Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

«Il ne peut y avoir de paix sans justice»

Rencontre avec le fondateur d’Avocats Sans Frontières France

Écrit par David Vives, Epoch Times
30.08.2013
| A-/A+
  • François Cantier (2e à partir de la droite), président d’honneur et fondateur d’Avocats Sans Frontières France, prend la parole lors d’une conférence au Conseil Fédéral de l’ordre des Avocats au Brésil. (Avec l’aimable autorisation d’Avocats Sans Frontières)

Parler des droits de l’homme aux journaux télévisés, lors de conférences ou à l´Assemblée Générale de l’ONU, comme le font nombre d’orateurs et hommes politiques, c’est une chose. En parler au sein d’une dictature, ou sous la charia, en est une autre.

«Là où la défense n’a plus la parole», tel est le slogan d’Avocats Sans Frontières. ASF France porte secours, depuis sa création en 1998, à des citoyens sans défense mais aussi à des avocats et à des défenseurs des droits de l’homme souvent seuls et vulnérables dans leurs combats. Ces derniers, en choisissant de plaider pour les droits fondamentaux dans des milieux hostiles, défrichent un chemin bien difficile. Maître François Cantier, président d’honneur et fondateur d’ASF, a confié à Epoch Times ses expériences de terrain au sein de l’ONG qu’il a créée. Et il nous raconte le quotidien peu ordinaire de ces hommes et de ces femmes qui éclairent et font briller la reconnaissance de la justice.

Comment ASF a-t-elle été fondée?

La première organisation d’Avocats Sans Frontières (ASF) a été créée en 1992, en Belgique, par des avocats venus de divers pays du monde. La première action importante, qui a été l’action fondatrice du mouvement ASF, est la défense des accusés et des victimes du génocide du Rwanda en 1994.

Dans ce projet initié par Avocats Sans Frontières en Belgique, se sont retrouvés des avocats de nombreux pays. J’en faisais partie et c’est ainsi que j’ai directement participé à la défense des accusés et des victimes du génocide rwandais. Nous étions fin 96 début 97. Lorsque je dis qu’elle a été fondatrice d’ASF, c’est en raison de son contexte historique exceptionnel – un génocide ayant causé la mort de près d’1 million de personnes en 3 mois – et de la mise en place d’un système de justice en quelques semaines, en l’absence d’avocats locaux et de l’existence de la peine de mort.

Nous avons fait beaucoup de chemin depuis le Rwanda. Nous sommes allés au Pérou, en Colombie, au Burundi mais aussi en Europe, au Kosovo, en Afrique – comme au Nigeria –, et en Asie, notamment au Cambodge et au Laos.

ASF a joué un rôle de premier plan dans le procès des khmers rouges au Cambodge. Pouvez-vous nous en dire davantage?

Pour nous, le procès des khmers rouges est un temps fort de l’histoire du Mouvement ASF. Il l’est surtout pour les centaines de personnes que nous défendions, et pour le peuple cambodgien. Il constitue en même temps un procès historique. Ce procès a été initié au Cambodge, avec le soutien de la communauté internationale, notamment les Nations unies, quand le Cambodge a accepté de juger les plus hauts responsables de ce qu’on a appelé le génocide cambodgien. Cela désignait les innombrables crimes inhumains qui ont été commis entre avril 1975 et janvier 1979, la période où les khmers rouges ont régné en maîtres sur le Cambodge et ont décidé d’éliminer tous ceux qui, à leur sens, portaient les germes de la civilisation occidentale. C’est le terme rappelé par Rithy Panh (cinéaste cambodgien, ndr) dans son dernier livre(1): Les khmers rouges, c’est l’élimination. L’homme n’a le droit à rien. C’est ainsi que furent assassinés environ 2 millions de personnes sur une population de 8 millions d’habitants.

Avocats sans Frontières France a été présent dans ce procès car il n’y avait personne pour défendre les victimes. Pourquoi?

Parce que ceux qui avaient créé ce tribunal spécial, les «Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens», c’est-à-dire le Cambodge et les Nations unies avec le soutien de gouvernements d’un certain nombre de pays, ont mis en place un système qui prévoyait un budget pour la défense des accusés. Les avocats des accusés étaient rémunérés par les tribunaux ; mais rien de tel pour les victimes. Face à cette injustice, j’ai décidé de monter un projet qui permette aux victimes d’être également défendues et pour qu’elles puissent ainsi faire entendre leur voix.

