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Salle de shoot à Paris : un débat qui divise

La France devrait expérimenter sa première salle de shoot à partir de l'automne prochain. Pas encore ouverte, celle-ci donne déjà lieu à de houleuses discussions.

Écrit par Caroline Chauvet, Epoch Times
13.06.2013
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  • Usagers de la salle de shoot à Vancouver u00ab Insite », premier site d'injection supervisé en Amérique du Nord. Le gouvernement conservateur voulu faire marche arrière sur ce centre, mais la Cour suprême s'y est opposé : u00ab au cours de ses huit années d’activités, il est démontré qu’Insite a sauvé des vies, sans avoir aucune incidence négative observable sur les objectifs du Canada en matière de sécurité et de santé publiques ». (AFP PHOTO / Laurent VU THE)

Mardi dernier, la deuxième réunion publique sur le sujet, organisée par la mairie, a opposé partisans de la création du centre et élus, dont le maire du 10e arrondissement Rémi Féraud à de nombreux riverains. Venus manifester leur vive inquiétude quant à l'ouverture d'un tel dispositif après l'annonce du lieu, 39 boulevard de la Chapelle, près de la Gare du Nord dans le 10e arrondissement de Paris, des habitants du quartier ont déploré le manque de concertation avec la population pour la mise en place du site d'injection supervisé.

Genèse et mise en place du projet

Début février, le gouvernement avait donné son feu vert pour l'expérimentation des centres d'injection supervisés en France, comme il en existe déjà dans six pays européens, en Australie et au Canada. Ce projet vise à une meilleure prise en charge des toxicomanes adeptes de drogues dures (cannabis exclu), avec une politique de réduction des risques sanitaires, des nuisances et des scènes ouvertes de drogues dans les rues ; plus globalement de lutte contre la circulation de stupéfiants. L'association Gaïa qui gère deux établissements médico-sociaux dans le domaine de la prévention et du soin en addictologie et toxicomanie ainsi que l'ONG Médecins du monde, notamment, soutiennent la mise en place de telles salles de shoot.

Sept jours sur sept, sept heures par jour, des toxicomanes consommeront leur propre drogue (aucune substance addictive ne leur sera fournie) dans de bonnes conditions sanitaires et encadrés par des professionnels de santé. Les toxicomanes pourront alors, s'ils le souhaitent, s’orienter vers un parcours de substitution, voire de sevrage.

Ces salles devraient être interdites aux mineurs ainsi qu'à ceux n'ayant jamais consommé. L'analyse d'urine se chargera de départager les toxicomanes des primo-consommateurs. Le public visé possède un profil-type : une personne dépendante depuis plusieurs mois à des substances et vivant dans une certaine précarité sociale.

Au total, 80 à 100 toxicomanes par jour pourront être accueillis, a précisé mardi Céline de Beaulieu, coordinatrice du projet. De même, l'ouverture du centre d'injection donnera lieu à un « renforcement de la présence policière au bénéfice du Xe » a expliqué Nicolas Lerner, directeur adjoint du préfet de police.

Des riverains piqués au vif

« Vous vous lancez dans un projet hasardeux, approximatif, sans étude d'impact sur la population », s'exclamait le président de l'association « Vivre à gare du Nord et Est » Pierre Coulogner mardi dernier. Applaudi par l'assistance, il se dit opposé aux conditions de la mise en place de la salle de shoot qui ne s’inscrirait pas dans un projet plus global et risquerait d'augmenter l'insécurité aux environs de la Gare du Nord.

Car c'est de sécurité dont il est question pour les riverains. Ils craignent l'arrivée massive de toxicomanes et de dealers dans le quartier de Gare du Nord, où gisent déjà quotidiennement un grand nombre de seringues. Une femme prénommée Muriel s'alarme : son fils, entrant au collège, aura-t-il besoin d'un garde du corps ?

Plus généralement, certains habitants du 10e arrondissement déplorent le manque de concertation avec la mairie quant à la prise d'une décision si importante.

