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«Je voulais vivre avec droiture»

Témoignage d’un ancien officier de la police soviétique du NKVD

Écrit par Elena Zakharova, Epoch Times
02.05.2013
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  • La famille de Mikhail Nakonechny. (Photo des archives de la famille Nakonechny)

Mikhail Evstafievich Nakonechny est un ancien officier du NKVD, la police politique soviétique servant à contrôler le peuple à l’époque de l’URSS. À l’âge de 76 ans, il reste un travailleur acharné, un homme humble et chef d’une famille nombreuse. Il vit à Georgievsk en Russie. Epoch Times l’a rencontré lors d’une exposition d’art Zhen Shan Ren se tenant en Europe de l’Est. Face à l’émotion de cet ancien garde frontière et à son vécu avec le communisme soviétique, Epoch Times l’a rencontré pour partager son expérience de ce régime.

Mikhail Evstafievich, vous avez eu une vie longue et difficile. Pouvez-vous partager avec les lecteurs d’Epoch Times les épisodes les plus mémorables?

Je suis né en 1927 comme indiqué sur mes papiers. Mais à cette époque-là, l’époque de la Seconde guerre mondiale, l’âge était déterminé par le temps.

Quasiment tous les hommes étaient alors sur le champ de bataille, et nous les collégiens, étions recrutés pour l’école militaire. On m’a présenté une convocation pour l’école de tireur d’élite de Maikop et c’est ainsi que je suis devenu soldat.

Les cours à l’école de sniper duraient six mois. Après il fallait partir sur le champ de bataille. Le commandant de l’escadron commençait par envoyer en premier tous ceux qu’il voulait punir. J’étais le chanteur principal de l’escadron, du coup il ne m’a pas envoyé au combat.

Nous vivions dans un bâtiment de deux étages, c’était un ancien hôpital pour les prisonniers de guerre. Les conditions de vie étaient ardues: en été comme en hiver, l’eau de la salle de bain était glaciale. Nous étions envahis de poux. Les lits superposés de la caserne avaient trois niveaux. Il était tout simplement impossible de s’asseoir sur le troisième niveau. Je me souviens de la camionnette pour la fumigation et le bain.

Lorsque la camionnette fonctionnait, on pouvait entendre le crépitement des lentes. Les commandants n’entraient pas dans les chambres de la caserne, ils avaient peur des poux. Mais on y mangeait bien. Les rations des marins et des tireurs comme nous étaient composées de 250 g de pain blanc, 20 g de beurre, du sucre, du thé et du porridge.

Enfant, j’ai attrapé cette maladie que les adultes nomment «infantile». Mes membres perdaient de leur vigueur et s’affaiblissaient. Mes mains se mettaient à trembler, puis je perdais conscience. Dieu m’a protégé. 

Un jour, je me suis rendu avec ma grand-mère à l’église du village à Zmeyskaya Stanitsa, dans la région de Kirov en Ossétie du Nord. Nous étions debout et ma grand-mère m’a demandé de m’approcher de la croix et de prier le bon Dieu en ces termes: «Seigneur, aidez-moi à retrouver une bonne santé». Ma prière a été exaucée. J’ai senti que mes membres retrouvaient de la force et les attaques disparurent.

Je pouvais écrire. Après cela, ma foi en Dieu est devenue plus forte. Même si les temps étaient difficiles avec l’Église, j’ai gardé ma foi en Dieu intacte toute ma vie. Notre vieille église a été détruite il y a bien longtemps. À la place, un nouveau temple a été érigé. Mais le crucifix et les icônes de l’ancienne église ont été conservés. 

Le vieux crucifix est toujours visible à Zmeyskaya Stanitsa. Avec le temps, j’ai commencé à sentir l’atrophie de ma main droite revenir et à nouveau je ne pouvais plus écrire. Le psychiatre m’a conseillé d’écrire avec ma main gauche. Et au bout de six mois, j’écrivais sans problème avec la main gauche.

J’étais fou de joie de pouvoir écrire si facilement de la main gauche. J’éprouvais aussi le besoin de beaucoup écrire. À l’époque, tout le monde devait apprendre la biographie et les œuvres de Lénine. En tant que commandant politique adjoint d’une école de professionnels, je voulais récapituler la biographie de Lénine, ce que j’ai fait de la main gauche sur 82 feuilles.

Peu de temps après, je ne pouvais plus écrire avec la main gauche. Or, je voulais continuer à écrire! Je voulais rédiger mes réflexions sur les relations humaines, afin de briser tous les maux. Hélas, je ne pouvais plus écrire, car Dieu m’avait enlevé ma capacité d’écrire, après la rédaction de la biographie de Lénine. À partir de ce jour, mon attitude à l’égard de Lénine a commencé à changer.

