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Chinoise ou Québécoise? – 1re partie

La recherche identitaire d’une jeune Chinoise adoptée par des Québécois

Écrit par Nathalie Dieul, Epoch Times
27.05.2013
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Anne Carrier, 26 ans, est étudiante en anthropologie. Elle est d’origine chinoise et a été adoptée par une famille de Québécois alors qu’elle n’était qu’une petite fille. Du rejet de ses racines chinoises à sa quête identitaire en Chine, voici son histoire.


«Quand j’ai été adoptée, j’avais 5 ans sur les papiers, mais quand je suis arrivée au Canada, on a fait un examen de mes dents. Ils ont dit  : elle est plus vieille de deux à trois ans par rapport à l’âge que vous lui avez donné. Donc, j’aurais eu 7 ou 8 ans», raconte-t-elle dans un salon de thé typiquement chinois situé près du quartier chinois de Montréal.

Que s’est-il passé dans la vie de cette petite fille qui s’appelait Tuya (图雅), avant qu’un couple de Québécois ne vienne la chercher dans un orphelinat du Guizhou, province du sud de la Chine? «Dans mes souvenirs, c’est un peu flou, mais je me souviens que j’ai changé de famille trois fois.» Anne, devenue adulte, s’est demandé pourquoi elle avait changé de famille à trois reprises avant d’arriver à l’orphelinat, et elle a fait des recherches qui l’ont amenée à considérer deux options.

«Soit mes parents attendaient un garçon, et ils avaient déjà une fille, donc j’ai dû partir. Mais, en Chine, il y a aussi la tradition de match making. Surtout dans le milieu rural, dès que tu nais, il y a des gens qui achètent des filles à la naissance, et à l’âge de 5 ans tu dois changer de famille.» Dans ce dernier cas, la fille va vivre dans sa nouvelle famille jusqu’à ce qu’elle soit en âge de devenir la nouvelle épouse de l’homme. «Je me souviens que, dans ma dernière famille, il y avait un garçon.»

Les souvenirs d’Anne Carrier lui permettent de savoir qu’à l’époque de cette troisième famille, elle avait quitté le milieu rural pour la ville, pour se retrouver dans un milieu assez agressif, jamais calme  : de la fumée, du feu, un mauvais sommeil… «Puis, un jour, on m’a juste abandonnée dans la rue, ils ont juste disparu. Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé entre la rue et l’orphelinat.»

L’orphelinat

Un jour, elle s’est réveillée à l’orphelinat où elle est restée environ un an. Là encore, la vie était loin d’être facile pour une petite fille. La province montagneuse du Guizhou était la plus pauvre de toute la Chine et, selon la jeune femme, les orphelinats étaient considérés comme une «dompe» à enfants où il n’y avait aucune structure, où les enfants étaient souvent occupés à faire le ménage. «On était sous-nourri. On tombait malade souvent, on avait des vers solitaires.»

L’orphelinat était aussi un milieu violent. C’est là que les nouveaux parents d’Anne Carrier, un couple québécois, sont venus chercher la petite fille pour l’adopter et la ramener au Québec. «Ma mère ne s’attendait pas que j’aie des brûlures, des bleus un peu partout dans le visage, sur les côtes.» C’était le choc pour la mère de famille qui avait pourtant été prévenue qu’il régnait une certaine violence dans cet orphelinat.

Arrivée à Sept-Îles

«J’étais sans papiers à l’orphelinat, donc mes parents pouvaient décider de ma date de naissance, de l’âge que j’avais, de réinventer toute une identité.» C’est ce qu’ils ont fait, ce qui a permis à la petite Tuya de changer complètement de vie.

Elle est arrivée en plein mois de janvier dans la ville de Sept-Îles, dans une famille qui l’aimait, avec deux grands frères, âgés de sept et huit ans de plus qu’elle. Il fallait qu’elle apprenne le français et qu’elle s’adapte à un nouveau mode de vie, à une nouvelle culture.

Curieusement, Anne parle d’une transition difficile, principalement pour ses parents plutôt que pour elle. La petite fille ne leur faisait pas confiance. Elle était affectueuse avec eux, leur donnant des accolades avec toute l’intensité possible pendant un moment, puis devenait totalement indifférente une fois cet instant passé.

