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La Chine tente de payer pour les organes

Un nouveau programme bien accueilli dans certains milieux cible comme source la population rurale pauvre

Écrit par Matthew Robertson, Epoch Times
19.05.2013
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  • Arne Schwarz, un chercheur indépendant établi en Suisse et spécialiste sur le trafic d’organes et les questions qui y sont reliées a participé à une conférence en Allemagne, en septembre 2012. Il a précisé qu’il y a plusieurs problèmes éthiques dans un système qui prévoit de payer pour des organes. (Jason Wang/Epoch Times)

Le nouveau système de la République populaire de Chine pour l’acquisition des organes – et l’homme qui est derrière, l’ancien vice-ministre de la santé Huang Jiefu – a été applaudi dans certains milieux comme une rupture décisive de l’utilisation des prisonniers exécutés comme source d’organes. Mais les critiques considèrent les nouveaux arrangements comme implicitement coercitifs et affirment que le manque de transparence permet de poursuivre les prélèvements d’organes sur les prisonniers de conscience et d’autres personnes.

La plupart des gens  sont d’accord pour dire que n’importe quel système est meilleur que celui qui prévoit l’exécution des prisonniers de conscience, ou des condamnés à mort, comme source principale d’organes.

Cependant l’aspect opaque du nouveau système, – sa forte dépendance aux versements en espèces, parfois très importants, pour obtenir  les organes de pauvres habitants des régions rurales chinoises – est seulement mentionné discrétement dans les publications  officielles, et les experts pensent  qu’il court le danger d’enfreindre l’un des principes prévus par  l’Organisation mondiale de la santé pour les transplantations d’organes.

Il y a un vif débat dans le domaine de l’éthique médicale  sur le rôle de la compensation financière dans les dons volontaires d’organes: payer directement aux gens des dizaines de milliers de dollars pour un rein est appelé trafic d’organes. Mais rembourser «des frais raisonnables et vérifiables» supportés par le donneur est acceptable selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Toutefois, le nouveau système chinois semble dépasser les directives de l’OMS, puisque les fonctionnaires mentionnent des paiements pouvant aller jusqu’à plusieurs années de salaire d’un résident rural moyen.

Arne Schwarz, un chercheur indépendant basé en Suisse et spécialiste sur le trafic d’organes, a écrit dans un courriel: «Peu importe comment on appelle ces paiements – l’encouragement financier, la compensation, l’aide ou l’assistance humanitaire – en fait  les organes des personnes décédées sont achetés avec de l’argent et d’autres avantages matériels. Il s’agit de la légalisation d’un nouveau genre de trafic d’organes».

Il souligne la définition qu’on trouve dans les documents du Groupe de travail asiatique sur le trafic d’organes et qui qualifie les encouragements financiers comme une forme  de contrainte.

Le revenu de plusieurs années

Le nouveau système chinois, paraît-il, n'a pas commencé avec le but de payer pour les organes. Un programme pilote dirigé par la Société de la Croix-Rouge de Chine a déjà  été effectué  entre mars 2010 et mars 2012, mais n’a convaincu que 207 personnes à faire des dons. Bien sûr, la Croix-Rouge en Chine n’a pas la même réputation qu’elle a dans d’autres pays. Elle n’est pas indépendante du régime communiste et sa crédibilité a pris un coup dur en 2011 suite à un scandale de corruption.

Face au faible intérêt pour les dons, les autorités ont commencé à offrir des paiements aux familles de paysans chinois – décrits dans les rapports comme «les ruraux pauvres» – pour les organes des membres de familles récemment décédés, ce qui a amené à une modeste hausse de dons.

Il est souvent difficile d’obtenir de la part de sources officielles chinoises des informations claires, cohérentes et complètes concernant l’avancement de ces programmes. Des chercheurs comme Schwarz qui ont soumis le système à une analyse minutieuse doivent assembler pièce par pièce toute une  mosaïque en parcourant des volumes de rapports des médias d’Etat.

Par exemple, une phrase lancée cette année à la fin d’un article sur un autre sujet dans le China Daily, annonce: «En date du 31 mars, plus de 719 personnes ont fait don de leurs organes, dont 1.964 étaient des organes importants comme des cœurs et des reins, ce qui a permis de sauver la vie à plus de 1.000 patients».

C’est pourquoi les autorités ont annoncé qu’après la mise en place des compensations financières, 500 nouveaux participants se sont manifestés en l’espace d’un an, alors qu’au cours des deux dernières années, il n’y avait que 200 participants: ce qui met en évidence le rôle des paiements dans le nouveau programme.