J’ai lu énormément d’ouvrages et je suis encore aujourd’hui un grand lecteur. Je compare les choses relatées dans les livres, les médias, les récits des témoins, aux expériences que j’ai personnellement vécues.

Que pouvez-vous dire sur les troupes du NKVD et leur rôle dans la répression?

Même à l’époque de Staline, les brigades du NKVD avaient un pouvoir écrasant. Le peuple ne les aimait pas. Elles incarnaient une forme rigide et brutale de violence. Le chef de toute cette «industrie» se nommait Béria, il était ministre de l’Intérieur.

Le NKVD avait pour mission d’exécuter toute forme de répression. La répression a commencé en 1937. Elle s’est poursuivie jusqu’en 1940, avec pour corollaire la liquidation des intellectuels, des spécialistes, des administrateurs et du meilleur de l’intelligentsia de notre pays.

C’était la même chose dans toutes les industries. C’était pareil dans l’armée aussi. Selon Malinovski, 82.000 des meilleurs officiers d’avant la guerre avaient été abattus. Qui a créé un tel régime ? Staline. Il était au courant de toutes les manigances de Béria. Staline ne supportait pas de voir à ses côtés des gens plus intelligents ou plus doués que lui. 

Par conséquent, pour Staline qui percevait comme insultantes toutes les promotions des hommes politiques et des chefs militaires, il fallait liquider ces derniers. Il a ordonné l’exécution de trois des cinq maréchaux: Toukhatchevski, Blücher, Egorov. Staline a liquidé 500 sous-commandants de corps: Kirov, Boukharine, Zinoviev, Trotsky. On ne peut pas citer le nom de tous ceux qu’il a tués, tellement ils sont nombreux.

Staline a décapité l’armée du pays, affectant l’issue de la Seconde guerre mondiale. Staline soupçonnait tout le monde de trahison, même les médecins qui le soignaient. Tout le monde a entendu parler du «complot des médecins». Beaucoup de personnes qui ont croisé sa route ont fini soit dans des camps ou à la morgue.

En voyant toute cette répression, Kirov en a parlé lors du XVIe Congrès. C’était un grand orateur, fascinant. Son discours s’est achevé sous des ovations tonitruantes. Le lendemain, Kirov a été abattu dans un couloir de Smolny.

Il y a aussi l’histoire du célèbre neurologue Bekhterev qui a été convoqué par le Conseil pour examiner Staline. À son retour, quand on lui posait la question sur sa longue absence, il répondait: «J’examinais un paranoïaque». Deux jours plus tard, le corps inerte de Bekhterev était retrouvé à son hôtel.

Staline lui-même s’autorisait des écarts. Une fois, il a proposé une mission de combat à Toukhatchevski. Après avoir évalué la situation, ce dernier a refusé de s’engager dans une bataille contre la cavalerie polonaise. Staline a confié le commandement à Budyonny. La cavalerie polonaise a vaincu celle de Budyonny. Et la presse, sous l’impulsion de Staline, a accusé Toukhatchevski d’être le responsable de la défaite.

Dans un article de réponse, Toukhatchevski a expliqué que sa cavalerie n’avait pas participé à la défaite, mais que c’était celle de Budyonny dirigée par Staline. Depuis cet incident, Staline a cherché un moyen de se venger de Toukhatchevski. Lorsqu’il s’engageait dans un bras de fer contre d’autres commandants, Toukhatchevski gagnait la plupart du temps. 

Immédiatement, Staline a convoqué le commandant de la région militaire de Kiev Timochenko: «Affrontez-le». Timochenko a battu un Toukhatchevski déjà épuisé. Après cette défaite, Toukhatchevski a été relevé de son commandement, et plus tard exécuté.

  • Mikhail Evstafievich Nakonechny. (Photo des archives de la famille Nakonechny)

Il y avait tellement de gens qui subissaient la répression qu’il n’y avait pas assez de gardes. Chaque centre régional disposait d’un régiment de garde. Lorsque la navigation sur le fleuve Ienisseï commençait, ces régiments de garde devenaient mobiles. Les détenus étaient transférés dans les nombreux camps disséminés dans tout l’Est du pays.

Une fois, des prisonniers ont réussi à vaincre les gardes dans un camp. Armés, ils se sont rendus dans tous les camps en partant de Magadan vers le nord pour libérer d’autres prisonniers. Des centaines de milliers de personnes ont été libérées des camps et ont été déplacées non pas en Russie mais au détroit de Béring à Tchoukotka.

Les gens marchaient sur les chemins, loin des routes, à l’abri des véhicules. Staline a donné l’ordre d’envoyer l’aviation. Et sur tout le chemin vers Chukotka, la neige blanche s’est recouverte de sang humain.