Les arguments des partisans

La prise en charge des marginaux

Dans une tribune de Libération datée du 7 février dernier, Bernard Roques Professeur à l’université Paris-Descartes et membre de l’Institut de France et Patrick Aeberhard, ancien président de Médecins du monde et professeur et chercheur associé à Paris-VIII, ont défendu « l'aspect humanitaire » du projet. Se basant sur les résultats du programme à Genève, ils constatent l'efficacité du dispositif : des toxicomanes ont réussi à intégrer le réseau sanitaire, 94% y sont demeurés. Au bout de cinq ans, ceux-ci ont vu leur consommation baisser, et leur santé, notamment mentale, s'améliorer. Certains ont réglé leurs difficultés financières et ont trouvé de quoi se loger ou même une activité.

Un policier de Genève invité à la réunion mardi a pu témoigner. La salle de shoot suisse ne fait plus polémique : « aujourd'hui, le 'Quai 9' n'est plus un sujet ».

Une diminution des nuisances

L'autre aspect de la mise en place des sites d'injection supervisés consiste à faire baisser le trafic de stupéfiants et à diminuer la délinquance grâce à un contrôle du lieu de l'injection. D'après un article du figaro.fr daté du 6 février 2013, et s'appuyant sur plusieurs sources (*), la mise en place de salles de shoot en des lieux où il existe déjà des pratiques de rue a eu des effets positifs, contribuant à la régulation des nuisances.

Quelques réserves

Mais, comme dans tout débat, les résultats sur l'efficacité du dispositif restent discutés. Toujours au regard des expériences à l'international, quelques doutes peuvent être émis.

Des effets pas si convaincants sur la santé des usagers

«En réalité, elles [les salles de shoot] entretiennent la dépendance aux drogues au lieu d'aider les gens à s'en débarrasser», dixit Joséphine Baxter, vice-présidente de la Fédération mondiale contre les drogues. Selon le figaro.fr d'août 2012, deux études réalisées en Suisse ont constaté que davantage de toxicomanes ont déclaré une augmentation de leur prise de drogue qu'une diminution.

De même, le figaro.fr du 6 février écrit que la lutte contre le VIH et l'hépatite C chez cette population à risque n'est que peu efficace, alors que la lutte pour une meilleure prise en charge sanitaire est un des objectifs principaux de l'installation des centres.

Pas de véritable réduction du trafic

Mme Baxter dénonce l'effet « pot de miel » de ces endroits, où « les dealers se regroupent pour vendre leur drogue aux acheteurs qui entrent ensuite dans la salle d'injection ».

En Suisse notamment, où ce genre de centre existe depuis 1986, un petit trafic de drogue serait palpable aux abords de quelques centres, rapporte le figaro.fr. Mais selon il s'agirait de reventes entre consommateurs de drogues, qui existaient souvent avant la mise en place du centre, celui-ci s'étant implanté dans un lieu habituellement fréquenté par les drogués.

Un débat tranché pour le gouvernement

Malgré l'ire de certains riverains et associations, la mairie de Paris n'a pour l'instant pas l'intention de céder aux invectives de ses opposants. La mise en place de la salle de shoot, soutenue par plusieurs associations et ONG, ne devrait cependant pas augmenter l'insécurité de façon exponentielle aux abords de la Gare du Nord. La présence renforcée de forces de police dans ce secteur est une précaution de mise. La salle de shoot du 39 boulevard de la Chapelle fera office de test en vue de l'implantation, ou non, d'autres dispositifs de ce genre à Paris et dans d'autres grandes villes françaises.

*

(1) European Report on Drug Consumption Rooms, European Monitoring Center for Drugs and Drug Addiction (EMCDDA), 2004.

(2) Avis sur la pertinence des services d'injection supervisée. Analyse critique de la littérature. Institut national de santé publique du Québec, 2009.

(3) Harm reduction: evidence, impacts and challenges - Chapter 11: Drug consumption facilities in Europe and Beyond. European Monitoring Center for Drugs and Drug Addcition (EMCDDA), 2010.

(4) Réduction des risques chez les usagers de drogues - Synthèse et recommandations. Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), 2010.

(5) Salles de consommation à moindre risque, les preuves et la pratique. Consortium international sur les politiques des drogues (IDPC), 2012.

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