Construire sa maison avec de la paille

Un confort thermique, un isolant phonique

Écrit par Héloïse Roc, Epoch Times
12.05.2013
  • L’isolation par la paille favorise un rapport climatique extérieur et intérieur qui est excellent. Par exemple, avec une température de 7°C au dehors, l’intérieur est de 17°C sans chauffage. (Wikipédia)

La paille a toujours été utilisée dans les bâtisses et les maisons d’autrefois. On mélangeait la paille avec de la terre, et on fabriquait les murs intérieurs et extérieurs d’une maison avec ce matériau. Cette technique s’appelait le torchis. Le chaume était également utilisé pour recouvrir les toits, faits de paille de seigle ou de blé, de roseaux, de joncs ou de genêts. C’est à partir de 1850, avec l'invention de la botteleuse, que l’on a pensé utiliser de grosses briquettes de paille pure pour l’isolation. Faite uniquement de la paille, cette isolation était plus complète qu'en la mélangeant à la terre. La première utilisation historique des bottes de paille pour un bâtiment est apparue au milieu du XIXe siècle aux États-Unis. En France, la première a été construite en 1921, à Montargis. Elle a été construite par l'ingénieur Émile Feuillette. Cette maison est toujours en très bon état. La majorité des maisons en paille sont réalisées sous la formule auto-constructions. On estimait leur nombre dans l'Hexagone à environ un millier en 2008, d’après les professionnels. La construction des maisons en paille a été délaissée ces dernières années, mais aujourd’hui, avec la préservation de l’environnement et l’objectif de durabilité, elle connaît un nouvel essor.

La maison Feuillette à Montargis dans le Loiret

La plus vieille maison en paille d'Europe, située à Montargis, a été construite par l'ingénieur Émile Feuillette en 1920. Le Réseau français de la construction en paille (RFCP) a décidé de l'acquérir et veut en faire un centre national de la construction en paille. La maison Feuillette s'étale sur une surface de 110 m² et sur deux niveaux. Elle est en ossature bois et remplie de bottes de paille. Des travaux de restauration devront y être menés mais ils seront modestes (portes, fenêtres, mise en conformité de l'installation électrique, installation d'une alarme incendie…). Car après 93 ans, elle est «la preuve par l'exemple» que ces constructions s'inscrivent dans la durée.

La revue Science et Vie parue en 1921 publia un long article sur le prototype de la maison de M. Feuillette. Les murs de la maison sont épais de 40 cm et sont constitués de poteaux de bois entre lesquels sont placés des bottes de paille compressées provenant des ressources locales. Les fondations se constituent de briques de terre cuite pleines. Le montage des murs est recouvert sur les deux faces d’un grillage à maille. L’enduit est de plâtre à l’intérieur, de chaux et de sable à l’extérieur. L’ensemble forme une maison très confortable et en bon état et toujours très saine. Par ailleurs, le rapport climatique extérieur et intérieur est excellent. Avec une température de 7°C au dehors, l’intérieur est à 17°C, radiateurs éteints. De plus, les fenêtres sont sans double vitrage.

La technique du Nebraska, des bottes de paille empilées

Il existe plusieurs techniques de construction de maison à partir de bottes de paille. Cependant, la principale et la plus ancienne est celle des murs porteurs, dite technique du Nebraska, du nom de l’État américain où elle a été developpée.

Cette technique de construction est aussi la plus simple et la plus économique. Elle a vu le jour avec l’arrivée des premières botteleuses mécaniques du début du XIXe siècle. Les bottes de paille sont simplement empilées les unes sur les autres comme pour un mur de briques, reliées entre elles par des bambous ou du bois fiché verticalement dans la paille. Elles sont constituées ainsi en murs porteurs, signifiant que ce sont les bottes de paille qui portent le toit et les éventuels étages de la bâtisse.

