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Le boom du gaz de schiste aura-t-il lieu?

Le boom de l’énergie au schiste aux États-Unis risque de ne pas être durable et difficile à reproduire ailleurs

Écrit par Deepak Gopinath
25.09.2013
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  • Un ouvrier sur un forage de puits de pétrole dans la formation de schiste de Bakken le 28 juillet 2013, près de Watford City, au Dakota du Nord. (Andrew Burton/Getty Images)

À en juger par les titres des journaux, une solution miracle contre les combustibles fossiles polluants est à portée de main. Les États-Unis sont sur la voie de l’autosuffisance énergétique grâce à l’énergie au schiste, et d’autres pays pourraient suivre cet exemple. Mais la réalité est peut-être moins spectaculaire. L’huile (encore appelée pétrole de schiste) et le gaz de schiste ne peuvent pas être la solution sur le long terme. Bien que les nouvelles technologies aient transformé le profil énergétique des États-Unis, la croissance de la production ralentit. Les États-Unis tentent de reproduire leur expérience à l’étranger.

Le récit de la révolution de l’huile et du gaz de schiste est convaincant. Il promet beaucoup: une énergie abondante, bon marché, non seulement pour les États-Unis mais aussi pour le reste du monde, grâce à la présence de riches gisements de schiste en Russie, en Chine et ailleurs. Et, comme le président Barack Obama l’a souligné dans son plan d’action pour le climat, le schiste pourrait aider à lutter contre le réchauffement climatique si ce gaz naturel à combustion plus propre remplaçait le charbon et le pétrole.

La vitesse et l’étendue de la renaissance de l’énergie au schiste aux États-Unis ont été tout simplement remarquables. Le forage horizontal et la fracturation hydraulique ont ouvert des gisements d’huile et de gaz jusqu’alors inaccessibles, enfermés dans des formations de roches de schiste imperméables. Ils ont rapidement stimulé la production d’énergie, notamment celle du gaz.

Après qu’ils ont importé du gaz naturel pendant des années, les États-Unis souffrent actuellement d’une surabondance qui fait baisser les prix. Les foreurs ont privilégié l’huile de schiste, plus rentable, dont la production a augmenté de près d’un tiers depuis 2008. Elle a représenté 29% de la production totale de pétrole aux États-Unis en 2012 – faisant miroiter la perspective alléchante de l’indépendance énergétique.

Des attentes élevées et des coûts croissants

Le schiste pourrait ne pas être encore à la hauteur de ses promesses. Par rapport au pétrole conventionnel et au gaz, la géologie et l’économie de la production d’énergie de schiste ont rendu l’expérience américaine à la fois non durable et difficile à reproduire. La croissance de la production de l’huile et du gaz de schiste américain a commencé à ralentir du fait des coûts en forte hausse et des réservoirs qui s’appauvrissent rapidement.

Pendant ce temps, les tentatives pour produire de l’énergie de schiste à l’échelle commerciale dans des pays tels que la Chine font face à des problèmes technologiques, réglementaires, politiques et économiques. La Chine se vante d’avoir la plus grande réserve de gaz de schiste au monde et d’être le troisième pays à avoir des gisements de pétrole de schiste exploitables derrière la Russie et les États-Unis.

Le coût des travaux de forage aux États-Unis a grimpé en flèche au cours de la dernière décennie, en raison, entre autres, de la hausse des frais liés au forage horizontal et à la fracturation. La fracturation implique de combiner le pompage d’eau, de sable et de produits chimiques à haute pression dans le schiste pour créer des fissures, le long desquelles le gaz ou les liquides peuvent atteindre un puits. L’approvisionnement et le transport de l’eau au puits et l’élimination des eaux usées représentent de lourds investissements.

Le coût de forage d’un puits de pétrole brut a quadruplé, passant de 750.000 euros en 2003 à plus de 3 millions d’euros en 2007, selon l’administration de l’information sur l’énergie américaine. Des puits forés récemment dans la formation Bakken dans le Dakota du Nord, le plus grand gisement d’huile de schiste américain, ont coûté entre 6 et 8 millions d’euros. Une augmentation similaire des coûts est aussi valable pour les puits de gaz naturel.

