Entrevue avec un survivant de la fusillade de Dawson College

Redonner aux vivants

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
03.09.2013
  • Le jeune motivateur et musicien Hayder Kadhim ayant survécu à la fusillade survenue à Dawson College en 2006.(Nathalie Dieul/Époque Times)

Au cours de l’entrevue avec Époque Times, Hayder Kadhim a manifesté son appréciation de ne pas se faire poser des questions du type «Qu’est-ce qui t’est arrivé?», «As-tu vu le tueur?», des questions plus «sensationnalistes» auxquelles il a répondu en quantité considérable dans plusieurs médias. «Je préfère parler de comment j’ai relevé le défi. “Ne venez pas me parler du tueur que je n’ai jamais connu”. Cette liberté que prennent les médias dans cette optique est inquiétante», témoigne un des 19 survivants de la tuerie de Dawson qui a eu lieu en septembre 2006. Plutôt que de parler de la balle logée dans sa tête et de celle logée dans son cou, il souhaite exprimer ce qui qu’il a à offrir au monde.

À la suite du carnage, Hayder a dû demeurer cinq jours à l’hôpital. L’amour et le soutien qu’il a pu recevoir à ce moment en gênaient certains. «La sécurité disait qu’elle avait hâte que je puisse marcher pour que j’aille voir tous les gens qui m’attendaient dans le couloir près de ma chambre. Ça simplifierait leur travail», raconte le jeune homme aux origines arabes.

«Depuis cet événement, le collège a toujours bien géré l’affaire en ce qui concerne les survivants. J’y retourne très souvent, j’ai de bonnes relations avec les gens d’ici. On est chanceux à Montréal d’avoir toute cette compassion, considération et empathie», s’est rendu compte Hayder.

Registre des armes

Dès 2006, Hayder Kadhim a été très impliqué pour faire en sorte de sauver le registre des armes à feu auprès du gouvernement Harper. Après désillusion, il a été «forcé» d’abandonner le dossier. «Honnêtement, du fond de mon cœur, je n’ai plus d’espoir en ce gouvernement. On a essayé de faire tellement de choses depuis qu’il est au pouvoir. C’est vraiment décevant. Dans le domaine de la politique, c’est un changement de gouvernement que ça prend», croit résolument le jeune rappeur surnommé «Jiggy». Sa musique est devenue une des façons de s’exprimer et de s’adresser à un public. Le dossier a évolué en juin dernier. La Cour d’appel du Québec suit la ligne tracée par Harper. Québec s’adressera à la Cour suprême, comme dernier espoir, pour obtenir les données du registre des armes à feu de la province. La requête préviendra la destruction des fichiers jusqu’à ce que la Cour suprême rende son verdict final. Autrement dit, Ottawa a le pouvoir absolu, tandis que les provinces doivent suivre le pas.

Donner aux jeunes

Le projet Jeunes aux Jeunes, appelé en anglais Youth4Youth, est une des sources d’espoir qu’il cultive. «C’est un projet qui a commencé par des conférences que j’ai données avec comme thématique les armes à feu. Après, il y a des écoles qui m’ont invité. Je voulais faire des sujets qui sont plus relatifs aux jeunes. Le premier atelier traitait de la violence des gangs de rue. Comme j’ai grandi dans un quartier plus difficile, Notre-Dame-de-Grâce, j’ai été exposé à plusieurs types de violence, dont celle des gangs de rue. D’autres sujets d’ateliers sont en train d’être élaborés. C’est un organisme que j’ai mis sur pied, et huit personnes en font partie. Le tout est basé sur la paix et l’harmonie. Je souhaite amener les jeunes à être responsables, autonomes, à partager leurs talents et expériences entre eux», appuie Hayder Kadhim.

Ayant passé par différents combats dans sa vie, Hayder Kadhim ne donne pas l’image d’une victime. «Je ne peux pas dire que je suis toujours positif, mais j’essaie de l’être. Je pense que tant que les efforts sont là, c’est possible de trouver une bonne énergie. C’est le message que j’aime transmettre aux gens, aux jeunes. C’est important de donner une attention particulière aux jeunes», est convaincu Hayder.

Manques

Pour le survivant devenu motivateur, les médias jouent un trop grand rôle lors de ce genre d’évènement, ce qui le dérange. «Le fait qu’on donne tant d’attention aux criminels et aux tueurs, alors qu’ils la recherchent, je trouve ça dommage. On devrait plutôt concentrer ce temps aux victimes et aux survivants», croit-il. Bien qu’on ait parlé amplement d’intimidation dans les dernières années, Hayder trouve que ce n’est toujours pas assez. «Ça joue un grand rôle à créer des personnalités comme les tueurs tel celui de Dawson», dit-il.

Les plans que certaines écoles et institutions scolaires ont adoptés pour préparer les jeunes si un tireur est dans leurs murs fait sourire, presque rire, Hayder. «Je peux comprendre qu’on veuille augmenter la sécurité dans ce genre de situation, ça a été le cas après l’incident à Dawson. Il faut cependant faire attention pour que ça ne tourne pas en régime militaire. On va à l’école et où on se sent en zone de guerre, mauvaise idée! Je trouve que ce n’est pas la meilleure et la seule solution à avoir. Si on décide de prendre cette voie, il faut en prendre plusieurs autres pour que ce soit cohérent», pense-t-il.

Sentence

Hayder Kadhim est partagé lorsqu’il pense à la sentence qu’un tueur de masse pourrait recevoir s’il avait le pouvoir de prendre la décision. «D’un côté, c’est une très mauvaise action et il n’y a aucune excuse. On sent d’abord de l’intolérance, du ressentiment par rapport à lui. En même temps, je ne trouve pas que c’est seulement le fruit de ses actes, il a été généré par notre société violente. Je n’irais pas jusqu’à la peine de mort, mais une punition sévère devrait être appliquée», exprime-t-il.