Une ONG russe réputée est menacée par les autorités

Écrit par Lidia Louk. Epoch Times
10.11.2014
  • Des membres de l'ONG russe Mémorial reçoivent le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit au Parlement européen, à Strasbourg, en 2009. De gauche à droite : Oleg Orlov, Lyudmila Alexeyeva et Sergeï Kovalev. (Johanna Leguerre/AFP/Getty Images)

BRUXELLES – Une des organisations de défense des droits de la personne les plus respectées en Russie, Mémorial, est menacée par les autorités. L'organisation avait été fondée en 1987 par Andreï Sakharov, lauréat du prix Nobel de la paix.

Le ministère de la Justice a déposé, le 24 septembre dernier, des accusations, non spécifiées publiquement, auprès d'un tribunal constitutionnel afin de liquider Mémorial.

Le ministère des Affaires étrangères a indiqué aux journalistes étrangers que Mémorial était coupable «de nombreuses violations de la Constitution et des lois russes concernant les activités des organisations non gouvernementales», selon l'agence de presse russe RIA Novosti.

L'audience de Mémorial devant la Cour suprême est prévue pour le 13 novembre.

Willy Fautré, directeur de l'ONG Droits de l’homme sans frontières basée à Bruxelles, estime que les accusations ne sont qu'un stratagème des autorités russes pour se débarrasser d'un adversaire respecté qui parle haut et fort.

«Nous savons ce qui se passe. Au début de l'année, par exemple, Mémorial a publié la liste de plus de 40 prisonniers politiques et, bien entendu, cela perturbe les politiques et les campagnes médiatiques que [le président russe] Vladimir Poutine veut développer pour faire bien paraître son gouvernement et son régime», ajoute-t-il.

Loi sur les agents étrangers

Mémorial est une des nombreuses organisations de défense des droits de la personne qui sont ciblées par les autorités russes depuis l'adoption de la loi sur les «agents étrangers» en juillet 2012.

Selon cette loi, toutes les ONG qui reçoivent des subventions de l'étranger et qui conduisent des «activités politiques» doivent s'enregistrer en tant qu'«agents étrangers» et non en tant qu'organisations de la société civile. Mémorial a contesté cette désignation, indiquant qu'elle porte la connotation d'un espion étranger de l'ère soviétique et que cela nuit à leur travail dans la société.

Sergeï Kovalev, un des dirigeants de Mémorial qui a servi comme conseiller en matière des droits de la personne auprès de l'ex-président russe Boris Yeltsin, affirme que l'organisation ne fait rien de politique.

«Exprimer mon opinion ne constitue pas une activité politique. C'est mon droit et c'est aussi mon obligation civile. En tant que citoyen, je suis la source du pouvoir dans ce pays, c'est inscrit dans la Constitution. Nous pouvons exprimer nos opinions au sujet du président et nous ne sommes pas obligés de l'appuyer», estime-t-il.

Il explique également que plusieurs ONG russes sont financées en partie par l'étranger, puisque toutes les subventions en Russie doivent être approuvées par le Kremlin.

«C'est écrit nulle part, mais c'est un fait brutal», ajoute-t-il.

Cette année, de nombreuses ONG, dont l'important Moscow Helsinki Group, ont reçu des fonds du gouvernement. Ce n'est pas le cas pour Mémorial, M. Kovalev mentionne qu'il serait impossible, cependant, de survivre sans l'aide étrangère.

Cette nouvelle salve du Kremlin cible le département de recherche de Mémorial, qui possède 40 branches à travers la Russie. Plus tôt cette année, sa filiale responsable des droits de la personne a également été traînée en cour afin d'être contrainte à s'enregistrer comme agent étranger.

Le prix Sakharov de l'UE

Le Parlement européen a récemment octroyé son prix Sakharov pour la liberté de l'esprit, nommé en l'honneur du fondateur de Mémorial, Andreï Sakharov.

Dans une résolution au ton ferme, le Parlement exhorte le ministère de la Justice russe à rétracter ses accusations et «assure que Mémorial joue un rôle crucial dans le développement des valeurs démocratiques et la promotion des droits de la personne en Russie».

Elle soulève également des inquiétudes au sujet de la primauté du droit et du traitement réservé aux institutions civiles en Russie, «en particulier ces organisations qui œuvrent pour les droits de la personne et les réformes démocratiques et qui critiquent les politiques de l'État».

Mémorial, qui a été fondée pour préserver la mémoire des victimes de la répression communiste en Russie, a elle-même remporté le prix Sakharov en 2009.

Version originale : Award-Winning Russian NGO Facing Closure by Russian Authorities