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Comment les Français vivent-ils leur retraite?

Écrit par David Vives, Epoch Times
27.06.2013
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  • Nos anciens sont depuis toujours considérés comme détenteurs de sagesse et d’expérience. (Yasuyoshi Chiba/AFP/GettyImages)

Dans la nature, ce qui vieillit gagne en beauté, les chênes centenaires inspirent le respect et l’admiration. Chez l’homme moderne, c’est le contraire, on compte le nombre de rides, on guette la couleur des cheveux, on s’inquiète du temps qui passe sur nos belles années. La société semble imposer ce qui vieillit comme inutile, sans compter sur les années de sagesse et d’expérience.

Pourtant d’après Karine Bucher, chargée de mission au Centre de Liaison, d’Étude, d’Information et de Recherche sur des Personnes Agées (CLEIRPPA), «d’une manière générale, tout en prêtant attention à leur état de santé, les retraités assument leur âge et ses implications d’une manière assez sereine». Il est intéressant de relever que le mythe véhiculé par notre société sur les valeurs de l’éternelle jeunesse trouve beaucoup d’échos auprès de la recherche scientifique ou des produits de consommation venant de l’industrie. Pourtant, parallèlement à cette tendance, les études montrent que les personnes âgées sont globalement satisfaites de la façon dont elles choisissent de vieillir et de vivre leur vie pendant la retraite.

Malgré cela, à en croire la tendance actuelle, le bien-être à la retraite se résumerait aujourd’hui en terme de pouvoir d’achat. Inlassablement, la question du régime des retraites revient sur la table, sans trouver de solution administrative à un système de répartition sociale complexe. Les questions tournent autour de la qualité de vie en baisse, de l’insuffisance des cotisations, des réformes en cours. Si l’on regarde un peu plus loin, les débats et oppositions à ce sujet ne datent pas d’hier.

La situation reste pourtant encore confortable en comparaison du montant des pensions et de l’âge d’accès à la retraite dans le reste de l’Europe. Cependant, on peut se demander si, en séparant les générations entre elles, ce n’est pas le modèle générationnel en France qui pose problème. L’espérance de vie change également la donne car, en 1950, les Français partaient en retraite à 65 ans et pouvaient espérer vivre une douzaine d’années. Aujourd’hui, l’espérance de vie a été rallongée d’une vingtaine d’années. Cette question ne se limite pas seulement aux questions de confort ou de cadre de vie, mais les enjeux tiennent aussi à la place et au rôle de l’individu, au lien entre les générations, à la valeur que l’on apporte au travail et au rôle que doit jouer l’État pour maintenir la cohésion morale de la société.

Des retraités différents, des retraites différentes

D’après les études menées, il s’avère que la grande majorité des retraités français ont parmi leurs préoccupations premières de conserver leur environnement habituel. L’accès à la propriété étant un grand projet de vie, les retraités passent plus de temps chez eux que les actifs. Les grands projets de départ sont plutôt rares, on voit, ces dernières années, de plus en plus de retraités se consacrer à faire des travaux dans leur habitat.

Dans notre pays, l’écart entre le niveau de vie moyen des retraités français par rapport à celui des actifs, est minime: on calcule à 16 010 euros par an le montant de la pension moyenne d’un retraité, contre 16.540 euros pour l’ensemble de la société (d’après l’INSEE). Le taux d’épargne des retraités est supérieur à la moyenne française, en raison de la prévoyance de ces derniers vis-à-vis du décès du conjoint ou de la perte d’autonomie en fin de vie.

On constate que malgré les préoccupations communes que sont la bonne santé et le maintien du niveau de vie, il n’existe pas un mode de vie qui serait commun aux retraités français. Selon l’origine, le vécu familial, la génération, la culture ou l’état de santé, chacun vit sa retraite différemment. Une majorité de retraités déclarent que leur famille est ce qu’il y a de plus important dans leur vie. Cependant, on peut voir à une échelle plus large que la façon d’envisager la retraite pour les Français se distingue d’une façon singulière dans l’Histoire.

