Le printemps de la bio 2013

Écrit par Gérard Camelin, Epoch Times
30.05.2013
  • Prairie ouvrant une perspective sur Château-Chalon, dans le Jura. (Stéphane Meyer/Epoch Times)

Afin de mieux appréhender le contexte des évolutions de l’agriculture biologique, il est intéressant de rappeler les cinq facteurs historiques du XXe siècle qui ont précipité cette véritable révolution agricole industrielle dite conventionnelle. Cela permet, par la même occasion, de comprendre pourquoi ces techniques agro-industrielles ont été systématiquement promues par tous les différents pays au cours de ce siècle.

 

À ce jour, les gouvernements successifs, malgré les limites de plus en plus visibles de cette agriculture industrielle, l’ont largement subventionnée, au nom du «progrès scientifique inévitable», alors qu’elle nécessite des investissements financiers très lourds et des apports d’énergie thermique et électrique énormes. Toutes les solutions dites bio-alternatives, pourtant aussi scientifiquement argumentées et de mieux en mieux appliquées, ont été reléguées au niveau d’initiatives associatives.

Le développement de l’industrie chimique

Le premier facteur historique initial est le développement de la chimie des nitrates synthétiques. Les nitrates favorisent une croissance rapide des végétaux, augmentant leur teneur en eau, majorant leur poids et leur donnant une bonne apparence. Cette industrie chimique de l’azote, à la base des engrais chimiques, s’est progressivement bâtie dans un premier temps sur l’invention de la nitroglycérine, puis en 1899, dans un second temps, du nitrotoluène – le fameux TNT – et autres nitrobenzènes, dont les propriétés explosives formidables ont intéressé les militaires. Ceci explique par ailleurs, en partie, les explosions meurtrières qui ont émaillé ce siècle: celles de bateaux d’engrais, d’entrepôts de stockage, jusqu’à l’explosion de l’usine AZF de Toulouse en 2001, filiale du pétrolier français Total, ou encore plus récemment d’une fabrique au Texas, toutes rapidement «oubliées» et incomprises par les médias.

La Première guerre mondiale a nécessité une consommation exponentielle de ces produits poly-nitrés explosifs. Ces usines stratégiques, alors déjà construites et financées, ont dû être repensées à l’après-guerre, tout en gardant leurs spécificités stratégiques. Les engrais dit «azotés composés» ont alors constitué un débouché rentable pour les industriels. Afin de protéger les plantes fragilisées, du phosphate, du potassium – le fameux N.P.K agricole, et tout un arsenal de produits ont été ajoutés aux différentes compositions, représentant industriellement et financièrement des chiffres de plus en plus importants.

Le deuxième facteur est une conséquence logique. Les plantes, ainsi dopées artificiellement, gonflées d’eau, et cultivées en monoculture sur des surfaces de plus en plus grandes, sont devenues des cibles faciles pour les ravageurs des cultures. Il a alors fallu intervenir avec des pesticides organophosphorés (famille de produits chimiques tel que le fameux ypérite appelé communément « gaz moutarde » à cause de son odeur, déjà utilisé dès 1915 par les Allemands, dans les tranchées des soldats français et anglais).

Le troisième évènement est le développement du fil de fer barbelé, fabriqué par les «maîtres de forges», et très utilisé au cours de cette guerre. Ces tréfileries ont ensuite été recyclées massivement en clôtures, modulables à volonté. Le développement de cette industrie a permis d’éradiquer les traditionnelles haies de séparation des parcelles agricoles, facilitant les innombrables remembrements agricoles, et révolutionnant par la même occasion l’élevage du bétail.

Des conséquences au niveau des ressources tant humaines qu’énergétiques

Le quatrième est la conséquence de l’immense tuerie en Europe au cours de la Première guerre mondiale. Rien qu’en France, on a compté 1,5 million de morts et plus de 2 millions de blessés graves, dont une grande majorité de paysans. Cela marque le début d’un exode rural massif qui s’est encore accéléré après la Seconde guerre mondiale. Il était alors inévitable, par manque de main-d’œuvre, de repenser les modes de travaux traditionnels multiséculaires.

La cinquième révolution, qui a multiplié l’action des quatre premiers facteurs, est l’arrivée du pétrole, abondant et moins cher que les huiles végétales, mettant à portée de prix les carburants dans l’industrie automobile, et permettant à l’agriculture de développer du matériel agricole comme les tracteurs. Ceux-ci ne se contentèrent pas de remplacer les chevaux, eux aussi réquisitionnés par les armées et décimés en très grand nombre pendant ces quatre années.

 

Progressivement, les tracteurs sont devenus de véritables «porte-outils agricoles», s’adaptant à la demande de plus en plus spécifique. D'autre part, ils sont devenus de plus en plus lourds tant au niveau financier que structurel, tassant et dégradant de ce fait les sols.

La conjonction historique des origines militaires de ces cinq facteurs est importante à étudier car elle détermine les limites des cycles industriels, économiques et environnementaux. Elle permet de comprendre pourquoi les pollutions multiples avec les pesticides, les désherbants, les déjections animales des élevages intensifs concentrationnaires sont toutes minimisées et ignorées, même quand la très libérale administration européenne met l’État français à l’amende, pour non-respect des normes sanitaires de l’eau.

L’émergence des acteurs défenseurs de l’agriculture biologique

Les différents acteurs défenseurs de l’agriculture biologique sont tout d’abord venus du monde agricole – éleveurs, cultivateurs, ingénieurs agricoles. Ils sont, en tout premier lieu, concernés par les pollutions, les intoxications, les dégâts environnementaux. Mais on compte aussi parmi eux des chercheurs de l’INRA, comme le chercheur spécialiste des sols Claude Bourguignon, qui a alerté l'institution, sans que celle-ci fasse écho, sur l’inquiétante dégradation des sols qu’il observait depuis la fin des années 1970.

Au cours des années qui ont suivi la Seconde guerre mondiale, les médias officiels ont continué d’évoquer les promesses de rendements toujours plus fabuleux, alors qu’émergeait le concept médiatique de la «révolution verte» de l’agriculture industrielle. Cette agro-industrie chimique a elle-même été nourrie industriellement par l’explosion des besoins des militaires en TNT, fabriquée et utilisée successivement, dans les guerres de Corée, du Vietnam, du Cambodge, etc.

En marge de ce processus, l’agriculture biologique s’est développée dans un tissu associatif aux horizons très variés, créatifs et porteurs d’une culture de liens sociaux festifs et éthiques, prônant une mode, une pensée et un habitat différents, qu’on appelle souvent «altermondialistes» et «mouvement non violent et pacifique».

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