Vous avez créé l’école des droits de l’Homme à Toulouse. Quelle est sa vocation?

Je l’ai créée en décembre 2006. Sa vocation, c’est de permettre aux enfants, dès l’âge de 5 ans, de s’approprier les valeurs contenues dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Des valeurs de respect, de dignité, de liberté et d’égalité. Je l’ai fait parce que je me suis aperçu, à travers mes expériences d’ASF, que chaque fois que des hommes et des femmes politiques avaient voulu faire passer les droits de la nation, de la race, de la religion avant les droits individuels, cela s’est terminé par des holocaustes.

En ce qui concerne le génocide des juifs, les nazis avaient décidé que la race aryenne était supérieure aux autres et qu’il fallait la protéger. Ce qui «justifiait» l´élimination des autres «races» considérées comme dangereuses. En Union Soviétique, il s’est agi d’assurer la promotion et la défense de la classe ouvrière; au Rwanda, de protéger le groupe Hutus; au Kosovo, de préserver la nation serbe; et la protection des droits collectifs de ces groupes allait justifier la négation des droits individuels de ceux qui n’en faisaient pas partie.

Nous travaillons donc avec l’Éducation nationale et l´ensemble des acteurs de l’éducation. Nous nous adressons en priorité aux enfants, aux lycéens et collégiens, les jeunes adultes, pour qu´ils soient défenseurs et propagateurs de ces droits fondamentaux qui sont au fondement de toute société humaine.

Sur cette question de l’éducation aux droits fondamentaux de l’homme, quel est le sentiment des peuples ayant subi la persécution et que représentent pour eux la justice et les droits de l’homme?

C’est une excellente question. La réponse est très controversée. Beaucoup, tant parmi les hommes politiques que les intellectuels, historiens, anthropologues, sociologues, posent la question de l’utilité de cette justice qu’on appelle justice transitionnelle – qui désigne la justice post-conflit.

Est-ce qu’elle va permettre à un peuple de se réconcilier, d’aller de l’avant, ou n’y a-t-il pas le risque qu’elle ravive les terribles histoires du passé et contribue à perpétuer le cycle des vengeances? J’avoue que nous nous sommes posé cette question.

Après 17 ans d’expérience – ce que j’ai vécu au Rwanda, au Burundi, en Colombie, au Kosovo, au Cambodge, etc. –, la réponse est claire: oui, la justice, l’œuvre de justice est une nécessité impérieuse, un impératif catégorique. Il ne peut y avoir de paix sans justice. Il ne peut y avoir de réconciliation sans justice. Ce qui ne signifie pas une même forme de justice, car il faut toujours que la justice passe; une justice équitable pour qu’elle soit acceptée.

Quand je pense à ces gens qui vivent sur des continents différents, qui sont issus de cultures différentes… Qu’y a-t-il de commun, du point de vue de la culture et de l’histoire, entre un citoyen du Kosovo et un citoyen du Cambodge? Il y a en commun que ce sont des hommes. Et en tant qu’hommes, ils subissent le malheur, ils subissent la douleur, et ils ont des sentiments profonds de justice et d’injustice. Si souvent ils sont sceptiques, ce n’est pas parce qu’ils ne veulent pas la justice, mais parce qu’ils craignent de se manifester, ils craignent des représailles. C’est un constat que nous avons fait et que nous faisons toujours.

Quand j’étais personnellement aux côtés des victimes au Cambodge, en tant que président de l’association, j’accompagnais mes confrères et mes consœurs dans l’aquarium du tribunal, dans cet endroit entouré de verre. J’étais dans la salle avec les victimes. Depuis le matin, j’allais les rejoindre à 5h30, sur le lieu de rassemblement, je prenais le même bus qu’eux jusqu’au tribunal. Je suis resté les deux premiers jours avec eux dans la salle, j’ai pu beaucoup échanger avec eux, pour toujours essayer de comprendre. Et ce qui revenait en boucle comme propos, c’était toujours la même chose: «Maître, vous ne pouvez pas imaginer ce que nous avons subi». Toujours, toujours, toujours...

La deuxième chose, quand on leur demandait: «Mais alors, comment se fait-il que vous soyez aussi peu nombreux?» 90 parties civiles dans le procès de Duch! Alors qu’il y avait eu dans ses prisons au moins 12 000 morts, cela aurait dû faire beaucoup plus de parties civiles. Les familles, les rescapés... seulement 90! Pourquoi ? Parce que ceux qui se tenaient là disaient: «Nous sommes là pour demander justice, et parce que nous n’avons plus rien à perdre».

