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Fusillades scolaires

Actions salutaires avant ou après le désastre

Origine du problème: crise de masculinité et pornographie

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
02.09.2013
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  • Le sociologue et professeur retraité Richard Poulin voit que dans le collimateur des fusillades scolaires se trouvent systématiquement des problèmes avec la masculinité et la pornographie. (Gracieuseté Richard Poulin)

Le 13 septembre 2013 marquera le 7e anniversaire de la fusillade au collège Dawson. Même si plusieurs spécialistes ont tenté de réduire, voire de faire disparaître ce phénomène à travers le monde, certains constatent qu’il s’intensifie. Y aurait-il des morceaux manquants du casse-tête qui permettraient d’agir de manière préventive et nettement plus efficace? Pour mieux guérir d’une telle tragédie, ceux qui y ont survécu peuvent-ils avoir un impact régénérateur sur la société et sur l’avenir?

Le problème des meurtres de masse, notamment ceux des fusillades dans les institutions scolaires, c’est qu’il comporte bien des facettes. Difficile de naviguer entre les thèses simplistes et les quelques explications scientifiques disponibles. En fin de compte, ces fusillades continuent de faire rage sans diminuer en nombre. Pour Richard Poulin, sociologue, professeur retraité à l’Université d’Ottawa et associé à l’Institut d’études et de recherches féministes de l’UQAM, cela est normal tant qu’on ne regardera pas dans deux directions capitales, évidentes à ses yeux  : la masculinité et la pornographie.

«Un meurtre de masse se définit par une tuerie où trois personnes et plus meurent, selon la science sociale. Bien qu’on entende les termes “meurtres familiaux” ou “meurtres passionnels”, ce sont en fin de compte des meurtres masculins», pointe l’auteur de plusieurs ouvrages qui traitent des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle.

«La folie a bon dos. Les médias ramènent rapidement cette thèse. C’est souvent ce qu’on finit par récolter comme il n’y a pas d’autres explications rationnelles, comme on n’examine pas la victime, ni le tueur, ni les attributs masculins d’un côté ou les attributs féminins de l’autre», se désole Richard Poulin.

«Les meurtres dans les systèmes scolaires sont encore des meurtres masculins. Les médias ne parlent jamais de cela. Pourtant, c’est fondamental. Dans les meurtres à l’école secondaire et primaire, la virilité des jeunes a été remise en question à l’école comme dans le cas de la tuerie de Columbine [1999]. On les traitait [les tueurs] d’homosexuels, qu’ils n’étaient pas sportifs, etc. Ils n’avaient pas une bonne relation avec leurs collègues. En prenant les armes, ils montraient qu’ils étaient virils», détaille M.  Poulin.

«En Allemagne [fusillade de Winnenden, 1999], un garçon avait tué plusieurs autres jeunes, mais la cible du jeune homme était des filles. Ça aussi on oublie de mettre ça en évidence. Comme on ne traite pas des meurtres comme étant des meurtres masculins, on s’occupe peu de leurs cibles qui sont souvent des filles. Bien sûr, quand vous tirez dans un tas de filles, vous pouvez tuer aussi un garçon en même temps. Pourquoi? Les filles le trouvaient inintéressant. C’est un meurtre de vengeance, où sa virilité a aussi été mise en doute par son non-succès avec les filles», analyse le professeur retraité.

«La dynamique est différente dans les meurtres de masse lorsqu’on arrive à l’université. Le meurtre de Marc Lépine [tuerie de l'École Polytechnique de Montréal, 1989] était un meurtre politique, venant d’une frustration personnelle comme il n’avait pas été accepté aux HEC de Montréal, il a décidé que s’il n’avait pas été accepté, c’est que les femmes l’avaient été. Il a décidé qu’il fallait éliminer les femmes et le féminisme. Sa virilité a aussi été mise en cause d’une certaine façon», en conclut Richard Poulin.

«Les femmes qui tuent, c’est très rare. Quand ça se passe, la femme tue les enfants, mais pas le mari. C’est la différence. En général, la grande dynamique c’est qu’elle croit qu’elle n’arrivera plus à nourrir ni à vêtir ses enfants, que l’avenir est bouché. C’est comme pour les sauver d’un avenir impossible. Il s’agit d’un infime pourcentage par rapport aux hommes», juge M.  Poulin.

Accélération

«Il y a eu une accélération des meurtres de masse depuis les années 1990. La corrélation est très simple à faire. Le moment où il y a eu le moins de meurtres de masse dans l’histoire de l’Amérique du Nord, c’est dans les années 1960 et 1970. Pourquoi? Puisque c’était des années de changement social, où les gens se mobilisaient pour une meilleure société. Les années 1980-1990 ont été des années caractérisées par le retour sur soi, le repli sur soi, le triomphe des politiques néolibérales, la fin des perspectives des changements sociaux collectifs. Dans les années 2010, on commence à être compensé par les mobilisations de  la jeunesse altermondialistes, étudiantes, etc. On recommence à avoir des mobilisations qui remettent en cause l’ordre social. Le nombre de meurtres de masse a augmenté dans les années 1980. Le sommet a été entre 1990 et 2000», explicite le sociologue Richard Poulin.

