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Le scandale de Sivens

Écrit par Sandra Kunzli, Epoch times
26.11.2014
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  • Le petit pont sur le Tescou. (Wikimedia)

La construction du barrage de Sivens dans le Tarn a démarré en octobre 2007. Depuis, nombre d’opposants ne cessent d’expliquer les catastrophes écologiques à venir car ces travaux sont prévus sur des Espaces Boisés Classés (EBC) et dans la Zone naturelle d’Intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF). Alors que le message se voulait pacifiste, la France a sombré dans une tragédie et porte, dorénavant, la mort d’un défenseur de la nature.

Un site défendu depuis le début par les autochtones

La rivière Tescou prend sa source dans la campagne tarnaise à 10 kilomètres de Gaillac. Elle court sur 49 kilomètres et se jette dans le Tarn, près de Montauban. Elle permet aux agriculteurs d’arroser leurs cultures, malgré les disponibilités moins évidentes, en été. Il y a 40 ans, le réchauffement climatique a fait germer l’idée de retenir les pluies d’hiver et de les restituer en été à l’aide d’un barrage, et de répondre à des demandes accrues en eau pour l’agriculture.

Depuis le début des travaux, les autochtones amoureux de leur site s’insurgent contre ce qu’ils appellent être de la «folie» et une «aberration écologique». En effet, la zone visée couvre 700 hectares de la forêt de Sivens, anéantissant une zone humide et plus de 94 espèces protégées, mais jugées insuffisantes par les spécialistes. Selon Nicolas Hulot, «le projet du barrage tarnais est contesté depuis des années; il est certes légal mais pas légitime».

Quelques chiffres

La capacité du barrage est établie à 1,5 million de m3 sur 34 hectares, dont 13 hectares de zones humides. Ses mesures approximatives seraient de 1,5 kilomètre de longueur, 230 mètres de large, 48 hectares de surface d’emprise du projet et environ 4 mètres de profondeur. La hauteur du mur au-dessus du terrain naturel serait de 12,8 mètres, impossible à ignorer et rendant le site méconnaissable.

Malgré l’opposition formelle de différents organismes et fédérations, du Conseil régional et national de la Protection de la Nature, l’Office national de l’Eau et des Milieux aquatiques, les travaux d’abattage ont commencé très rapidement alors que les procédures judiciaires sont en cours.

À qui profiterait le barrage?

80 exploitants seraient concernés selon la Chambre d’Agriculture, mais seulement 20 selon les opposants: des éleveurs de bovins, des maraîchers, des producteurs de céréales et certains cultivant du maïs, des semences pour la firme Monsanto destinées à être vendues en Ukraine. Un maïs gourmand en eau mais rapportant quatre fois plus que les autres céréales. Les agriculteurs espèrent voir leurs parcelles s’agrandir et ainsi augmenter leurs chiffre d’affaires sans penser aux dégats causés par l’agriculture intensive et le mode d’arrosage, en pleine chaleur, par aspersion.

Manuel Valls prétendait que cette eau fournirait également les habitants de Montauban en eau potable, mais le maire a, lui-même, contredit ces informations en expliquant que la ville possède deux stations de pompage suffisantes sur les rivières du Tarn et de l’Aveyron. À la suite des incidents de la semaine dernière, Stéphane Le Foll a également contredit ces informations.

Noël Mamère a déclaré que «le barrage de Sivens a un vice originel, ce n’est pas un barrage pour tous mais un barrage pour certains: les maïsiculteurs, le FNSEA, les bétonneurs».

Le financement des travaux

Depuis septembre 2014, 13 hectares de zones humides ont été détruits. Le Conseil général est pressé. Comme il l’explique, «c’est la course contre la montre».

En effet, les fonds européens apportent 2,03 millions d’euros à disponibles jusque mi-2015 et ces travaux sont longs. 4,46 millions d’euros sont financés par l’Agence de l’Eau. 1,86 million d’euros par le Conseil général du Tarn et 0,08 million d’euros par la région Midi-Pyrénées.

Malgré les demandes de suspension du projet, les travaux continuent, ne laissant pas la justice se prononcer. Il n’y a pas de moratoire. Les Français se sentent lésés et privés de leur démocratie.