La plupart du temps, les citoyens ont peur de se manifester, et au fond, il est impossible pour ces gens ayant connu ce genre de situation d’imaginer que ceux qui furent leurs bourreaux soient devenus des citoyens inoffensifs. Ce n’est pas concevable. Ce qu’ont fait les Khmers rouges, ce qu’on fait les génocidaires Hutu, les paramilitaires colombiens, les milices serbes au Kosovo, cela atteint tellement le sommet de l’horreur que les citoyens ordinaires ne peuvent penser que les gens qui ont fait ça, qui ont pu faire ça, que ces gens-là qui pour la plupart sont encore en vie, soient tout à coup devenus inoffensifs.

Quels sont les obstacles que vous rencontrez sur le terrain?

Les obstacles sont légions. Les premiers, ce sont ceux des États, des groupes qui ne veulent pas que l’on soit là parce qu’on dérange. Je vous donne un exemple. Je suis allé en République Démocratique du Congo pour défendre les familles de militants des droits de l’Homme assassinés par la police, Floribert Chebeya et Fidele Bazana. Sous la pression internationale, un procès s’est ouvert et j’étais donc du côté des victimes. Les autorités congolaises ont fait pression en exerçant des menaces sur nous, parce qu’on vient dénoncer un État où la police assassine les gens. Nous sommes des gêneurs, ce qui est un peu le rôle des avocats. Si vous me demandez dans quel pays nous avons été reçus à bras ouvert, après 16 ans à avoir fait le tour du monde, il n’y en a aucun.

Au Rwanda, nous sommes arrivés pour défendre accusés et victimes. Cependant, il était plus facile d’accéder aux accusés qu’aux victimes, car eux, au moins, on savait où ils étaient, en prison. Les victimes, elles, étaient dispersées partout dans le monde, on a mis des mois à les retrouver. Des associations de défense des victimes se sont constituées, on a enfin pu les voir. Au début, on nous prenait pour les avocats des génocidaires, on pensait qu’on venait pour sauver ces derniers… mais non! Nous étions là pour qu’une justice équitable soit rendue.

En Colombie, la plupart des assassinats de syndicalistes et d’avocats étaient le fait des paramilitaires, qui sont des gens issus de l’appareil d’État, la police et l’armée. Ils agissaient avec la complicité à peine voilée de l’État. Alors, comme nous venions pour défendre les victimes d’assassinats, nous nous attaquions à l’appareil d’État, donc évidemment, là encore, nous étions menacés.

Dans le cas des infirmières bulgares et des médecins palestiniens, la population avait été chauffée à blanc par Kadhafi, qui leur avait fait croire que ces gens avaient empoisonné des centaines d´enfants. Ce sont des histoires dont on sourit aujourd’hui, mais ces pauvres gens, qui avaient perdu leur enfant, pensaient que c’était la vérité. Vous savez, quand on reproche quelque chose aux étrangers, ça marche bien. Partout où ça va mal, on dit: «Ah oui, ce sont les étrangers qui manipulent», et en Lybie, parce que nous défendions ces personnes, nous étions les complices de sorciers et de sorcières et on nous jetait des cailloux.

Je ne vois pas dans quel pays, je pourrais vous dire que nous avons été accueillis à bras ouverts (rires), alors que nous sommes là pour l’œuvre de la justice. Souvent, il y en a qui ne veulent pas de l’œuvre de la justice. Les obstacles viennent de l’hostilité d’une partie de l’appareil d’État et de la population. Amina Lawal, au Nigeria, c’est cette femme qui avait été condamnée à mort pour adultère. Elle était enceinte et allait être lapidée. Eh bien, elle avait été arrêtée par des milices islamistes et traduite devant un tribunal charia, où elle avait soi-disant passé des aveux. Le fait que nous venions la défendre ne plaisait pas aux extrémistes islamistes.

Mais ça, c’est le métier d’avocat. C’est la même chose dans une affaire de recouvrement de créances, le débiteur vous trouve détestable (rires). En France, cela a moins de conséquences qu’ailleurs. Ces choses arrivent où que nous soyons. Il y a aussi des obstacles linguistiques, mais ce n’est pas le plus compliqué car nous travaillons avec des avocats locaux. Il y a aussi des obstacles juridiques car nous devons faire l’effort d’assimiler le droit qui est nécessaire pour défendre la cause dans laquelle nous sommes impliqués, selon le pays.

