Astana, Kazakhstan: haut lieu de débat sur les médias mondiaux

Écrit par Danny Schechter, Epoch Times
25.05.2013
  • Vue aérienne de la ville d’Astana, prise le 28 Juillet 2011, ville d’accueil du Forum des médias eurasien. Danny Schechter, auteur de l’article, a assisté au Forum et souligne le contraste entre une liberté des médias limitée dans ce pays et une grande diversité qui constituait le Forum. (Stanislav Filippov/AFP/Getty Images)

ASTANA, Kazakhstan – La plupart des gens ne prendraient pas la peine de se rendre à l’autre bout du monde pour jouir de quelque 15 secondes de gloire. Néanmoins, il valait le détour de passer deux journées entières dans l’avion pour assister au Forum des médias eurasien à Astana, au Kazakhstan. Le neuvième plus grand pays du monde, cet État-nation d’Asie centrale est assis sur des réserves extrêmement importantes de gaz et de pétrole.

Ledit forum traite des questions sur la politique et les médias. Des hommes politiques et des journalistes de premier plan s’y rendent pour s’exprimer lors des séances de débat.

Ce qui est particulièrement intéressant dans ce forum, c’est qu’on y discute médias et politiques à la fois, ce qui est une projection plus honnête de la réalité des choses dans le monde.

Avouons-le: nous n’aurions pas pu tenir les élections en Amérique sans un média particulier, devenu le terrain de prédilection pour les politiciens de tous horizons grâce, notamment, à des débats, des pubs, et des reportages quotidiens d’actualités. La plupart des campagnes sont menées sur les fréquences d’un média si bien que aujourd’hui ce média-là reflète lui-même une discorde patente et biaisée, présente dans notre culture.

Mais il y a encore autre chose, propre au Forum mais qui n’existe pas dans le discours des médias américains: une véritable diversité internationale avec des perspectives multiples et très variées.

Un pays qui faisait autrefois partie de l’Union soviétique, qui était doté de nombreuses institutions autoritaires – y compris ses médias qui, pour la plupart, étaient contrôlés par l’État – semble plus ouvert à un vrai débat que les États-Unis. C’est dire qu’il faut partir très loin du haut lieu de la culture grand public pour pouvoir parler de son hégémonie.

La table ronde sur le Moyen-Orient avait, pour discutants, un porte-parole du gouvernement Assad ainsi qu’un opposant syrien; George Galloway, le très-éloquent député britannique [d’extrême-gauche] et détracteur de la guerre, y était aux côtés d’un compère pro-droite de la fondation Heritage qui venait souligner la «stupidité» du gouvernement des États-Unis en ce qui concerne la gestion de leurs guerres.

Al-Jazeera a fait l’objet de quelques critiques. Il a été affirmé que la chaîne qatarie avait déformé et dénaturé la guerre en Syrie. Sachant que le gouvernement du Qatar pourvoit les résistants en armes et moyens pour recruter des mercenaires afin que le régime [d’Assad] soit renversé au nom de la démocratie. Il a été souligné, en revanche, que les familles royales du Qatar et d’Arabie Saoudite ne dirigent pas leur propre pays de manière démocratique.

À la discussion sur l’Afghanistan était présent un membre du gouvernement Karzaï qui s’est dit optimiste quant à l’avenir et au journaliste américain Roy Gutman, lauréat du prix Pulitzer, qui en réalité n’a jamais remporté ce prix.

Les avis étaient partagés sur l’avenir de l’Afghanistan et sa capacité à survivre après le départ des troupes américaines. On a également évoqué des faits dont je n’avais jamais entendu parler auparavant, comme les tendances pro-talibans actuellement en vigueur au Parlement, ainsi que les efforts déployés par le gouvernement pour négocier.

L’armée afghane, formée à l’étranger, devrait être en mesure de pallier le départ des Américains prévu pour 2014, mais néanmoins, a-t-on indiqué, la police reste incompétente et corrompue en dépit des moyens importants qui y ont été investis.