Des approches différentes sur le sens du travail

La question de la retraite, dans une société, touche de près l’approche que l’on a du travail. En Occident, l’idée de la retraite a été assimilée à l’idée de repos et de loisirs. En 2012, d’après une étude de l’INSEE, 7% des sexagénaires occupaient un emploi. La moitié d’entre eux déclarent que leur retraite «ne leur suffit pas pour vivre», et 43% disent travailler «pour des raisons non financières».

Dans d’autres cultures, la retraite prend un autre sens. Au Japon, par exemple, les hommes travaillent en moyenne jusqu’à plus de 69 ans, et les femmes jusqu’à 67 ans. Koji Saito, dirigeant d’un magasin de thé de 75 ans, déclare travailler 12 heures par jour et 6 ou 7 jours par semaine. «Cela fait 50 ans que je travaille dans le coin. J’essaie d’arrêter progressivement, mais le jour où j’en aurais terminé, c’est un peu ma vie qui sera finie.»

Les valeurs culturelles sont différentes parce que l’histoire et la situation le sont autant. Le Japon a connu une difficile période d’après-guerre. Les observateurs constatent que le gouvernement a incité une telle tendance afin de pallier le manque de main d’œuvre et le vieillissement de la population. Mais il y a également l’influence des valeurs traditionnelles. Un juriste de 73 ans, Kenji Wada, déclare: «L’argent est secondaire, l’essentiel est de remplir sa tâche dans la société».

En France, l’idée du devoir envers la société est peu répandue. De même, travailler pour garder la santé n’est pas très populaire dans le contexte moderne. Dans nos sociétés, on a plus à l’idée la dureté du labeur, du stress engendré par le travail et dans la vie quotidienne. Ainsi, si l’on considère les revendications et la nature du débat des retraites, c’est l’État qui doit quelque chose à l’individu et non le contraire. Si l’on regarde dans l’Histoire, ce fait n’est pas nouveau.

La pension de retraite, un concept aussi vieux que la société moderne

En France, on peut voir que très tôt, la reconnaissance de la pénibilité du travail et l’accès à une retraite pour le plus grand nombre ont été des enjeux sociaux prégnants. Les premiers systèmes de retraite touchant des groupes de populations remontent à l’ère industrielle fin du XIXe siècle, qui a entraîné une mutation de la société. Les premières retraites dépendaient des initiatives des patrons, désireux de pérenniser la main d’œuvre et le savoir-faire.

Par la suite, plusieurs courants se sont dessinés, naviguant entre revendications des ouvriers, paternalisme conservateur et mutualisation ; tout ceci pour prendre en charge les ouvriers «cassés» par des années de cadence industrielle. Seul le principe d’obligation restera dans les lois pour garantir une gestion tripartite: les patrons financent les ouvriers, le tout supervisé par l’État.

À l’époque, l’âge de la retraite était fixé à 65 ans (ce qui est le cas de la plupart des pays aujourd’hui). Cependant, en 1910, seulement 8% de la population française atteignait cet âge, dont très peu d’ouvriers. Donner la retraite à cet âge, selon la CGT, «c’était la donner à des morts». Les propositions au sujet de la gestion du système des retraites se sont longtemps poursuivies jusqu’au début du XXe siècle. La responsabilité de l’État de garantir une retraite à chacun est rentrée peu à peu dans les mœurs au sortir de la Première Guerre mondiale. Le système des répartitions actuel est finalement né en 1940, et a enterré le système par capitalisation. Depuis, la part prise en charge par l’État a pris de plus en plus d’ampleur, plusieurs ajustements ont dû être décidés pour prendre en compte l’augmentation de la population française, ainsi que les difficultés sociales et les régimes spéciaux.

Le lien générationnel et familial bouleversé

Au siècle dernier, l’État s’est peu à peu substitué au noyau familial. Aujourd’hui, des programmes de prises en charge sont décidés au sein des communes et villages ayant une grande proportion de personnes âgées. On considère que c’est à l’État de prendre en charge les «anciens citoyens», il doit maintenir leur cadre de vie et garantir leur santé.