Dans un rapport d’ASF, il est écrit «un avocat est souvent assimilé à sa cause». Les avocats internationaux se retrouvent souvent seuls alors même qu’ils se battent contre des États. Quelle est la motivation d’un avocat des droits de l’Homme?

Il est rare que les avocats défenseurs des droits de l’Homme soient riches, et aimés des pouvoirs coupables de génocide par exemple. C’est un sacerdoce, même en France. Nous ne voulons pas, à ASF, passer pour des gens exceptionnels, mais la vérité c’est que la défense des libertés et des droits de l’Homme, ça ne nourrit pas son homme, et c’est même dangereux. Du moins, ce que nous faisons à ASF, en France, ça ne l’est plus aujourd’hui ou alors marginalement.

En Chine, j’ai été impressionné. Les cabinets dans lesquels travaillent les défenseurs des droits de l’Homme sont la plupart du temps de beaux cabinets, où souvent leurs confrères traitent du droit des affaires, donc gagnent de l’argent et acceptent que l’un d’entre eux se consacre à autre chose. C’est toujours au détriment même de leurs intérêts économiques car si vous avez un associé qui s’occupe de ces choses-là, cela risque de rejaillir sur vous. Donc ceux qui se consacrent à la défense des droits de l’Homme, notamment dans les pays tenus par une dictature, ce sont de véritables héros, c’est vrai.

Je distingue le héros du martyr. Dans l’affaire d’Amina Lawal, cette femme, que nous avons défendue à Katsina au Nigéria, ne savait ni lire ni écrire. Elle a été prise dans une histoire où elle s’est retrouvée condamnée à mort avec un enfant en son sein, c’est pour cela que nous l’avons défendue. Elle, elle n’a pas eu le choix. Par contre, son avocate, Hauwa Ibrahim, a été elle aussi menacée de mort, parce qu’elle a accepté de défendre cette femme.

Cette avocate brillante avait son cabinet au Nigeria à Abuja. Le Nigeria est un pays riche, le plus peuplé d’Afrique. Une avocate aussi brillante pouvait très bien se consacrer uniquement au droit des affaires, et gagner très bien sa vie. Elle a fait le choix d’aller se battre pour ces femmes menacées, qui allaient mourir sous les pierres.

En Colombie, c’est la même chose. Les avocats défenseurs des droits de l’Homme risquent leur vie parce qu’ils ont fait ce choix. Ils auraient pu faire d’autres choix, s’occuper des affaires ou de l’immobilier, ils auraient été à l’abri du danger. C’est aussi pour cela qu’à ASF, nous avons des programmes destinés à soutenir les défenseurs des droits de l’Homme, avocats ou non, à défendre ces héros qui se battent pour que les droits imprescriptibles de l’homme soient respectés.

Ces droits sont simples: le droit à la vie, à l’intégrité du corps humain, à la liberté. Ce sont les droits fondamentaux. Pour nous, ils sont au fondement de toute société, c’est pour cela que nous en sommes les ardents défenseurs.

Au sujet des avocats chinois: Chen Guanchen, l’avocat aveugle, a fui la Chine pour avoir défendu les droits de l’Homme; Gao Zhisheng est emprisonné et torturé depuis 2006 pour avoir défendu les libertés religieuses. Pourquoi, à votre avis, est-il si difficile de faire respecter les droits de l’Homme en Chine?

C’est difficile parce que ces droits-là peuvent déranger certains intérêts politiques et économiques. Ceux qui proclament ces droits sont harcelés et systématiquement poursuivis. Nous connaissons la situation des avocats chinois. Nous avons des confrères chinois. Nous restons en contact avec eux et les appuyons comme nous pouvons. La Chine d’aujourd’hui est un grand pays, un pays fort qui défend ses frontières, politiques et géographiques.

  • NIGERIA, KATSINA: À la sortie du tribunal, la conseillère d’Amina Lawal, Aliyu Musa Yawuri (à gauche) discute avec Francois Cantier, président d’honneur d’ASF, et Catherine-Danielle Mabille, vice-présidente de l’association. Le tribunal a acquitté la jeune mère de l’accusation d’adultère. Cette décision a fait grand bruit sur le continent africain. Le journal sud africain The Sowetan a estimé que u00able verdict, à n’en pas douter, est une victoire pour les droits de l’homme et l’égalité des sexes sur le continent africain». (Utomi Ekpei/AFP)

J’ai été en Chine il y a cinq ans pour soutenir Hu Jia, après sa condamnation en première instance, pour voir comment il pouvait faire appel. J’y suis allé avant les JO, alors que la question tibétaine était présente. Beaucoup de citoyens du monde occidental étaient émus alors de la situation au Tibet, à juste titre. Ils ne comprenaient pas pourquoi le gouvernement chinois ne cédait pas aux injonctions de la communauté internationale, ainsi de suite. 

