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Quand la politique légifère sur l’embryon humain

Écrit par Sarita Modmesaib, Epoch Times
29.08.2013
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  • Des embryons humains sont sortis d’un container rempli d’azote liquide dans lequel ils sont stockés. (Sandy Huffaker/Getty Images)

Le 1er août dernier, le Conseil Constitutionnel a validé le texte de loi adopté le 15 juillet par l’Assemblée nationale, autorisant la recherche sur l’embryon et ses cellules souches. Approuvée en décembre 2012 par le Sénat, cette loi vient modifier le cadre établi depuis 2004, à savoir l’interdiction de recherches sur l’embryon à l’exception de dérogations possibles sur une période de 5 ans.

Un changement du cadre légal

Ces dérogations n’étaient admises qu’après autorisation de l’Agence de Biomédecine (ABM) et après consultation par un comité rassemblant des personnes extérieures telles que Henri Joyeux, administrateur de l’UNAF (Union Nationale des Associations Familiales). Les conditions requises pour ces dérogations étaient celles-ci: démontrer qu’il n’existait pas d’autres moyens techniques et que ces recherches aboutiraient à des découvertes potentielles «susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs».

Durant cette période de 5 années, l’ABM aura délivré 173 dérogations déclinées comme telles: 71 protocoles de recherche, 24 autorisations de conservation de cellules souches embryonnaires (encore appelées CSEh, cellules pluripotentes capables de se changer en d’autres types de cellules et dérivées d’embryons de 5 à 7 jours issus d’une fécondation in vitro), 46 importations de lignées de CSEh et 30 renouvellements d’autorisation accordées avant la révision de la loi bioéthique de 2004 (article L2151-15 du code de la Santé publique). La loi bioéthique avait été instituée en 1994, mais ne statuait pas encore sur les cellules souches, celles-ci n’étant pas encore connues des scientifiques.

Depuis 2011, la période des 5 années dérogatoires étant arrivée à son terme, il n’y a donc plus eu d’autorisation accordée par l’ABM. En avril 2012, un décret émanant du gouvernement de François Fillon, avait précisé et pérennisé les conditions d’autorisation sur les CSEh.

Avec la validation du nouveau texte de loi proposé par le sénateur d’extrême gauche Jacques Mézard, c’est l’article L2151-15 qui va subir une réécriture en ouvrant le champ de manœuvre des chercheurs sur les CSEh. Ces recherches encadrées ne concerneraient que des «embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l’objet d’un projet parental».

Adopté aujourd’hui par nos institutions, ce nouveau texte de loi semble convenir à la politique  de la nouvelle majorité. Geneviève Fioraso, ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, abonde en ses termes dans une interview accordée au journal Les Échos: «Si en douze ans, nous sommes passés du 5e au 17e rang mondial en matière de recherche sur les cellules souches, c’est à cause de la réglementation qui prévalait jusqu’à présent. À l’inverse, dans les pays où c’est le régime d’autorisation qui s’applique, la recherche a avancé.»

Elle précise ainsi que la France pourrait alors participer aux projets européens sans crainte de recours juridique, concluant: «Nous allons revenir dans la course internationale».

Un son de cloche différent

Seulement, de nombreux scientifiques, parfois étroitement impliqués dans ces enjeux, n’hésitent pourtant pas à s’opposer à ce nouveau texte de loi.

Arnold Munnich, professeur à l’université Paris-Descartes et chef du département de génétique de l’hôpital Necker-Enfants malades, s’érige ainsi, dans une tribune accordée au journal Le Monde, en défenseur de l’ancienne loi, qui selon lui, produisait autant de résultats de recherches par le biais des dérogations, qu’en produira la nouvelle: «L’Agence de la biomédecine a délivré un très grand nombre de dérogations pour rendre possible le progrès médical. Chaque fois que la question était pertinente et le problème bien posé, les dérogations ont été accordées. Pas un seul projet de recherche de qualité n’a été interdit. Qu’on ne nous dise pas, alors, que la réglementation actuelle a bridé la recherche: ce serait une contre-vérité indigne de chercheurs qui se réclament de la science.»

Le problème, selon lui, est que cette ancienne loi, permettait de maintenir des principes «chers à un nombre considérable de nos concitoyens, toutes catégories sociales, culturelles et cultuelles confondues». Aussi, rappelle-t-il que «les spectres de l’instrumentalisation du vivant, de l’asservissement de l’homme par l’homme, de sinistre mémoire, sont très présents dans les esprits. Ils alimentent l’ambivalence de l’opinion à l’endroit de ses scientifiques. Ils donnent la mesure de l’incompréhension croissante qui sépare les décisions de l’exécutif du ressenti de l’opinion».

Ces principes amènent alors au fondement même de cette problématique, à savoir l’existence même de l’embryon en tant qu’être humain, et non en tant que simple amas de cellules. Selon le philosophe Fabrice Hadjadj, directeur de Philanthropos, l’Institut Européen d’Études Anthropologiques, il est clair qu’on n’implante pas «un embryon de souris chez les femmes qui demandent une PMA» en posant la question: «Pourquoi ne pas le faire, si ça ne fait aucune différence?» Selon lui, «l’évidence, c’est que l’embryon dont il est question est humain. Aucun scientifique ne peut dire le contraire. Or, supprimer un être humain, c’est un homicide. Faire de l’être humain un matériau disponible, c’est le comble de l’exploitation.»

D’après l’anthropologue, on ne peut nier l’existence du code génétique chez l’embryon, cela met en évidence le statut de l’embryon humain, remettant en question l’article 16 du Code civil qui énonce que «la loi garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie». Fabrice Hadjadj dénonce l’instrumentalisation de l’être humain au profit des intérêts propres à chacun: «Dès lors tout le naturel, mon corps y compris, n’est qu’un matériau que je peux manipuler au gré de mes caprices. Je rappelle cependant ce que disait Hannah Arendt sur la fin d’un système totalitaire: l’essence du totalitarisme se trouve dans le refus de la naissance comme événement absolu, c’est-à-dire dans le fait de vouloir que l’individu n’ait de valeur que s’il s’inscrit dans une planification, que s’il est le rouage d’un dispositif antérieur à sa venue, qu’il s’agisse de l’idéologie du Parti, ou du projet des parents.»

Il rappelle enfin l’existence des cellules souches pluripotentes induites du professeur Yamanaka (prix Nobel de médecine), ces cellules adultes reprogrammées afin de redevenir des cellules souches et qui, précise-t-il, «ne posent aucun problème éthique».

L’éthique humaine en question

Au-delà du simple débat parlementaire et politique, la question du statut de l’embryon et par là même de la vie humaine, constitue donc un sujet d’éthique essentiel, dans lequel certains verront un instrument de la science et du progrès alors que d’autres un mystère supérieur à la politique et à l’homme. Encourager la science tout en préservant l’homme des éventuelles dérives totalitaires ou idéologiques, tel devrait être l’objectif premier des politiques, ceci afin d’établir un équilibre éthique, indispensable à la stabilité d’un pays et à la confiance que peuvent avoir les citoyens envers leurs dirigeants.

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