«On voit ces effets de la masculinité dans les figurines de Batman avec leurs attributs virils amplifiés et l’hypersexualisation chez les héroïnes de Disney. Entre il y a 30 ans et aujourd’hui, la différence est énorme. Une femme sur trois, âgée de plus de 16 ans sera violée ou a été violée au Québec. L’axe d’intervention doit être là. Si on veut un tant soit peu essayer de régler ce problème, il faut revenir sur la question de la masculinité», insiste Richard Poulin.

Pornographie

«En ce qui a trait au meurtre de masse en Allemagne [Winnenden], les médias ont dit que le jeune jouait à des jeux vidéo violents. Une portion importante des jeux vidéo demande au joueur d’utiliser la violence pour progresser sur son parcours. Toutefois, on ne sait jamais s’ils sont des consommateurs de pornographie, parce qu’il y a aussi là une vision de la virilité pour les jeunes et les moins jeunes. On oublie de vérifier cela. Pour les meurtres en série, la pornographie n’est pas tenue en compte. On suppose que tous les hommes consomment de la pornographie. Le facteur qu’on a mis en évidence, c’était la mère. Tous les hommes ont une mère. S’ils tuent des femmes, c’est à cause de leur mère. C’est toujours la faute des femmes dans notre société», explique Richard Poulin.

«Il y a un phénomène similaire entre les meurtres en série et les meurtres de masse  : la chosification, c’est-à-dire de faire de l’autre une chose. Il faut le déshumaniser, pour le tuer. C’est quelque chose qui se passe autant dans les jeux vidéo que dans la pornographie. Dans les jeux vidéo, contrairement à la pornographie, généralement les bons sont censés gagner. Tandis que dans la pornographie, il n’y a ni bon ni méchant, c’est normal de se servir de l’autre comme un objet. La pornographie est de plus en plus violente et dégradante. Si on ne faisait pas qu’analyser les jeux vidéo, mais aussi la pornographie, on aurait une meilleure compréhension de la dynamique de la masculinisation dans les meurtres», pense le professeur retraité.

«Notre société a gagné sur certains aspects égalitaires, mais nous avons aussi régressé sur d’autres plans, entre autres, à cause de la pornographie. Une étude française démontrait que le tiers des jeunes femmes qui vont consulter en gynécologie, c’est pour des douleurs lors des rapports sexuels. C’est comme si l’on avait fait un bond en arrière d’il y a quarante ans. J’associe ça à la pornographie. Dans ce domaine, la femme est toujours prête. Il y a eu un sondage aux États-Unis qui décrivait que les jeunes consommaient de la pornographie pour savoir ce que les filles désiraient lors d’un rapport sexuel, c’est pour vous dire…», relate M.  Poulin.

«Les normes dominantes sont les normes universelles, elles ne sont jamais questionnées. Prenons la prostitution, vous allez trouver des centaines de livres sur les prostituées, il y a très peu de livres sur les clients de la prostitution», a-t-il noté.

En plus de la masculinité et la pornographie, M.  Poulin voit des problématiques sérieuses sur le plan de la compétition, du système scolaire en soi et de la séparation des sexes. En revanche, il ne croit pas que le mal de vivre puisse avoir quelque chose à jouer dans ces cas malheureux.

«Beaucoup de gens ont le mal de vivre, ce ne sont pas tous ces gens qui vont aller tirer sur d’autres. On a eu le mal de vivre à plusieurs époques. La société change et ne change pas nécessairement en mieux. Les gens peuvent aussi être affectés par des changements sociaux économiques. Par exemple, le métier de typographe est disparu. Évidemment, les typographes avaient un mal de vivre insupportable, mais ils n’ont pas pris les fusils pour tirer», note-t-il.

«Près de chez moi, il y a des équipes de soccer et les enfants de quatre et cinq ans jouent ensemble. Mais dès l’âge de six ans, on commence à les séparer. Il n’y a pas de différence à cet âge pour ce sport, mais on va la créer. Très peu de filles finissent par jouer au soccer, même s’il y a des lignes féminines. On oriente les filles vers d’autres activités. Dans notre société, tout est pensé en termes de compétition. On est en concurrence les uns avec les autres, on ne pense plus en termes ludiques. Il y a plusieurs sortes de jeu de soccer qui existaient chez les Amérindiens de l’ouest des États-Unis. Les Blancs n’y comprenaient rien comme il n’a pas de but, pas de gagnant et pas de perdant, que pour le plaisir de jouer point», amène le sociologue.

«À notre époque, les lieux de travail connaissent un changement rapide d’organisation. Il peut y avoir des objectifs de travail et de compétition quasi inatteignable, un stress au travail, du stress par les cadres, les patrons... Certains en ont marre, certains hommes passent à l’action. Dans le cas des femmes, elles choisissent le suicide. L’homme va prendre un fusil, va se suicider sur le milieu de travail et va possiblement tirer sur ses collègues, pas nécessairement sur ceux qui semblent responsables de son malaise. Il prend des cibles faciles. Les patrons sont souvent inatteignables», tire au clair Richard Poulin.

 

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.