Quand on arrive en Chine, que l’on se retrouve Place Tian An men, à côté de la Cité Interdite à Pékin, on réalise ce qu’est la Chine. C’est un ancien pays, qui a su se construire par sa culture, par différents empereurs et il y a eu une période creuse, puis le régime communiste. Celui-ci a une armature politique, policière, économique qui le rend imperméable, et cela, c’est parce qu’il le veut. Pour l’instant, ces défenseurs des droits de l’Homme contrarient les objectifs politiques et économiques des dirigeants et des responsables chinois.

Il y a dans la société civile, et chez les avocats, une très forte résistance. C’est même l’un des axes les plus clairs du clivage politique, que celui des droits de l’Homme. Pour les personnes comme nous, c’est éclairant et encourageant, ces hommes et ces femmes ne cherchent pas à imposer une autre vision politique de la société, quoique l’aspect des droits fondamentaux soit aussi une question politique. Cependant, ceux qui les défendent ne convoitent pas l’exercice du pouvoir.

Alors que j’étais là-bas, j’ai appris l’existence de ces dizaines de milliers de personnes qui avaient été chassées de Pékin pour cause de rénovation avant les JO et qui se retrouvaient dans des abris de fortune. Tout cela, ce sont des droits qui ont été malmenés et bafoués. Il y a des avocats qui défendent ces droits et se battent pour qu´ils soient respectés : le droit au travail, le droit à la vie privée, le droit à un toit. La population chinoise, je pense, prend conscience de ce que sont ces droits, elle en prend conscience, dans la douleur. Cependant je suis persuadé que les droits de l’Homme en Chine ont un immense avenir, et que ce sera une ligne de partage dans les choix politiques des vingt années à venir.

David Kilgour, ancien secrétaire d’État canadien aux affaires étrangères pour l’Asie pacifique et David Matas, avocat international des droits de l’homme, ont écrit un livre intitulé Organes de l’État sorti en France en juillet 2012. Ce livre raconte comment le régime du parti communiste chinois prélève à vif des organes sur des prisonniers de conscience chinois, dont une majorité sont des pratiquants de Falun Gong qui meurent dans le processus. Quels sont les moyens venant du droit international pour porter en justice cette persécution qualifiée de «génocide» par plusieurs observateurs et personnalités politiques de premier plan?

La justice internationale existe aujourd’hui à travers la Cour pénale internationale. Cette justice n’est ouverte qu’aux citoyens des États qui ont ratifié le traité de Rome en 1998. La Chine n’a pas ratifié ce traité. Donc les Chinois sont à l’abri de poursuites pénales internationales. La seule circonstance qui permet à la Cour pénale internationale d’intervenir en l’absence de ratification, c’est une saisie par le Conseil de Sécurité. Or, la Chine est membre permanent du Conseil de Sécurité. Elle dispose d’un droit de véto. Actuellement, il n’y a donc aucune possibilité juridique de saisir la Cour pénale internationale.

Je suis au courant de ce qui se passe à propos de ce groupe, qui rassemble des gens qui partagent une même philosophie et qui n’est pas une organisation à vocation politique. Mais, de par son influence en Chine, celle-ci constitue, d’après les dirigeants du parti communiste chinois, un danger pour leur pouvoir. Donc malheureusement, la réponse est, qu’à ce jour, il n’y a aucune chance pour que les crimes dont ils sont victimes tiennent de la compétence de la justice pénale internationale. D’autant que le rôle et l’importance de la Chine dans le concert international ne fait que croître.

Le seul espoir réside dans la prise de conscience par les dirigeants du parti communiste chinois de l’erreur qu’ils commettent en poursuivant ces gens et en commentant ces violations des droits de l’Homme. Il est aussi indispensable qu’une pression internationale des ONG et des États se manifeste sans relâche. Une mobilisation et l’utilisation systématique des outils juridiques internationaux protecteurs des droits de l’Homme peuvent contribuer à faire évoluer les comportements.

(1) L’élimination de Rithy Panh, aux éditions Grasset

Epoch Times est publié en 21 langues et dans 35 pays.

 

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.