Hokusai, le peintre de la vie

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
26.11.2014
  • Dans le creux d’une vague au large de Kanagawa», Série: Trente-six vues du mont Fuji. (Musées Royaux d'art et d'histoire, Bruxelles)

Le Grand Palais accueille du 1er octobre 2014 au 18 janvier 2015 les œuvres du grand maître japonais Katsushika Hokusai.

Il s’agit de la plus grande rétrospective jamais consacrée à l’artiste en France. L’exposition, conçue en deux volets pour éviter une trop longue sortie de certaines œuvres fragilisées, présente 500 œuvres exceptionnelles, dont une grande partie ne quittera plus le Japon à compter de l’ouverture du musée Hokusai, à Tokyo en 2016.

Katsushika Hokusai (1760-1849) est aujourd’hui l’artiste japonais le plus célèbre à travers le monde. La Grande Vague de Kanagawa et les estampes du Mont Fuji sont déjà devenues des icônes.

Peintre, dessinateur, graveur et illustrateur, cet artiste d’exception, le plus souvent connu sous le nom d’Hokusai, a produit des milliers d’œuvres. Cette abondante production est due à sa curiosité qui a fait de lui un grand observateur et à sa longévité, 89 années qui lui ont permis de produire pendant soixante-dix ans.

Une production abondante

Artiste polyvalent, le prodigieux Hokusai déclare avoir commencé à dessiner à l’âge de six ans. Ses œuvres représentent les scènes de la vie quotidienne des Japonais, les mœurs des femmes, les lieux à la mode, les feux d’artifice, les quartiers des plaisirs à Edo, les gens du peuple, les pêcheurs, les acteurs de kabuki, les geishas et les lutteurs de sumo.

Grand amateur de littérature, Hokusai non seulement illustre des livres de poésie chinoise mais dédie une série d’estampes, Miroir véritable des poètes de Chine et du Japon, aux poètes chinois et japonais. Cette série d’estampes se caractérise par le recueillement et l’aspect contemplatif qui se dégagent des personnages, même vus de dos. Parmi ces personnages on peut trouver les poètes Li Bai et Su Dongpo. Hokusai peint une scène caractéristique de la vie des poètes ou un indice à leur œuvre.

Une autre partie de sa production est consacrées aux légendes, aux grandes figures de la Chine, aux scènes de bataille et aux samouraïs.

L’introduction du bouddhisme au Japon a crée des liens entre la culture japonaise et celle de l’Inde et de la Chine. L’influence de ces deux pays sur le Japon se manifeste dans les légendes et les divinités qui ont intégré l’imaginaire japonais.

Ainsi la cosmologie de l’hindouisme est présente dans les estampes de Hokusai qui peint les apsaras, ces nymphes célestes ou maritimes figurées comme des danseuses ou des musiciennes accompagnées d’un oiseau. Outres ces beautés célestes, il peint des bouddhas et des taos, des divinités du shintoïsme et des sages souriant qui ont vaincu la cupidité et les désirs, sans oublier les esprits, les fantômes et les dragons. L’un des dessins les plus remarquables représentant l’adoration des Bouddhas est sans doute Pèlerins en visite à la statue du Grand Bouddha (1797-1801).

Le Daibutsu «Grand Bouddha», présent dans certains sanctuaires peut atteindre jusqu’à 15 mètres de haut. Dans Pèlerins en visite à la statue du Grand Bouddha, le temple est dissimulé par la brume, donc absent de l’œuvre. Seul son visage majestueux est dévoilé en haut de l’image à travers ce qui pourrait être une fenêtre du temple. Les pèlerins, minuscules, sont, quant à eux, présentés de dos. L’effet est surprenant et amusant, et décrit bien l’émerveillement des pèlerins – vus de dos – pointant de la main la tête de la statue.

