j’ai une question à vous poser. Déjà je me désolais que vous ne parliez que des nids-de-poule lors de la dernière campagne, quand vous nous disiez que vous vouliez investir 500 millions sur quatre ans, saviez-vous avant la campagne que, pour financer cette si modeste mesure, vous alliez créer une taxe spéciale?” Il s’est levé et il a dit  : “Non, ce n’était pas prévu à ce moment-là. On se gardait ça après l’élection.” Il avait fait un seul engagement et il n’a même pas été capable de le tenir», poursuit le candidat à la mairie en 2013.

Meilleur avant 2005

«Les chaussées aujourd’hui ne sont plus ce qu’elles étaient en 2005. Objectivement, elles sont bien mieux. J’ai noté chaque rue, chaque chaussée qui a été reconstruite depuis que j’ai été élu en 2005. J’ai vu Peel, j’ai vu Viger, j’ai vu Saint-Antoine, j’ai vu René-Lévesque, j’ai vu Henri-Bourassa et je les ai toutes suivies. Le réseau artériel et des collectrices a été presque entièrement refait, mais pas toujours en profondeur», a constaté M. Bergeron à pied, à vélo et comme automobiliste.

«Le réseau artériel et des collectrices sont sous la responsabilité de la Ville. Les rues locales, elles, sont sous la responsabilité des arrondissements, arrondissements qui ont de minuscules PTI [Programme triennal d'immobilisations  : regroupement de projets d’administration municipale aux ressources limitées]. Il subsiste beaucoup de problèmes au niveau des chaussées. Il faut aussi savoir que les rues locales, par définition, elles sont empruntées par bien moins de monde», rapporte l’élu municipal.

À quel prix?

  • L’équipement de réparation de nids-de-poule mécanisé appartenant à la compagnie de construction Jean-Paul Trahan 1890, expert en réfection de nids-de-poule pour la Ville de Montréal (Ville de Montréal)

«L’inquiétude que l’on doit avoir face à cette vague de travaux est que comme il n’y avait pas de surveillance de chantiers, est-ce que la durée de vie de la chaussée sera au rendez-vous, soit d’un minimum de 15 ans? Dans le cas d’une rue moins passante, ça doit être dans un horizon de 25 ans. Pour bien connaître Henri-Bourassa comme je la fais souvent à vélo, entre autres, pour voir ma mère, j’ai pu constater qu’après trois ans, ça s’est remis à craquer. Il y a quelque chose qui ne va pas. Il y a quelqu’un qui n’a pas bien fait son travail», juge Bergeron.

«Sur Saint-Laurent, là où les travaux de réfection des chaussées ont été faits en profondeur, ça a coûté cher, 45 millions, là il n’y a pas de craques. Mais comme ça a été fait de fond en comble, cela peut être plus compréhensible», croit-il.


«Michel Lalonde [Le PDG de Génius Conseil] répétait continuellement [à la commission Charbonneau] “la qualité y était, la qualité y était”, mais cette insistance sur cette thématique de la qualité à quoi tenait-elle à part tuer le sujet d’avance? “Surtout, ne posez pas la question de la qualité”. Maintenant, comment peut-on en juger? Ce sera d’attendre quelques années pour voir si les travaux ont eu bel et bien la qualité à laquelle nous étions en droit de nous attendre», comprend M. Bergeron.

 

 Deux technologies

«Pour les rues urbaines, il y a la technologie de la dalle de béton, supportant la couche d’asphalte. Cela est utilisé pour les rues à fort débit. Quand ça brise, c’est dur à réparer. L’autre, c’est la technologie souple. Ce sont divers granulats se succédant et compactés selon des normes de compaction ultrasophistiquées, sur lesquels on étend une couche d’asphalte. Les rues Saint-Laurent et McGill en sont des exemples», explique Richard Bergeron.



Démanteler l’expertise

«Gérald Tremblay a démantelé l’expertise publique de la Ville. Il n’a gardé que quelques personnes comme M. [Gilles] Surprenant et M. [Luc] Leclerc  [ex-ingénieurs de la Ville de Montréal]. Concernant la période de la très grande corruption, de 2006 à 2009, ils disaient  :  “Nous étions devenus les seuls comme surveillants de chantiers”. Voilà le système “Tremblay” dans toute sa beauté. Il faut retrouver cette éthique des institutions publiques du service public qu’avait connue Leclerc avant d’arriver à la Ville. Il faut redevenir maître de la définition de nos besoins. Qui décide comment il faut investir dans l’eau, dans les rues, dans quoi que ce soit à la Ville de Montréal? La Ville ne prend plus de décision comme elle n’a pas la capacité d’analyse étant donné qu’on a démantelé tous nos services techniques. Si on veut savoir dans quoi investir, on remet le tout dans les mains des entrepreneurs», déplore l’aspirant-maire de Montréal.

Selon Bergeron, le scandale des compteurs d’eau et l’implication de SNC-Lavalin est un exemple qu’il faut prendre comme leçon. «Pour le moment, on a zéro possibilité de contre-expertise. Nos besoins sont entièrement définis par le secteur privé. Retrouver notre expertise pour répondre aux problèmes qui se posent. Il est important de concevoir nous-mêmes les solutions pour avoir tous les critères techniques de suivi et tout pour préparer les appels d’offres. La seule partie que je donne au privé, c’est la réalisation du contrat. On se doit de garder la surveillance et le contrôle final. Une fois que le ménage aura été fait, on pourra confier à des privés de confiance», termine le chef de Projet Montréal.

Derniers contrats d’asphalte

«Le sondage [concernant des contrats d’asphaltage à des entreprises sous enquête] a été ridiculisé par tout le monde, y compris par moi», affirme Bergeron. «On n’a pas besoin de ces singeries-là. Pour [le maire] Applebaum, c’est du spectacle, il voulait avoir sa photo dans le journal, qu’on parle de lui. En plus, il a annoncé qu’il ferait d’autres sondages», a-t-il compris.

«La Ville a acheminé 75 contrats au gouvernement du Québec qui, lui, décide lesquels il envoie à l’AMF [l’Autorité des marchés financiers] pour analyse. Sur 75, aucun ne concernait les contrats de Tony Accurso [et ses compagnies  : Simard-Beaudry, Constructions Louisbourg et d’autres].» 

Tony Accurso, homme d’affaires québécois en construction, hautement controversé, entre autres, pour avoir eu des liens avec le crime organisé qu’avait mis au grand jour l’émission Enquête à la télévision de Radio-Canada, et avoir été impliqué dans des tentatives de corruption de politiciens.

«On était placé devant un drôle de dilemme. Si on votait contre les contrats [d’asphaltage] et qu’on gagnait [en matière d’intégrité], Accurso et ses entreprises n’iraient toujours pas devant l’AMF. Pour qu’il y aille, il fallait voter pour, même si c’est paradoxal. Nous avons voté pour, ma formation politique et moi, ce qui explique l’unanimité [du vote], puisque c’était la première occasion de le coincer et de l’amener devant l’AMF à partir de la Ville de Montréal. Rien ne nous dit que les entreprises de Tony Accurso ne sont pas sous examen de l’AMF actuellement, mais on ne le sait pas. Ce qui est sûr, c’est que sur les 75 premiers contrats, il n’y était pas. J’avais tenu pour acquis qu’il y était déjà», partage Richard Bergeron.

 

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.