En septembre, quelques mois après son arrivée, la petite Anne a commencé à aller à l’école. À cette époque-là, il n’y avait pas encore de programme d’intégration. En 1991, c’était la première fois que la Chine ouvrait ses portes aux Canadiens pour l’adoption internationale, Anne Carrier faisait partie du premier lot de Chinois adoptés ici.

  • Aujourd’hui âgée de 26 ans, Anne Carrier a commencé à renouer avec son côté chinois il y a seulement quatre ans.(Nathalie Dieul/Epoch Times)

Elle était très violente et aimait se battre. Elle avait également beaucoup de difficultés à communiquer, le français était difficile pour elle. Pourtant, «quand j’ai commencé l’école, je pensais que ça allait bien. J’apprenais vite, je commençais à communiquer, jusqu’à tant que mes parents me disent  : "Tu n’apprends pas assez vite".»

Avec le recul, Anne pense que cela lui a créé un autre traumatisme  : «En plus d’avoir été adoptée, on me fait dire  : tu es en retard. Tu es différente et on essaie de corriger ça.» Ses parents avaient des exigences élevées pour elle et ont embauché des nounous, des professeurs, des tuteurs, des sortes de psychologues sociaux, on lui a fait subir des examens de personnalité, d’agressivité, etc.

Anne a du mal à comprendre ses parents  : elle a pourtant toujours eu des notes dans la moyenne à l’école. «Souvent, les parents qui adoptent, ce sont des parents éduqués, qui ont du succès, ils veulent que leur enfant ait aussi du succès, il faut qu’ils imposent une pression.» Si elle peut donner un conseil aux parents qui adoptent un enfant étranger, c’est d’être flexibles et de ne pas avoir les mêmes exigences pour un enfant qui doit apprendre une nouvelle langue qu’envers un enfant qui n’a ni cette difficulté linguistique, ni le traumatisme de l’adoption.

Cependant, peu importe ces quelques moments difficiles, la jeune femme a quand même de très bonnes relations avec ses parents, en particulier sa mère avec qui le lien est très fort. «Ma relation avec mon père est celle que toute jeune fille rêve d'avoir. Un père sensible, attentif et protecteur.  Toutefois, je dois admettre que j'ai une relation plus intime avec ma mère, nous avons beaucoup de choses en commun.»

Déménagement en Montérégie

Trois ans après son arrivée au Canada, Anne Carrier et sa famille déménagent dans le village de Saint-Mathias, en Montérégie, pour vivre dans une ferme sur le bord du Richelieu. Ses frères aînés ont déjà quitté la maison familiale pour aller étudier à Sherbrooke. Le lien avec sa mère est toujours très fort.

Elle y termine ses études primaires en compagnie de Geneviève, Catherine et Johanne, qui sont toujours ses grandes amies aujourd’hui. À Saint-Mathias comme à Sept-Îles, la fillette n’a jamais connu le racisme  : «Parce que je n’étais pas en contact avec les Asiatiques, pour moi, j’étais comme n’importe quelle fille de mon âge.»

La découverte du quartier chinois

À l’âge de 14 ans, c’est le choc pour l’adolescente lorsqu’elle se rend au quartier chinois de Montréal pour la première fois de sa vie  : «Choc total! Oh my god! Cette fille-là me ressemble un peu! J’ai pris conscience que physiquement j’étais différente. Je me regardais, je voyais les liens. C’était une révélation!»

La jeune fille se remettra rapidement de ce choc. Pendant toute son enfance, elle a fait des voyages chaque année avec ses parents et elle a été mise en contact avec des minorités un peu partout dans le monde, en commençant par les Amérindiens lorsqu’elle habitait à Sept-Îles. «Inconsciemment, ils m’ont légué une éducation  : une différence ça ne fait pas de toi une personne différente.»

Ce sont surtout les odeurs du quartier chinois qui lui rappellent des souvenirs, principalement une odeur qu’elle ne retrouve que là. «L’odeur la plus distincte, c’est celle des dumplings, l’odeur de vapeur. Quand je suis retournée en Chine, il y avait une odeur de vapeur constamment dans l’air.»

À suivre…

 

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Depuis le début des années 1990 jusqu’en 2012, les chiffres du secrétariat à l’adoption internationale Québec indiquent que 6628 enfants chinois ont été adoptés au Québec. Entre 1990 et 1999, près de 98  % de ces enfants chinois adoptés ici étaient des filles.

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Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.