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Football et corruption: qui pour briser la loi du silence?

Écrit par Hervé Sénécal
15.10.2014
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  • Sepp Blatter, président de la FIFA est souvent comparé à Don Corleone. (Sebastien Bozon/AFP/Getty Images)

Début octobre, l’arbitre assistant international algérien Mounir Bitam a été interdit d’exercer toute activité en lien avec le football en Algérie. Raison de cette sanction? Avoir dénoncé la corruption qui règnerait au sein de la Fédération algérienne de football (FAF). Loin d’être un cas isolé, ce récent épisode traduit le malaise qui touche le milieu du football international. Sport plébiscité dans le monde entier, aux retombées économiques et médiatiques massives, le football est régulièrement épinglé pour des histoires de corruption. Seulement, la loi du silence est souvent plus forte que la vérité et rares sont les voix qui ont le courage de se faire entendre.

 

Un phénomène qui s’amplifie

Pour quiconque apprécie le football, une rencontre entre deux équipes peut parfois toucher au magique, avec des joueurs se déplaçant sur le terrain comme dans un ballet au rythme de figures étourdissantes, dans une atmosphère emprunte de suspens et de passion. Cependant, pour certains journalistes qui essaieraient de voir un peu plus loin que cette «beauté du sport» si chère à nos cœurs, la magie du football serait bien souvent mise en scène, fabriquée à coups de manipulations et d’arrangements venant dénaturer ce sport de sa capacité divertissante. À l’image d’une partie de catch chorégraphiée, le hasard footballistique ne serait alors que pure utopie.

 

On ne compte plus les histoires de corruption qui égratignent chaque jour davantage le monde du football international. L’année dernière, ce qui était annoncé comme «la plus grande enquête de tous les temps» est parvenu à démanteler un réseau criminel soupçonné alors d’avoir truqué pas moins de 380 matches de football. Menée par Europol, cette investigation aurait permis d’identifier plus de 425 arbitres, dirigeants de clubs et joueurs qui seraient impliqués dans des affaires de matches truqués dans des championnats majoritairement turcs, suisses et allemands. La Ligue des champions et la Coupe du Monde seraient également touchées par cette enquête.

 

En ce qui concerne la Coupe du Monde, la FIFA qui se réclame pourtant «exemplaire» selon son président Sepp Blatter, ne serait pas en reste niveau combines et tirages de ficelles. La Fédération internationale de football est actuellement au cœur d’une polémique qui voudrait que le Qatar ait bénéficié de ses faveurs pour se voir attribuer l’organisation de la Coupe du Monde de 2022, moyennant 5 millions de dollars selon le Sunday Times. D’aucuns se sont en effet étonnés de ce choix et Sepp Blatter de qualifier en mai dernier cette décision d’ «erreur» avant de préciser: «C’était la volonté politique, aussi bien en France, qu’en Allemagne. (...) De grandes entreprises françaises et allemandes interviennent au Qatar, vous savez». Pression, combines et influence politique, dans le milieu du football le mélange semble savamment dosé pour faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre en fonction des intérêts de chacun.

 

Et comme si Blatter n’en avait pas assez, celui qui brigue un nouveau mandat à la tête de la Fédération en 2015, doit une nouvelle fois faire face à des accusations de corruption pour des faits qui auraient eu lieu en 2010. La FIFA aurait alors acheté le silence de la Fédération irlandaise de Football après le match de barrage contre la France en 2009 durant lequel Thierry Henry exécuta sa désormais célèbre faute de la main. Un silence à 5 millions d’euros d’après le quotidien The Irish Sun. Si l’argent n’a pas d’odeur, il est aussi sourd et aveugle.

 

Silence on truque

La corruption dans le football est donc une discipline à part entière qui se joue en parallèle de rencontres arrangées au profit de pouvoirs haut placés qui dictent les règles du jeu. Rarement inquiétés, ces magouilleurs de luxe ont réussi à imposer un silence autour de leurs manigances qui leur permet d’agir en toute impunité ou presque. «Le monde du sport évolue de façon dangereuse: les droits TV explosent, les clubs sont endettés. Le sport est fou, il déraille. Et ce sont la loi du silence et l’omerta qui règnent dans le milieu du football, qui n’accepte ni les dénonciations ni les révélations», déclarait en début d’année Me Luc Misson, l’avocat de Dan Mitu, ancien joueur roumain de Lierse qui comparaissait devant le tribunal correctionnel de Bruxelles pour les affaires de fraudes qui ont ponctué le football belge de 2004 à 2006.

 

Quand certains journalistes ou même la police, à l’image d’Europol, tentent de faire la lumière sur des événements porteurs de doutes quant à l’honnêteté dans laquelle ils se déroulent, ils se retrouvent la plupart du temps confrontés à la barrière du silence, dressée tel un mur insurmontable qui les séparerait de la vérité. Des pratiques indicibles sous peine de représailles qui dans certains pays découragent quiconque voudrait passer à table et vendre le pourquoi du comment, du qui ordonne quoi. Beaucoup trop d’argent en jeu pour ces gangsters des vestiaires pour laisser quelqu’un s’abandonner à quelques confidences. Pots de vin, menaces, le système est bien rodé pour au final ne pas se faire attraper.

 

La Grèce est en ce sens un bel exemple. Pays où la corruption est monnaie courante, ce genre de pratiques a une sale tendance à contaminer tous les secteurs, football compris. Le président du club de l’Olympiakos FC Evangelos Marinakis est depuis quelque temps fortement soupçonné de faire usage de son pouvoir et de ses relations pour décider du football grec et manipuler sélections, matches et résultats. Seulement, Marinakis a oublié d’être idiot et dépense autant d’énergie à faire la pluie et le beau temps sur son sport qu’à bâillonner la presse nationale, peu prompte à vouloir divulguer ses malversations au risque d’être punie. L’armateur grec est plutôt porté sur l’intimidation quand il s’agit de protéger son champ d’action et certains journalistes grecs un peu trop zélés ont eu l’occasion d’en faire les frais. Les médias ont du mal à faire leur travail et rendre compte d’une pelouse polluée par des directives de clubs motivés par l’argent. 

 

«J’ai fait ce que m’a demandé de faire le club». C’est par ces propos tenus devant la justice que Gabi Fernandez, l’actuel capitaine de l’Atlético Madrid, vient de révéler il y a quelques jours une nouvelle histoire de corruption qui toucherait le monde du football espagnol. Une déclaration symptomatique d’un milieu où la magie du sport est souvent synonyme de spectacles de marionnettes contrôlées par plus haut que soi, plus fort que soi. S’il est difficile de démasquer puis condamner ceux qui tiennent et manipulent les croix d’attelle, il ne faut pas oublier que les joueurs sont souvent les premières victimes de ces dérives. Fantoches de stade, ils sont les exécutants de ce qui se trame secrètement en coulisses. Et si aujourd’hui, il est encore périlleux pour beaucoup de s’aventurer à briser la loi du silence, espérons que le terrain soit à l’avenir nettoyé de sorte qu’il permette un jeu propre et dégagé de toute corruption.

Hervé Sénécal. Agent d'accueil/conseiller clientèle. Autodidacte en matière d'économie, je ne prétends pas détenir la vérité, mais souligne les incohérences d'un système qui marche parfois sur la tête.

 

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