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L’homme de main du premier ministre

Inquiétudes quant au rôle actuel du secrétaire parlementaire du gouvernement conservateur

Écrit par Matthew Little, Epoch Times
28.10.2014
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  • Le parlement d’Ottawa (Samira Bouaou/Époque Times)

OTTAWA – Il s’agit probablement du poste politique le plus détesté au Canada actuellement : secrétaire parlementaire du premier ministre.

Quelques hommes ont rempli ce poste sous Stephen Harper, chacun gagnant une certaine notoriété parmi leurs collègues et générant des critiques, parfois incrédules, concernant leur comportement lors de la période de questions.

Ils se font poser des questions difficiles au sujet des controverses qui mettent le gouvernement dans l’embarras, ou au sujet de dossiers pour lesquels il n’y a pas vraiment de bonnes réponses. Ils agissent comme substitut lorsque le premier ministre voyage, ou lorsque ce dernier ne veut pas répondre à une question qui a déjà été posée, ou lorsque la question vient d’un député de l’opposition assis trop loin à l’arrière de la Chambre.

Et lorsqu’ils se lèvent, toute réponse sera accompagnée d’une dose proportionnelle d’insultes. Parfois, comme la récente controverse impliquant l’actuel secrétaire parlementaire (SP) Paul Calandra, il n’y a que des insultes et aucune réponse.

C’est un spectacle récurrent qui a poussé l’Ottawa Citizen à décrire le poste comme celui d’un bouffon, ou d’un embrouilleur désigné», selon les mots d’Aaron Wherry de Maclean’s.

Dean Del Mastro est un ex-secrétaire parlementaire qui siège actuellement comme indépendant en attente d’une décision de la cour le 31 octobre qui jugera s’il a dépassé les limites de dépenses électorales en 2008.

«Ce fut un honneur de servir», commente-t-il le poste qu’il a occupé.

M. Del Mastro affirme qu’il répondait toujours aux questions, mais si la question avait déjà été posée plusieurs fois auparavant, il se sentait obligé d’imposer une certaine résistance.

C’est pour cette résistance que Del Mastro et ses collègues sont les plus connus.

La période de questions

M. Calandra a déclenché un débat au sujet de l’utilité de la période de questions en septembre dernier lorsqu’il a répondu à une question concernant l’implication du Canada en Irak en accusant le NPD de ne pas appuyer Israël. Il s’est, par la suite, senti obligé de présenter ses excuses, les larmes aux yeux.

Les partis d’opposition ont peu de respect pour le secrétaire parlementaire (SP) du premier ministre durant la période de questions. Même l’ex-conservateur Brent Rathgeber voit d’un mauvais œil ce qu’est devenue cette fonction.

«Le SP du premier ministre devient le chien d’attaque du gouvernement et l’homme de main en chef de la partisanerie qui tente de marquer des points politiques en s’engageant dans des empoignades partisanes au lieu de représenter, de manière respectueuse, la haute fonction du premier ministre.»

Selon lui, cela fait mal paraître le gouvernement, particulièrement dans des situations comme celles où M. Calandra a refusé de répondre aux questions des plus sérieuses, par exemple sur l’envoi en guerre de soldats canadiens.

Tandis que ce genre de comportement déplaît à certains députés et citoyens, M. Rathgeber estime que ce n’est pas dérangeant pour d’autres.

«Je crois que ça convient probablement très bien aux conservateurs purs et durs, mais pour le reste d’entre nous c’est très irrespectueux et très immature. C’est un manque de respect pour la Chambre des communes élue par la population, où la population mérite d’obtenir des réponses aux questions importantes.»

Tous les partis utilisent la Chambre et la période de questions pour une certaine dose de démagogie, estime M. Rathgeber. Les questions sont souvent chargées de préambules incendiaires et d’hyperboles qui frôlent la diffamation. C’est une dynamique qui transforme la Chambre des communes en théâtre de l’absurde plutôt qu’en lieu de débat réfléchi.

Un rôle changé

Le député libéral Rodger Cuzner a occupé le poste de SP du premier ministre durant la dernière année de mandat de Jean Chrétien.

La fonction était différente à l’époque, affirme-t-il, et certainement pas aussi importante que maintenant. L’année dernière, le magazine Maclean’s avait inclus l’ex-SP Pierre Poilievre au 28e rang de sa liste des gens les plus puissants au Canada.

«Ça a changé du tout au tout», estime M. Cuzner.

Les questions concernant les ministères, peu importe combien controversées, allaient aux ministres, alors que maintenant elles aboutissent souvent au SP.

«Nous n’étions jamais placés dans une telle situation. C’étaient toujours les ministres qui répondaient», explique M. Cuzner.

Effectivement, le SP s’occupe de la sale besogne en Chambre, devant répondre à certaines des questions les plus controversées – encore et encore – tout en essayant de punir le plus possible celui qui pose la question.

«Il est devenu l’ailier gauche de quatrième trio qui génère un peu de temps et d’espace pour le parti et le premier ministre. C’est très agressif», ajoute-t-il.

Un prix à payer

Il y a quand même un prix à payer, remarque M. Cuzner. Être le «chien d’attaque» du premier ministre amène sa dose de répercussions, dont certaines ont des effets politiques à long terme, estime M. Cuzner.

«Si c’est le jeu que vous jouez, ça reviendra assurément vous mordre par-derrière.»

«Si vous voulez vous faire une réputation ou gagner votre salaire en étant ultra-hyper partisan, j’ai vu cela détruire des carrières. J’ai vu des députés plongés dans l’embarras.»

Il affirme que ceux qui sont respectés réalisent que leurs homologues politiques sont des adversaires et non des ennemis.

«Vous pouvez vous en tirer à court terme […], mais il n’y a pas de longévité et pas d’héritage [politique], et je pense que les Canadiens constatent cela maintenant.»

M. Del Mastro dit ne jamais avoir été préoccupé par les conséquences à long terme et il balaie du revers de la main certaines des critiques plus sévères qu’on lui a adressées.

Problème plus large

M. Rathgeber affirme que la nature actuelle du secrétaire parlementaire reflète un problème plus large concernant la période de questions en général.

«Le but spécifique de la période de questions est de poser des questions au gouvernement concernant les politiques publiques et de rendre les ministres responsables de leurs ministères. Nous avons perdu ça de vue et c’est ce que nous devons retrouver.»

Malheureusement, les grands drames et les remarques acerbes sont presque aussi intéressants que les débats en Chambre, particulièrement pour les médias qui préparent leurs bulletins de nouvelles.

M. Rathgeber estime que cela ne touche pas assez d’électeurs pour que cela devienne un enjeu électoral.

«Ça passerait inaperçu aux côtés des factures moins élevées de téléphone cellulaire ou autres politiques axées vers les consommateurs que le gouvernement pourrait promettre», remarque-t-il.

«Malheureusement, cela est beaucoup plus propice à influencer les électeurs que les machinations internes d’un Parlement lointain.»

Version originale : The Enforcer: Problems With Canadian PM’s Stand-In

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