Ouverture à Marseille du procès PIP

Le culte de l’image au banc des accusés

Écrit par Ivo Paulovic, Epoch Times
01.05.2013
  • Quelques-uns des dossiers de l’affaire PIP, le 18 avril 2013 au palais de justice Parc Chanot à Marseille. (AFP PHOTO/Anne-Christine Poujoulat)

Le 17 avril s’est ouvert pour un mois à Marseille le procès du fabricant de prothèses mammaires PIP. Un total de 5 250 plaignantes à la barre pour témoigner  d’escroquerie et de tromperie aggravée pour des prothèses défectueuses et toxiques, vendues par l’entreprise. Selon les estimations, plus de 30.000 femmes en ont été victimes. Pendant un mois, le tribunal correctionnel va étudier les dossiers déposés et défendus par 300 avocats en se penchant notamment sur l’utilisation d’implants de silicone industriel, dangereux pour la santé.

Néanmoins, le marché de la chirurgie esthétique poursuit une croissance constante et le remodelage du corps physique humain est plus que jamais en vogue. Les magazines et les émissions de téléréalité renvoient des icones de beauté poussant beaucoup de femmes et d’hommes à vouloir ressembler à ces modèles imposés. L’idéal de beauté, qui dans l’antiquité relevait de la beauté intérieure du cœur et de l’esprit, serait de plus en plus acculé à une apparence extérieure non naturelle et stéréotypée.

L’apparition de la chirurgie esthétique et les premiers scandales médicaux

Les premiers implants mammaires injectés de silicone ont été présentés aux États-Unis en 1963 par Thomas Cronin et Frank Gerow en collaboration avec la Dow Corning Corporation. Rapidement, le gouvernement américain a dû faire face à un nombre croissant d’infections et de malformations chez des patientes ayant subi des opérations esthétiques. Dès 1976, apparaissent les premières législations pour défendre les consommateurs et les produits implantés doivent désormais passer des tests d’innocuité.

Les années 80 voient une expansion rapide des interventions chirurgicales dites esthétiques, notamment grâce à une publicité soutenue axée sur les vertus psychothérapeutiques du remodelage du corps. À cette époque, se popularise l’idée du bien-être mental obtenu par un changement de l’apparence du corps physique. Ces publicités ont ainsi progressivement réussi à convaincre les consommateurs que le recours à la chirurgie esthétique relevait d’un choix personnel et était un nouveau signe de la libération de la femme pour posséder son corps.

Les risques et les conséquences sur le long terme sont alors systématiquement mis à l’écart. Cependant, au début des années 90, la FDA (Food and Drug Administration, l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux) impose un moratoire sur les implants mammaires en silicone et Dow Corning est condamné avec d’autres fabricants à verser des indemnités record s’élevant à plus de 4 milliards de dollars. Même si la filiale Dow Corning est mise en faillite, la firme Dow Chemicals est condamnée en 1995 pour faire face en 1997 à un procès contre 1.800 plaignantes, le nombre total de victimes étant estimé à presque 400.000. Étrange rebondissement de l’histoire, plus de 20 ans plus tard en France avec le scandale PIP.

Le scandale PIP, un cas d’école

En 2008, le docteur chirurgien Richard Abs essayait d’alerter les autorités publiques sur le problème des prothèses PIP qui avaient une durée de vie de 6 mois à 2 ans, contre 10 à 15 ans pour des prothèses normales. Il déclarait à l’époque qu’on ne pouvait plus savoir la qualité de l’implant mammaire, à l’heure où la société PIP était l’une des sociétés majeures de fabrication de prothèses.

La société PIP, troisième fabricant mondial d’implants mammaires, a en effet réussi à déjouer les contrôles de l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé). Les évidences de fraudes étaient soigneusement cachées aux yeux des organes d’inspection de la qualité. Selon certains témoignages d’anciens ouvriers de l’usine, tous étaient tenus de garder le secret. Un entrepôt spécial mis à l’écart était même prévu pour le stockage des produits illégaux. Les cinq prévenus dont le fondateur Jean-Claude Mas, actuellement en comparution à Marseille, encourent cinq ans de prison. La plus grande question reste celle de savoir comment la société PIP a réussi à déjouer les contrôles sanitaires pendant dix ans.

La commercialisation du corps de la femme en pleine expansion

La chirurgie esthétique reste pourtant encore très populaire aujourd’hui avec une croissance mondiale de 10% en 2012 et des patients qui sont à 90% des femmes. Les fabricants de prothèses et les cliniques de chirurgie esthétiques utilisent pour cela des publicités directes via internet ou via les émissions de téléréalité pour attirer des clients de plus en plus jeunes. 

Selon les données américaines, le nombre d’interventions chirurgicales et non-chirurgicales esthétiques a augmenté de 444% entre 1997 et 2005, totalisant 11,5 millions d’interventions en 2005. Par la suite, la FDA a annoncé en 2006 la levée de l’interdiction des implants mammaires remplis de silicone après 14 ans d’interdiction. En plus des actes chirurgicaux, la chirurgie esthétique comporte une large panoplie de techniques et de substances vendues pour leurs vertus rajeunissantes miraculeuses mais tristement célèbres pour leur toxicité notoire. C’est le cas de la toxine botulique qui est un poison neurotoxique plus puissant que le cyanure, ainsi que d’autres substances pouvant s’avérer toxiques à long terme ou dont la toxicité n’a pas encore été prouvée.

La beauté oubliée

La démarche de modification corporelle s’inscrit dans la recherche d’une identité et d’une acceptation dans la société, dans la trame des images publicitaires parfaitement artificielles censées représenter la beauté. L’industrie de la mode, le cinéma, la télévision, l’industrie cosmétique, etc. inondent le marché quotidiennement avec des clichés de femmes retouchées ou maquillées à l’extrême, vantant les vertus d’une crème rajeunissante nouvelle génération. Ces représentations, tolérées puis admises, n’ont pourtant pas grand chose en commun avec l’apparence réelle des personnes, mais conditionne au fur et à mesure l’attention sur l’aspect superficiel et extérieur de la beauté.

Il y a 2.000 ans, Ovide écrivait dans L’Art d’aimer: «Ainsi bel adolescent, bientôt blanchiront tes cheveux. Ainsi les rides viendront sillonner ton visage. Pour relever ta beauté, forme-toi un esprit à l’épreuve du temps: c’est le seul bien qui nous accompagne jusqu’au tombeau». Dans l’Antiquité, on croyait que cultiver une beauté intérieure était le seul moyen de survivre et d’être apprécié au fil des âges.

Epoch Times est publié en 21 langues et dans 35 pays.