Hokusai est curieux, il observe et dessine également la nature, les paysages, la mer et la montagne, les lacs et les cascades. Il a révolutionné l’estampe du paysage japonais. Son œuvre peinte, dessinée et gravée, incarne la spiritualité et l’âme de son pays, particulièrement ses estampes de paysages, synthèse remarquable entre les principes traditionnels de l’art japonais et les influences occidentales. En effet, il saura intégrer les règles occidentales de la perspective dans des images traditionnelles de paysages. C’est ainsi qu’il dessine la série des Trente-six vues du mont Fuji (1830-1834) sous différents angles avec différentes perspectives, dans le creux d’une vague, du haut d’un balcon, du fond d’une rizière, depuis le dos d’un cheval au galop. Ses paysages sont toujours animés par une histoire qu’on imagine ou par des personnages scrutant le paysage ou au contraire occupés par autre chose, ce qui donne à l’œuvre une perspective et un dynamisme surprenants.

  • Deux carpes. (© RMN-Grand Palais (Musée Guimet, Paris/Thierry Ollivier)

Le monde animalier

Hokusai donne vie à chaque élément de la nature, à chaque fleur, chaque insecte, chaque objet. Tout vibre d’un souffle de vie. Hokusai peint les animaux et les insectes. Grenouilles, poissons, abeilles, papillons, oiseaux, fleurs et arbres défilent dans ses dessins, peintures sur soie et estampes, dévoilant la justesse et la finesse du trait du peintre.

Hokusai saisit souvent les animaux en pleine action et les met en scène, une lutte entre l’oiseau et le serpent dans Faisan et serpent (1830-1833); un oiseau sur le point de s’envoler du cerisier dans Bouvreuil et Cerisier pleureur en fleur (1834); un tigre regardant la lune dans Tigre regardant la lune (1844).

Les insectes figurent souvent dans des «mangas», des manuels de dessin à l’usage des jeunes artistes durant leur apprentissage.

Le père des mangas

Hokusai a inventé les «Hokusai mangas». À l’époque, ce ne sont pas des bandes dessinées, mais des manuels visuels qui exigent la précision du trait et le sens de l’observation. Ses dessins sont publiés dans 15 volumes, constituant une sorte d’encyclopédie du vivant et de la vie quotidienne du Japon de l’époque d’Edo

Chaque carnet est consacré à une thématique; les animaux, la danse, les métiers, la vie quotidienne, les légendes, les plantes, etc.

  • Hortensias et hirondelles. (© RMN-Grand Palais (Musée Guimet, Paris/Thierry Ollivier)

Les noms

Hokusai a changé son style et son nom plusieurs fois. On estime qu’il a eu plus d’une centaine de noms: Tokitaro à sa naissance, Shunrō en réalisant les portraits des acteurs, Sōri, lié à son rapprochement de l’école Rinpa et à la production des estampes luxueuses, Hokusai en s’installant comme peintre indépendant, Taito en se spécialisant dans les manuels de peintures et finalement Gakyō Rōjin Manji «Manji», «le vieil homme fou de peinture».

Sa découverte en France

«Le fou de peinture», tel qu’il se nommait lui-même, était également une source d’inspiration pour les peintres français. Dans son pays natal, Hokusai n’a jamais eu la reconnaissance des académies. C’est plutôt en France qu’il la reçoit. C’est à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle que Félix Bracquemond trouve un carnet manga, qui servait de… protection pour de la porcelaine dans un colis! Il est émerveillé et s’en inspirera pour créer un service de vaisselle. Edmond de Goncourt, le créateur du prix Goncourt, après avoir découvert ses ukiyo-e «images du monde flottant» qui dépeignent les lieux de plaisir, décide de leur consacrer un livre. Les impressionnistes collectionnent ses œuvres et s’en inspirent. Les critiques lui font des louanges. À travers ses dessins, il révèle au public français l’art de vivre japonais. Hokusai, peintre préféré de la classe moyenne au Japon, est considéré en France comme un génie.