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Festival d’automne

Straight White Men: tolérance zéro pour les losers

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
07.11.2014
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  • Les deux frères Jake et Drew, respectivement homme d’affaires et artiste. (Blaine-Davis)

Que détestent le plus les hommes blancs hétérosexuels? Que se passe-t-il quand les hommes blancs hétérosexuels n’oublient pas qu’ils sont privilégiés? Young Jean Lee essaie de sauter dans cette eau troublante et de répondre à cette question dans une pièce en trois actes. La troisième question qui devrait suivre est: que craint le plus Young Jean Lee?

Young Jean Lee, dramaturge bien connue de l’avant-garde new-yorkaise, définie par le New York Times comme «la dramaturge aventurière» a relevé le défi d’écrire ce qu’elle craint le plus – une pièce en trois actes sur le sujet qu’elle aimerait le moins aborder – l’identité de l’homme blanc hétérosexuel.

C’est ainsi que la dramaturge d’origine coréenne procède: choisir d’aborder ce qui «serait mon pire cauchemar», pour élaborer une pièce.

Une pièce straight dans un décor straight

Une pièce en trois actes est sans doute la formule commune et bien cadrée qui correspond pour décrire cette espèce qui détient la parole et impose sa logique bien structurée sur le monde occidental, celle qui dicte le marché économique et façonne son identité selon son fonctionnement.

C’est aussi la formule qui a été utilisée maintes fois dans l’histoire pour représenter les narratifs des hommes blancs hétéros, comme les narratifs universels.

Young Jean Lee a écrit une pièce consacrée à l’image de l’homme blanc hétéro et à la question du privilège. Que se passerait-il si ce dernier refusait le privilège de sa couleur, de sa position, de son éducation et de son milieu? Peut-il vraiment l’ignorer? Y renoncer? Améliorer le monde par conséquent? Pour l’instant, on dirait qu’un tel acte entraîne une autre question: dans ce cas à quoi sert d’être un homme blanc et hétéro?

La pièce est également inspirée de Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller, le drame américain par excellence, de la relation père-fils et la question de la réussite dans la société libérale.

Une société où l’accomplissement personnel passe par le marché

Sur scène, quatre hommes blancs dans un salon à décor banal, où se déroule une histoire linéaire en trois actes.

Pas de rideau pour cacher la scène avant, ou entre les actes

Ce salon hyperréaliste du scénographe David Evans Morris, avec le fauteuil télé, le canapé, les quelques livres et jeux sur les étagères, le bol de pop-corn (ou un genre de snacks) et d’autres innombrables détails, situe le spectateur dans la maison très middle-class de ces hommes qui, bien que privilégiés, ne mettent pas en avant leur sens de l’esthétique.

Un veuf, joué délicieusement par Austin Pendleton, et ses trois fils dans la quarantaine, se réunissent dans la demeure familiale pour fêter Noël. Le premier acte est consacré  à une description très banale des protagonistes: les blagues infantiles, les repas à emporter, leur vie, le divorce, la thérapie, l’argent. Chacun des hommes représente un archétype de la société occidentale.

Jake, joué parfaitement par Scott Shepherd, est un homme d’affaires avide d’argent, arriviste et fonceur. Drew (Peter Simpson) incarne l’artiste. Ed est le père bien intentionné qui se perd un peu dans la vie moderne et veut la réussite de ses fils. Face à ces trois personnages – le père et deux de ses enfants – se trouve Matt, l’antithèse du winner, qui ne colle à aucun archétype si ce n’est à celui du loser.

Matt était un étudiant brillant qui devait finir une thèse, suite à des études d’anthropologie. Il était aussi engagé dans des mouvements solidaires. Accumulant des dettes pour payer ses études, il se retrouve chez son père, prend soin de lui, très silencieux et serviable, et travaille dans une petite association locale. Ses congénères ou plutôt sa famille ne l’accepte pas. L’un l’accuse de dépression, l’autre d’avoir renoncé à son privilège d’homme blanc pour une cause ratée préalablement et son père l’accuse même d’égoïsme.  

«Tu es un loser, tout simplement parce que tu es un loser? Sans raison, sans principes?», lui demande l’arriviste persuadé que son frère ne veut pas utiliser ses privilèges d’homme blanc, représentant la voix de l’hégémonie occidentale, par altruisme, pour laisser la place aux autres qui n’ont pas, comme lui, eu de la chance. Car si Matt renonce à son privilège, quelle est la valeur de ses semblables en tant qu’humains?

Le problème de Matt est sa mauvaise stratégie de vente, un mauvais marketing de ses capacités, de son potentiel, de ses qualités. En tant que tel, il n’a plus le droit d’exister, il devient une vraie tache pour l’espèce. Même son père le renie.  

La question se pose alors sur l’identité que l’on peut avoir, ou se permettre d’avoir, dans une société où tout se vend, où même la réalisation de soi et le bonheur se mesurent obligatoirement par la réussite de pouvoir se vendre sur le marché.

La pièce a été présentée du 16 au 19 octobre au Centre Pompidou.

 

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