Cette technique des murs porteurs est en opposition à la technique de l’ossature en bois qui est un remplissage de paille, l'ossature en bois  assurant le portage de la structure. Pour plus de solidité, les bottes de paille sont compressées à l’aide de tiges filetées ou tout autre moyen. Cette technique permet de réduire les tassements qui risqueraient d’intervenir lors de la pose de la charpente et du toit. Cette manière de faire est très simple, cependant elle ne permet pas d’avoir plus d’un étage, elle est plutôt réservée à de petites maisons, de petites chaumières d’un étage.

La technique autrichienne

Dans le cadre du développement durable, le gouvernement autrichien a été l'un des premiers à se pencher sur la construction en paille. Il s'agit de pré-fabriquer des panneaux de murs en atelier qui sont ensuite assemblés en quelques jours sur chantier. Cette méthode est, semble-t-il, la plus industrialisée de nos jours. Le montage se fait à sec et le temps d'exécution est réduit comme pour les maisons à ossature bois. Il est assez facile de faire par soi-même certains travaux de construction, réduisant ainsi le coût final. Le montage est ainsi très rapide.

Il faut cependant conserver une façade extérieure perméable à la vapeur d'eau, tel un crépi à la chaux ou un enduit respirant comme un bardage en bois. Il est recommandé d’utiliser des panneaux en plaque de plâtre pour le décor intérieur et des panneaux pare-pluie de fibre de bois pour l’extérieur.

Les procédés de fabrication se sont perfectionnés

Les filières de construction en bois, avec une isolation de paille, se sont professionnalisées ces dernières années. Les techniques de fabrication se sont améliorées avec l’expérimentation. Ce progrès a permis de dépasser les craintes, notamment en ce qui concerne la résistance au feu. En effet, la maison en paille souffrait d'une réputation d'inflammabilité malgré des essais faits en laboratoire qui prouvent l’inverse.

Il a été constaté que la paille compressée est un exceptionnel pare-feu. Une nouvelle technique a ainsi vu le jour avec les panneaux de paille compressés. Ces panneaux de construction en paille compressée privent le matériau d'oxygène, ce qui explique la résistance au feu. Cependant, malgré sa densité moins conséquente (de 80 à 130 kg pour une petite botte de paille), la botte de paille agricole est aussi difficilement inflammable.

En revanche, la conductivité thermique de ce panneau est nettement moins bonne que pour une petite botte de paille. Faciles à utiliser, les panneaux sont fabriqués grâce à un procédé mis au point en Suède en 1935. Le panneau de paille compressée est une construction rigide composée d’un cœur de paille, propre, sèche, sans liants chimiques et d’un revêtement en carton recyclé de 415 g/m2.

Les panneaux sont fabriqués sur une machine de 100 mètres de long. La paille reçue en balles est d’abord détressée, nettoyée puis comprimée entre deux plaques chauffantes à 200°C environ. La lignine et la cellulose naturellement présentes dans la paille forment une sorte de résine assurant la solidité du matériau, sans qu’un liant chimique soit nécessaire. À la sortie de la presse, le panneau de paille est recouvert de carton recyclé et convoyé sur une grande longueur, afin de refroidir et de sécher avant d’être découpé à la taille voulue.

Le panneau de paille compressée s’est beaucoup développé après la Seconde guerre mondiale. D’abord en Angleterre, où près de 400 000 logements l’ont utilisé, puis dans une quinzaine de pays dans le monde où il a prouvé son efficacité dans diverses utilisations architecturales. Le panneau de paille compressée a des qualités mécaniques proches de celles d’un bois léger de type peuplier ou épicéa et peut être utilisé pour des murs et des cloisons autoporteurs allant jusqu’à 3,5 m de hauteur, pour des plafonds et des planchers.

Les panneaux se travaillent facilement, un peu comme du bois. Ils peuvent être sciés, collés ou cloués. Il suffit ensuite de reborder la coupe avec un ruban adhésif pour éviter la déformation du bord de la plaque. La pose ne demande ni rails métalliques ni outillage spécifique. Les panneaux sont fixés au sol par vissage sur un simple tasseau en bois et solidarisés les uns aux autres par des pattes métalliques vissées. Les plaques sont ensuite jointes de la même façon que pour les plaques de plâtre. Le panneau de paille compressée peut être enduit, peint ou recouvert de papier peint. Il est livré avec des percées tous les 30 cm permettant le passage des câblages électriques.