Baisse de la production

En plus de la flambée des coûts, les entreprises énergétiques doivent composer avec un taux de déclin propre aux gisements de schiste. Le pétrole et le gaz emprisonnés dans des formations rocheuses de schiste, relativement imperméables et moins poreuses, ne coulent pas spontanément vers le puits. Par conséquent, la production des puits de schiste a tendance à baisser très fortement après quelques mois de rendement élevé.

Le taux du déclin de la formation Bakken s’est élevé à plus de 50% lors de la première année de production. Kodiak Oil & Gas estime que son puits de pétrole de schiste Bakken connaîtra des baisses de 75 à 85% au cours des cinq premières années de production. Cela se compare à des taux de déclin annuel de 5 à 8% dans les gisements de pétrole classiques.

Ces taux de forte baisse exigent toujours de plus grands investissements dans de nouveaux puits pour maintenir les niveaux de production. Leonardo Maugeri, chercheur au centre Belfer de l’université de Harvard pour la science et les affaires internationales, estime qu’il a fallu 90 nouveaux puits par mois pour maintenir la production de pétrole de schiste de la formation Bakken à son niveau de 770.000 barils/jour en décembre 2012. À 8 millions d’euros par puits, cela donne un investissement de 720 millions d’euros par mois, soit 8,6 milliards d’euros par an.

L’institut Post-Carbon estime que pour maintenir la production pétrolière de schiste de tout le pays, il faudrait plus de 6.000 nouveaux puits par année, qui coûteraient 26 milliards d’euros par an. En mai, la croissance de la production annuelle à Bakken a été d’environ 30%, comparativement à plus de 90% en 2012. Le ralentissement de la croissance de la production de pétrole de schiste va se poursuivre tant que les entreprises d’exploration et de production ne parviendront pas à trouver de nouveaux gisements de schiste économiquement exploitables.

Un potentiel probablement exagéré

Le boom du schiste américain pourrait être de plus courte durée que prévu et le potentiel global de schiste peut également être surestimé. Dans un rapport sur l’exploitation de schiste dans le monde publié en juin, l’administration de l’information sur l’énergie américaine a estimé que les réserves mondiales techniquement exploitables de gaz de schiste s’élevaient à 2.200 billions de mètres cubes de gaz de schiste, soit l’équivalent de près d’un tiers des ressources mondiales de gaz. Les réserves mondiales de pétrole de schiste pourraient s’élever à 345 milliards de barils, ce qui équivaut à 10% des réserves mondiales de pétrole.

Mais l’exploitation de ces gisements se révèle difficile. Les États-Unis possèdent l’expertise et la capacité de forage, les entreprises énergétiques indépendantes et compétentes, la technologie, l’accès au financement, et le cadre réglementaire et juridique, tout ceci manquant dans le reste du monde.

La Chine, par exemple, qui voudrait substituer d’urgence le gaz au charbon, a peu de chances d’atteindre son objectif de 2015 pour la production de gaz de schiste commercial. Cela, en raison de la géologie complexe qui fait que le gaz est relativement coûteux à exploiter, du manque d’expertise technique, de la pénurie de financement, de la domination du secteur par des entreprises d’État, et de la complexité de la réglementation.

La Pologne, autrefois considérée comme le pays européen possédant les plus grandes réserves de gaz de schiste, a vu des entreprises d’exploitation énergétiques se retirer suite à des difficultés géologiques, une réglementation peu claire et l’opposition des écologistes. D’autres pays seront confrontés à des problèmes similaires.

Quand la poussière sera retombée, le boom du schiste aura peut-être prouvé qu’il n’aura été qu’une aubaine pour les banquiers et les sociétés d’énergie, si ce n’est brûler des combustibles fossiles, tout en constituant pour les politiciens, une excuse retardant davantage une action concrète sur le changement climatique.

Deepak Gopinath est  économiste indépendant. Il vit à New Delhi. © 2013 The Whitney et Betty MacMillan Center for International and Area Studies at Yale.

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