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L’agriculture de l’Inde au bord du gouffre

Les politiques maladroites stimulant la production à court terme, pourraient transformer l’Inde en un importateur de denrées alimentaires

Écrit par Deepak Gopinath, Epoch Times
04.04.2013
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  • Les agriculteurs indiens récoltent des pommes de terre dans un champ près d’Allahabad, en Inde, le 12 Mars 2013. L’Inde est le deuxième producteur mondial de produits agricoles. (Sanjay Kanojia/AFP/Getty Images)

Après des décennies en marge du commerce agricole international, l’Inde se montre prête depuis l’an dernier à devenir un fournisseur alimentaire majeur, dépassant les exportateurs traditionnels de céréales alimentaires et de viande, ce qui pourrait finir en feu de paille.

La hausse et chute soudaine de l’Inde comme exportateur de produits alimentaires sont de son propre fait: calcul populiste par la coalition au pouvoir, sacrifiant la politique à long terme. L’Inde brillant comme un exportateur mondial de céréales pourrait aussi aboutir à une baisse généralisée de l’industrie agricole sur l’ensemble du pays, avec une chute des niveaux aquifères et la dégradation des sols.

L’Inde a longtemps été le géant endormi de l’agriculture mondiale. Bien qu’étant le deuxième plus grand producteur mondial de produits agricoles, dont le riz et le blé, le pays a été lent à s’intégrer dans les marchés mondiaux, préférant maintenir une politique commerciale relativement restrictive, limitant les importations de produits tels que les oléagineux et les graines riches en protéines appelées légumineuses, qui ne peuvent être produites par le pays en quantité suffisante, et freinant ses exportations pour garantir l’approvisionnement domestique.

Cette situation a changé. L’Inde vient de doubler la Thaïlande pour devenir le plus grand exportateur mondial de riz – ses cargaisons représentent désormais 25% des exportations mondiales. Les exportations de blé ont également bien augmenté, avec la part mondiale de l’Inde atteignant les 5%, le pays supplantera aussi le Brésil en devenant le premier exportateur mondial de buffles, accaparant dès lors 24% du marché mondial de viande bovine.

Cependant la position de l’Inde comme le leader de l’exportation alimentaire sera de courte durée. Les politiques gouvernementales qui privilégient la production de riz et de blé et le récent droit à l’alimentation, ne vont en aucun cas assurer l’alimentaire dans le pays. Au contraire, ces mesures vont mener droit à une inflation des produits alimentaires, accélérer la transformation de l’Inde en un importateur net de céréales et accroître sa dépendance à l’égard des marchés mondiaux pour les denrées alimentaires non céréalières. Ces mesures politiques vont forcer l’Inde à s’aligner sur le marché alimentaire mondial pour perdre son propre rythme.

La principale cause des exportations indiennes de grains atteignant un taux anormalement élevées l’an dernier, et sa transformation en acteur alimentaire de premier plan, est l’approvisionnement alimentaire du gouvernement et le système de distribution, mis en place pour fournir du riz subventionné et le blé pour les pauvres.

Le système est censé fonctionner comme ceci: le gouvernement offre des encouragements aux agriculteurs en s’engageant à durée indéterminée à acheter du riz et du blé chaque année à un prix minimum spécifié, ou MSP, avec des agriculteurs libres de vendre soit au gouvernement au MSP ou au prix du marché, selon la meilleure offre.

Les MSP sont censés être les prix plancher, conçus pour fournir aux agriculteurs un filet de sécurité en cas d’effondrement des prix du marché. Le grain acheté par le gouvernement, par les États, ainsi que par la Food Corporation of India, FCI, est ensuite ajouté à un fond central géré par la FCI. Les stocks de céréales du fond central sont ensuite distribués aux pauvres par le biais du système que l’on appelle la distribution publique, PDS (Public Distribution System).

Dans les faits ce système a conduit à une série de résultats boiteux, notamment l’inflation alimentaire, la surproduction de riz et de blé par rapport à des produits non céréaliers, l’accumulation de stocks de céréales excédentaires et une érosion rapide de la capacité de production agricole du pays.

L’agriculture indienne dans un piège politique 

La politique pro-céréales a réussi à relancer la production, mais au prix d'un effort économique limité. La production d’aliments non céréaliers comme les légumineuses, les oléagineux, les fruits et les légumes – dont la demande augmente parallèlement aux revenus -a pris du retard provoquant une hausse des prix bénéficiant aux pays répondant à cette demande.

L’engagement du gouvernement à durée indéterminée à acheter du blé et du riz au niveau du MSP – accroît l’approvisionnement artificiellement et de plus en plus, ce qui contribue également à l’inflation alimentaire.

Les niveaux élevés de passation des marchés ont entraîné une accumulation rapide des stocks de céréales, maintenant 66 millions de tonnes, soit plus du double du stock nécessaire. Pour placer les choses en perspective, les stocks de blé de l’Inde sont équivalents à la production annuelle totale de grains en Australie, tandis que ses stocks de riz dépassent de 50% la production annuelle de la Thaïlande.

Le niveau des stocks dépasse de loin la capacité de stockage du gouvernement et le gaspillage est considérable. Le gouvernement a estimé les pertes des récoltes de céréales alimentaires que l’on devrait pouvoir éviter à environ 20 millions de tonnes par an, ce qui équivaut à 10% de la production totale. Face à des stocks excédentaires et la nécessité de faire de la place pour la prochaine récolte, le gouvernement est obligé de recourir à l’exportation.

L’exportation avec tout le cycle d’événements qui la rend nécessaire, n’est pas viable. Les «États greniers» de l’Inde atteignent leurs limites de capacité de production. La surproduction de céréales en raison du MSP a rapidement épuisé les aquifères souterrains et a fortement réduit la fertilité des sols.

Paradoxalement, le projet de loi national de sécurité alimentaire ne fera qu’accélérer ce processus d’appauvrissement. Ce projet de loi repose sur un droit à l’alimentation pour les deux tiers de l’Inde, soit 1,2 milliard de personnes et exige que le gouvernement distribue des céréales alimentaires fortement subventionnées à une échelle massive.

La loi sur la sécurité alimentaire va devoir augmenter ses objectifs d’approvisionnement et nécessitera plus de MSP, biaiser encore une fois le choix des agriculteurs. Elle permettra de réduire les excédents exportables au cours des deux prochaines années, car elle exigera que la FCI augmente ses réserves de céréales afin d’éviter le recours à des importations énormes et coûteuses en cas de sécheresse. La loi prévoit également d’accélérer la transformation de l’Inde en un importateur net de céréales en mettant une pression supplémentaire sur les terres agricoles déjà surchargées.

Le résultat final de ces politiques sera l’intégration forcée de l’Inde dans les marchés agricoles mondiaux, non seulement comme un importateur de céréales, mais aussi comme un des principaux acheteurs de produits de base non céréaliers. Ce qui sera bénéfique pour les exportateurs de céréales d’Amérique, les producteurs de légumineuses comme le Canada, l’Australie et la Birmanie et les exportateurs d’huile de palme comme l’Indonésie et la Malaisie.

Les Indiens seront perdants. L’inflation alimentaire, en raison surtout des aliments riches en protéines comme les légumineuses, les produits laitiers, la viande et les œufs – en plus de la pénurie des récoltes de céréales sur le marché libre – , va continuer à peser sur les revenus. La volatilité des prix augmentera à mesure que la dépendance aux importations du pays augmentera, exposé alors aux aléas des marchés mondiaux. Le géant endormi de l’agriculture mondiale risque de s’éveiller vers un cauchemar.

Version en anglais: India’s Agriculture on the Brink

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