Dans son article publié dans le Journal of Medical Ethics, Qiang Fang du collège de médecine de l’université de Zhejiang s’est donné beaucoup de mal pour expliquer comment les compensations financières offertes en Chine restaient dans les limites d’un cadre éthique approprié – et qu’il s’agissait plutôt d’une compensation pour les frais encourus que des versements de sommes importantes.

  • En novembre 2012, Maria Fiatarone Singh, un professeur de médecine de l’université de Sydney, a parlé devant le parlement australien. Singh a déclaré que le nouveau programme chinois semble être coercitif et inapproprié. (Jason Wang/Epoch Times)

Cependant, à cause du manque de transparence dans le fonctionnement du système, il est difficile de savoir si les cas mentionnés par Qiang sont typiques ou non.

Dans d’autres rapports, les autorités chinoises parlent avec moins de prudence des montants proposés.

Gao Xiang, le vice- président  de la Société de la Croix-Rouge de la province du Zhejiang, a évoqué des cas de compensation de 34.000 yuans (4.275 euros) (y compris les frais funéraires); on trouve dans le même article que «l’aide financière versée aux familles des donneurs ne dépasse pas 50.000 yuans (6.218 euros).»

«C’est très limité. Mais cela montre l’esprit humanitaire de la Croix-Rouge», a ajouté Gao.

Etant donné que, selon le Bureau national chinois des statistiques, le revenu rural moyen est d’environ 7.000 yuans, soit 855 euros, les analystes pensent qu’un paiement  représentant sept fois le revenu annuel pourrait inciter les membres des familles et les médecins à modifier leur position dans la  prise de décision.

La boîte noire

Si le système prévoit de «s’adresser à la cohorte de gens financièrement vulnérables» en leur offrant de grosses sommes d’argent, cela signifie que «vous avez décidé que la coercition est le moyen de changer la situation», explique Maria Fiatarone Singh, professeur de médecine de l’université de Sydney. «La plupart des gens pensent qu’il n’est pas approprié d’offrir d’importantes sommes d’argent à ceux qui sont vulnérables.»

Une autre question qui va à la racine de la crédibilité des nouvelles dispositions, concerne la manière dont elles se trouvent dans le cadre politique et institutionnel plus large en Chine sous le régne du Parti communiste.

Depuis plus d’une décennie, le Parti pratiquait  le prélèvement d’organes sur des criminels, puis s’est fortement appuyé sur la population des camps de travaus forcés, des prisonniers de conscience, principalement des pratiquants de Falun Gong, selon les chercheurs qui pensent que cette pratique continue.

Il n’existe toujours pas de véritable information sur la structure des transplantations d’organes en Chine – par exemple, il n’y a pas de statistiques sur les peines de mort, ce qui pourrait servir d’indicateur pour se faire une idée du nombre total de transplantations possibles provenant de cette source.

La nature boîte noire du système dans son ensemble, dans lequel vient s’insérer le programme de dons compensés, ne résout pas beaucoup les préoccupations exprimées par David Matas, un avocat canadien qui a étudié  en profondeur la pratique de prélèvement d’organes sur les pratiquants de Falun Gong.

«Il est impossible d’avoir un système éthique en l’isolant du reste d’un système d’approvisionnement d’organes qui  n’est pas éthique. En abscence d’ accès à l’information, de  contrôle judiciaire, de rapports des organisations des droits de l’homme et des médias, les mécanismes permettant de savoir ce qui se passe n’existent tout simplement pas, et leur existence n’est pas possible tant que le Parti communiste est au pouvoir», a déclaré Matas lors d’un entretien téléphonique.

Selon lui, dans ces conditions «il est impossible pour le système de répondre aux besoins de transmarence, de responsazbilisation et de traçabilité» des normes internationales.

Le Dr. Torsten Trey, directeur exécutif du Groupe de défense médicale DAFOH, médecins contre les prélèvements forcés d’organes, a déclaré qu’aussi longtemps que le système ne sera pas l’objet d’une observation internationale, les prisonniers de conscience pourront toujours aisément servir de sources d’organes.

En parlant de la facilité avec laquelle les hôpitaux en Chine peuvent falsifier  les documents, il a ajouté: «S’il est si facile de fournir une fausse identité aux ‘touristes de greffe’», alors il est également possible de donner de fausses identités aux prisonniers de conscience.»

Version en anglais: China Tries Paying For Organs

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