  • Un manifestant se trouve au sommet d’un arbre le 12 septembre 2014 pour protester contre le défrichement de la zone humide du Testet dans la forêt de Sivens. (Remy Gabalda/AFP/Getty Image)

Une vie pour la défense des idées

Malgré les protestations pacifistes, le pire est arrivé. Rémi Fraisse, un jeune botaniste de 21 ans, non armé et sans protection, a reçu une de ces 400 grenades lancées par les forces de l’ordre. Le coup a été fatal. Après avoir identifié le corps, celui-ci n’a été restitué à la famille que plusieurs jours après l’accident. L’incompréhension et la colère deviennent massives.

La famille se demande pourquoi le préfet du Tarn a appelé à une extrême sévérité à l’égard des manifestants du barrage de Sivens. Mais elle demande également de laisser leur fils reposer en paix.

Hommage et manifestations

L’incompréhension a gagné la France. Dans plusieurs villes, des manifestations ont eu lieu. Défendre son patrimoine et ses droits sont devenus ardus, mais la disparition de Rémi Fraisse ne fait qu’accroître l’indignation des Français alors que les politiques se terrent. Les forces de l’ordre n’en deviennent pas moins violentes. Alors que le gouvernement interdit des rassemblements, des manifestations et des sit-in s’organisent.

Pascal Mailhos, préfet de Haute-Garonne, interdit la manifestation du 8 novembre afin d’éviter d’éventuels débordements, tels que ceux du 1er novembre. Alors que les manifestants se dispersent, après une journée d’hommage à Rémi Fraisse, un groupe de casseurs se greffe, créant des perturbations. Les émeutes éclatent. Cette violence ne fait que marginaliser les demandes des manifestants.

Les vidéos démontrent une violence extrême à l’égard de la population, aussi bien dans les villes que dans la forêt. Les visages sont volontairement ciblés par les matraques et les flash-ball, des gens traînés sur plusieurs mètres, les caravanes gazées…

Les réactions politiques

D’après Delphine Batho, ancienne ministre de l’Environnement, le projet est financé à 80% par les finances publiques. L’arrêt définitif de ce projet est attendu, ainsi que le refus de le financer. L’absence de vision d’avenir et de refus des discours concernant la biodiversité, le changement climatique, la protection des zones humides et les ressources en eau ne font que renforcer les incohérences et affaiblir la position du gouvernement.

Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, se veut «médiatrice» et affirme qu’il y aura un ouvrage mais ne se prononce pas sur l’abandon ou sur la reprise du chantier.

Ce barrage laissera dorénavant des traces. Une déchirure dans la nature, toutes ces essences arrachées et ces espèces disparues, faisant place à des déserts bétonnés, mais également la confiance des hommes dans leur gouvernement. Quelles possibilités laisse-t-on aux jeunes s’ils ne peuvent défendre leur avenir et leur patrimoine, ni juger de ce qu’on leur réserve, au nom de l’économie?

L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la ferme aux mille vaches, le barrage du Testet, Center Parc à Poligny et en Isère, l’usine des mille truies en Bretagne, autant de projets surdimensionnés, dangereux et imposés malgré des aberrations et les alertes des Américains pour nous aider à garder notre intégrité et ne pas tomber dans le même piège qu’eux. Lorsque le débat public entre citoyens et promoteurs est inexistant au préalable, la division se crée au sein d’un pays.

L’eau est un bien commun appartenant à l’écosystème et à la population. C’est un patrimoine que nous nous devons de protéger. Les études du Japonais Masaru Emoto ont prouvé à quel point cet élément est vivant, fragile, intelligent. L’eau suit sa course afin de se nettoyer, de s’oxygéner, de se renouveler. Lorsqu’elle est stoppée par un barrage, l’eau meurt…

Les autochtones ont grandi dans ces forêts, s’y sont promenés, y ont cueilli des plantes sauvages. Ils les ont vu disparaître sous leurs yeux: c’est un lieu de vie à nouveau saccagé. Ces blessures qu’ont formées l’impuissance et l’insécurité font maintenant partie de notre histoire.

 

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.