Une forte préoccupation a été suscitée par le trafic incessant d’opium afghan destiné au marché occidental mais aussi russe du fait de son itinéraire.

Les paroles du journaliste Greg Palast, qui a participé à plusieurs débats, venaient provoquer ceux qui prônent un Internet régulé au nom de la sécurité publique. «Internet est la solution à la censure gouvernementale», a-t-il insisté.

Pour ma part, j’ai renchéri le thème de l’argent dépensé par les gouvernements, y compris le mien, dans des dispositifs de surveillance ainsi que la régulation du cyberespace au nom de la cybersécurité. Ce n’est pas seulement un danger latent pour la liberté sur Internet, c’est d’ores et déjà un fait. En ce disant je voyais acquiescer de nombreux visages dans la salle.

Les tendances

La dernière séance avait pour objet les tendances médias pour l’avenir, à l’heure où de nombreuses rédactions de presse écrite aux États-Unis, mais pas nécessairement dans d’autres parties du monde, sont confrontées à des défis quant à leur rentabilité voire survie. Cependant, les médias sociaux et de nombreuses agences en ligne ont le vent en poupe.

La liberté des médias est en danger, ont soutenu plusieurs journalistes, encore plus de la part des groupes qui possèdent et contrôlent les médias – parmi lesquels ceux ayant des penchants à droite, comme Koch Industries, qui ont l’intention de racheter encore plus de titres écrits – que de la part des gouvernements.

Un autre aspect du problème c’est l’effacement de la distinction entre les actualités et le divertissement, alors qu’une commercialisation croissante porte atteinte au journalisme d’enquête.

La fondatrice du forum, Diriga Nazarbayev, la fille du président kazakh Noursoultan Nazarbayev, a clôturé la 2e session de ce forum tenu dans un très beau centre multimédia, flambant neuf, construit dans la jeune capitale kazakhe Astana. Mme Nazarbayev a exhorté les invités à davantage cultiver le goût pour les médias dans l’éducation.

Elle a parlé des enfants capables d’utiliser des iPads avant d’apprendre à lire et avant de comprendre comment fonctionne l’environnement médiatique dans lequel ils sont nés. Elle a suggéré que l’éducation aux médias devrait faire partie des programmes scolaires.Dans son discours, elle a fait remarquer combien les médias avaient changé même depuis l’inauguration du forum.

«Nous avons vu de l’évolution au milieu d’une révolution médiatique mondiale», a-t-elle déclaré.

«Nous constatons, au cours des 10 à 15 dernières années, parallèlement au développement de la télévision par satellite et par câble, d’une utilisation accrue d’Internet, des smartphones, des tablettes et autres technologies de pointe, que les médias ont commencé à jouer un rôle beaucoup plus tangible dans la vie des gens et dans la société, par rapport à ce qu’il en était, par exemple, il y a 10 ans.»

«La révolution des médias et des nouvelles technologies ont complètement changé le monde. Les changements qui ont eu lieu littéralement sous nos yeux, ne manquent jamais à nous étonner.»

«Parmi certains groupes dans l’audience, cela provoque une sorte d’exaltation, d’euphorie et fait espérer davantage que les nouvelles technologies permettront, par ce fait même, de résoudre tous les problèmes de la vie. Cependant, le bien et le mal sont indissociables. Parfois il est très difficile de pouvoir les distinguer l’un de l’autre.»


Les discussions de ce genre sont capitales. Il est de grande importance que ce forum ait été organisé avec le soutien d’un gouvernement qui n’est pas réputé pour être partisan de la liberté de la presse, et qu’il ait attiré des délégués et des intervenants du monde entier.

Les médias ont un ascendant sur nos vies dans leur intégralité. Nous avons tous besoin de prendre plus de temps pour comprendre comment ils fonctionnent et comment il est possible pour nous de les transformer.

Danny Schechter, décrypteur d’actualités, tient le blog Newsdissector.net et est rédacteur à Mediachannel.org. Pour tout commentaire, contacter dissector@mediachannel.org

Version en anglais: Debating Global Media—in Kazakhstan

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