Le panneau de paille compressée augmente le confort d’habitation. Il constitue un excellent isolant thermique, offre une excellente isolation acoustique et diminue les résonnances. Il tempère les variations d’hygrométrie, absorbant l’humidité quand l’air est humide et la restituant quand l’air est trop sec. Sa faible épaisseur est également un atout «gain de place».

Un immeuble de sept étages bois paille dans les Vosges

Longtemps cantonnée à l'auto-construction, la construction paille semble enfin sortir de l'ombre, notamment grâce à la commande publique. Coffrée dans des murs préfabriqués en atelier ou montée sur place en chantier, la paille peut être utilisée de nombreuses manières différentes. Force est de constater que les filières de construction en bois isolées de paille se sont professionnalisées ces dernières années. Les procédés de fabrication se sont perfectionnés et les expérimentations ont permis de dépasser les craintes, notamment en ce qui concerne la résistance au feu.

Depuis cinq ans, la S.A. HLM Les Toits Vosgiens construit des immeubles à faible consommation énergétique. Elle utilise souvent le bois comme élément de base constructible. Elle vient de lancer une spécialité, ajoutant la paille labellisée comme matériau isolant.

Ce projet, utilisant la paille, sera réalisé en ossature bois et comptera sept étages. Il s’agit de la résidence Jules Ferry située près du centre-ville de Saint-Dié dans les Vosges (88). Elle est conçue autour de deux bâtiments de conception urbaine et architecturale bioclimatique. Ce nouveau bâtiment est construit à partir de panneaux composés de bois massif d'épicéa. Des caissons remplis de paille assureront la protection thermique du bâtiment.

D’intérêt écologique et environnemental, cette réalisation va permettre de diminuer les charges locatives des résidents. Et par l’emploi de capteurs solaires et de récupérateurs de chaleur sur les eaux usées, le coût annuel du chauffage et de l’eau chaude sera faible, s’établissant autour de 90 euros par appartement. Par ailleurs, un ascenseur accumulateur d’énergie, récupéré lors de sa descente, réduira encore les consommations énergétiques.

Les avantages du chaume dans l’habitation

Tout comme la paille, le chaume ajoute un confort appréciable dans la maison. Selon la société Voixo, c’est un super isolant naturel, le coefficient thermique d’une telle couverture est estimé à 0,31 c’est-à-dire l’équivalent d’une couverture ordinaire avec une isolation de 100 mm. Le coefficient phonique est excellent puisque l’épaisseur du matelas de roseaux amortit tous les bruits de façon notoire. Cette particularité technique fait que ce matériau ne nécessite pas d’isolation supplémentaire. Il garde la maison au frais en été et au chaud en hiver.

Toutes les charpentes, même légères, peuvent accueillir une couverture en chaume. En effet, le toit de chaume est léger: 25 kg au m² pour la paille de seigle, 35 kg pour le roseau.

Le toit de chaume est solide: bien entretenu, il dure plus d’un demi-siècle. Selon la société Voixo, la toiture chaume permet d’épouser toutes les formes de charpente. Si la charpente est irrégulière, il est possible de rattraper ses défauts en réglant l’épaisseur du chaume.

Contrairement à une idée reçue, un toit de chaume moderne n’est pas plus exposé aux risques d’incendie qu’un toit de tuiles ou d’ardoises. En effet, le chaume est le plus souvent placé serré directement sur un support de lattes fermé étanche aux courants d’air. Le feu ne peut pas aspirer l’oxygène par-dessous et il couve plutôt que de s’amplifier au contact de l’oxygène. De plus la couverture en chaume est insensible au gel, à la grêle, à la neige et à la tempête.

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