À votre avis, pourquoi avons-nous connu des défaites aussi longtemps, lors de la Seconde guerre mondiale?

Là encore, pour moi, c’est à cause de Staline. Nous avions un accord de non-agression avec l’Allemagne. L’officier du renseignement exceptionnel, Richard Sorge avait rapporté à Staline que la guerre commencerait le dimanche 22 juin 1941 à l’aube.

Staline a décidé d’ignorer le message et d’envoyer toutes les troupes dans des camps d’été. Le samedi 21 juin, tous les officiers après leur service, sont rentrés chez eux. Seul le commandant de service est resté en faction pour protéger les frontières occidentales - la forteresse de Brest.

Nos 27 millions de morts sont à mettre sur le compte de Staline. Les meilleurs commandants militaires étaient en prison. Lorsqu’à l’été 1941, Staline a appelé Rokossovsky et l’a interrogé sur le potentiel de l’armée allemande, le futur maréchal répondit: «Je l’ignore. J’étais en prison». Staline était indigné: «Trouve le temps de le savoir». Ce sont les répressions qui ont sapé la puissance de notre armée.

Comment était le système judiciaire à cette époque?

Trois cours s’occupaient de la justice dans l’après-guerre. J’ai aussi eu à faire à ce «trio». J’étais soldat à Novotcherkassk. J’étais à la plage une fois, avec d’anciens détenus des camps. C’était terrible. Etre avec des soldats qui purgent une peine.

Le commandant de ma compagnie m’a appelé: «Tu dois t’y rendre, tu es attendu pour le procès». J’ai pris mon fusil et me suis rendu au tribunal militaire de la région de Rostov. Le procès des policiers poursuivis pour trahison de la patrie pendant la guerre s’y tenait.

Le président était assis là, moi d’un côté, de l’autre le sergent et l’accusé. Un adolescent annonçait les accusations des «trois cours». Il avait vu le policier accusé, abattre et dépouiller un jeune officier. La peine prononcée fut de 25 ans d’exil.

L’ordonnance 1941 pour violation de la discipline du travail de 1941 prenait effet. On pouvait te juger parce que tu étais en retard ou absent au travail. Une fois, quelques adolescentes de 16-17 ans sont allées rendre visite à leur mère au village. À l’époque, il n’y avait pas de transport. Elles sont arrivées en retard sur le planning et ont écopé de cinq ans d’emprisonnement dans des camps.

Il y a aussi ces femmes qui ont rempli leur seau en ramassant du blé tombé à terre dans les champs, afin de nourrir leurs enfants. Elles ont pris 8 ans. Les temps étaient vraiment durs à ces moments-là.

Que souhaitez-vous voir changer dans le système judiciaire actuel?

Nous avons reçu des instructions sur le droit social. Mais même à cette époque, nous n’avons jamais mis de menottes aux femmes. Et les hommes n’étaient menottés que s’ils étaient condamnés à mort, au cours de leur transfert et lorsque les conditions étaient particulièrement dangereuses. Les autres prisonniers ne portaient pas des menottes.

On ne doit absolument pas menotter une femme! C’est une honte. Si un gardien homme est incapable d’escorter une femme sans problème, alors il n’a pas sa place dans le service.

Je portais toujours mes menottes avec moi, mais hors de la vue des autres. Mes enfants n’ont jamais vu mes menottes. Maintenant les petits enfants ont des menottes pour jouet. J’ai vu ces coffrets remplis d’armes et de menottes! C’est horrible que des enfants se retrouvent avec des jouets violents si jeunes.

Moi, ME Nakonechny, vieux soldat de la NKVD, je demande à la direction de revenir sur la décision de menotter les femmes.

Quelle différence y a-t-il entre les gens d’aujourd’hui et ceux que vous gardez en mémoire?

Les gens ont changé de façon spectaculaire. Avant, les gens étaient bons, droits et tolérants. Il y avait beaucoup de gentillesse. Si pour une raison quelconque, vos voisins dans le village quittaient leur maison, les autres considéraient comme leur devoir de les recevoir et de leur donner des aliments. Les familles s’installaient ensemble et nous partagions tout ce que nous possédions. Les gens n’avaient pas peur de sortir la nuit. Ils se permettaient même de dormir en plein air dans la steppe.

Comment avez-vous réussi à conserver une bonne condition physique, un esprit alerte et une mémoire phénoménale?

J’ai essayé de vivre avec droiture, d’être bon avec les autres et patient. C’est ainsi que j’ai été élevé. Et j’ai élevé mes enfants de la même façon.

Quel vœu émettez-vous pour vos contemporains?

Qu’ils développent un peu plus de gentillesse et de respect pour les autres. 

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