À une époque pas si lointaine, 80% des personnes vivaient en milieu rural et 3 ou 4 générations vivaient sous le même toit ou dans des maisons mitoyennes. La société d’aujourd’hui s’est habituée à un nouveau schéma, le noyau familial s’est fragmenté et la question de la perte du lien générationnel s’est peu à peu profilée. Ce n’est que très récemment que notre société a pris conscience de l’étendue de cette question, notamment avec la canicule de 2003, qui a touché de  nombreuses personnes âgées vivant seules.

D’après le sociologue François de Singly, durant les siècles passés, «les rapports entretenus au sein de la famille étaient sous le signe de l’obligation». Ces obligations reposaient sur un socle de valeurs communes: éthique, culture, religion. Malgré la contrainte que cela pouvait engendrer, les enfants se devaient d’entretenir des liens continus avec leurs aïeux. Au siècle dernier, la perte d’influence de la religion d’une part, le choc sociologique des guerres et l’arrivée de nombreuses formes de cultures différentes ont rendus difficile le fait d’établir un socle commun. Les notions de famille et de respect des anciens ont ainsi été atteintes par un relativisme moderne qui reconnaît davantage la liberté individuelle aux valeurs morales de la société.

L’organisation et la stratification de notre société a donc fait progressivement disparaître le rôle naturel des anciens. Dans les villages, les jeunes quittent la maison familiale pour trouver du travail dans les grandes villes. La vie est désormais organisée en tranches de vies successives, et la connexion qu’il pouvait exister entre la sagesse des anciens et l’élan de la jeunesse devient rare.

Reste que la retraite est aussi la capacité de donner de soi et de son temps pour la famille ou encore de créer des activités en rapport avec ses intérêts et son savoir-faire. La vieillesse est alors un âge d’or où l’homme, tirant leçon de ses expériences, rend au monde ce qu’il lui a apporté.

Fausses préoccupations et vrais problèmes

Un an après la réforme des retraites de 2010, l’institut Ipsos a réalisé un sondage, au sujet du sentiment du peuple français sur cette réforme. Résultat: la résignation se partage avec la colère, dans des proportions à peu près équivalentes. Seuls 21% des Français «résignés» se disent «indifférents». Le sujet est donc toujours brûlant. De plus, 78% des Français restaient favorables à la réouverture du débat, même un an après.

En 1993, le gouvernement Balladur entreprenait de réformer les retraites pour faire face à un déficit endémique. La France était alors en récession. Quelques gouvernements plus tard et l’épisode des grèves de 1995, la question revient sur le tapis. Pour ne rien arranger, on constate que les mesures décidées depuis n’ont pas apporté de réponse définitive satisfaisante à un système cohérent et durable. En 2009, le ministère du Travail a considéré que l’augmentation du volume des cotisations, appelée de ses vœux par le gouvernement Balladur avait été un échec. Dans une large partie, ce volume n’avait pas augmenté. Les ajustements entrepris ont pu pérenniser seulement une partie du système tout en maintenant sa complexité.

Face à ce constat, les multiples propositions et prévisions vont bon train. Cependant, quelle est la  source des problèmes? D’une part, le nombre de retraités dépasse le nombre des actifs, d’autre part, l’emploi des seniors est difficile à maintenir. Dans une interview donnée à Ouest France, Henri Sterdyniak, directeur à l’Observatoires des conjonctures économique, relève: «La priorité, c’est l’emploi. Pas de réduire les prestations. Le déficit des régimes est dû, avant tout, au fait que nous sommes en récession: il nous manque de l’activité, donc des cotisations sociales.»

Il existe 38 régimes spéciaux en France, la question est de se demander s’il est envisageable de tout vouloir remettre à zéro. La grande complexité de l’administration française déploie ici alors toutes ses contradictions. Selon Henri Sterdyniak, «l’indice des salaires ne suit pas l’inflation, il est compensé par des primes qui ne comptent pas pour la retraite. Cela donne un sentiment d’injustice des deux côtés». «Les régimes spéciaux ne concernent que 2% des nouveaux retraités, les réformer est une question morale, pas financière», conclut-il.

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