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Le Sel de la terre

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
09.11.2014
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  • Sebastião Salgado a fait de la fable de Giono une réalité. (SARA RANGE)

L’Homme qui plantait des arbres est l’histoire extraordinaire d’un berger entre deux guerres qui décide de réconcilier l’homme et la terre. Il guérit les cicatrices du sol laissées par les guerres en plantant des arbres. Avec une totale dévotion, il se lance dans cette aventure, plantant inlassablement des arbres de l’aube au coucher du soleil.

Pendant longtemps, l’on croyait que le personnage de Jean Giono existait et que son histoire était une histoire vraie. Giono a même envoyé une photo de son personnage à un éditeur allemand. La déception a été grande, parfois même enragée – en ce qui concerne l’éditeur du Reader’s Digest – lorsqu’on a appris que L’Homme qui plantait des arbres n’était qu’une magnifique fiction, une fable étourdissante.

9.000 km plus loin et un siècle plus tard, Sebastião Salgado a fait de la fable de Giono une réalité. Wim Wenders, quant à lui, n’a pu s’empêcher d’accompagner l’aventurier-photographe dans son périple pour l’immortaliser dans son dernier film, Le Sel de la terre.

L’homme et le paysage

Depuis 40 ans, Sebastião Salgado photographie la condition de l’homme. Il témoigne des migrations, de la famine ou des atrocités de la guerre, mais aussi de la pureté des peuples qui ont échappé à la civilisation moderne – et de paysages fabuleusement vierges. On a accusé Salgado de faire de l’esthétique sur la misère pour asseoir sa renommée, de faire commerce de la misère des autres. Mais c’est ne pas comprendre l’œuvre de Sebastião Salgado. Ces photos sont ses yeux, toujours curieux, naïfs et compatissants, jamais voyeurs. Sebastião Salgado est un véritable aventurier et il témoigne des choses extraordinaires qu’il rencontre – bonnes ou mauvaises – car il est aussi artiste et en tant que tel, il se doit de partager son expérience avec le public.

En 1969, Sebastião Salgado et sa femme Lélia quittent le Brésil dictatorial. Ils partent pour la France. À l’époque le jeune homme envisage une carrière prometteuse dans l’économie. À l’âge de 30  ans, il comprend que ce n’est pas sa vocation. Avec sa femme Lélia, architecte de profession, il commence à parcourir le monde. Avec leurs économies, Salgado s’achète des appareils photos et des accessoires qui lui permettront de s’initier sérieusement à la photographie. Il part dans le tiers monde, en Afrique, en Inde, ou dans des terres peu connues comme l’Amazonie ou le cercle polaire. Il prend des photos, alors que son épouse Lélia le soutient en organisant des expositions et en faisant publier ses livres. Ils ont deux enfants, dont Juliano Ribeiro Salgado, qui est à l’origine du film réalisé avec Wenders.

  • Image extraite du film Le sel de la terre. (DECIA FILMS)

Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado, un regard croisé

Le film de Wim Wenders et de Juliano Ribeiro Salgado suit de près l’homme, le photographe et le grand humaniste connu dans le monde entier pour ses photos si réelles et pourtant si allégoriques, pour ses portraits et ses paysages sortis tout droit de la Genèse et ses ciels dramatiques en noir et blanc.

Le film est composé d’une part des interviews prises par Wenders, et d’autre part de celles prises par le fils de Salgado qui l’a accompagné dans ses voyages en Amazonie et dans la région du cercle polaire. Tous deux admirent Salgado et se sentent proches de lui. L’un partage les mêmes gènes, et l’autre, ce même sens du voyage et de la solitude, ce même goût pour l’immensité des espaces et l’indomptabilité du temps, comme on pouvait le voir déjà dans son film de 1974, Alice dans les villes, tourné en noir et blanc.

Pour tirer le portrait de Salgado, Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado retournent à l’origine du mot photographie. «Photo» signifie lumière, «graphie» image ou écriture. Ils capteront Salgado sous différents angles, illuminant tantôt le visage, pâle sur un fond noir, tantôt une joue éclairée alors que le reste du visage reste dans la pénombre, tantôt un bras, seul indice de la présence de Salgado. Voici l’histoire du cinéma et de la photographie narrative. En éclairant une partie et laissant le reste dans le mystère, une histoire voit le jour, un portrait prend formes.

Wenders reste bien évidemment fidèle à lui-même tout en adaptant le style au personnage. En voyant le visage de Salgado juxtaposé sur ses propres objets de photographie, le spectateur ne pourrait s’empêcher de se souvenir du visage de Harry Dean Stanton juxtaposé sur celui de Nastassja Kinski dans Paris, Texas (1984), malgré le contexte différent et la technique différente. Dans Pina (2011), Wenders tourne avec les danseurs dans un vertigineux montage en 3D.

Dans Le Sel de la terre, Wenders et Ribeiro Salgado nous offrent des images qui pourraient être celles de Salgado, le père, des «stils» véritablement. Des portraits en noir et blanc bien sûr, et le spectateur se souviendra surtout de l’image de Salgado, de son dos immobile à contre-jour face au paysage sous un ciel nuageux. Pour un instant, il est difficile de dire s’il s’agit du film lui-même ou d’une photo à l’intérieur du film. Puis Salgado bouge légèrement et nous rassure, il est toujours là, il s’agit bien du film, en noir et blanc.

Wenders dépeint avec amour son personnage, ce grand humaniste qu’est Salgado et aussi tout ce qui va avec, sa femme, son fils, ses œuvres. Dans les interviews, Salgado se répète pour nous faire comprendre ce qu’on avait déjà compris, Wenders se joue encore du temps. Il l’accompagne au cercle polaire, où son fils le suit photographiant les morses et l’ours blanc, se cachant pendant des heures dans la cabane ou roulant sur la glace pour s’approcher des animaux sans être vu.

Un projet écologique et la renaissance de la forêt atlantique

Finalement Wenders rentre avec Salgado dans son pays natal chez lui dans l’État du Minas Gerais sur les rives du Rio Doce, «le fleuve doux». Dans la ferme que son père lui a léguée, Salgado crée son œuvre la plus grandiose, l’Instituto Terra, réserve nationale protégée et ferme écologique.

De la ferme florissante de son enfance, il ne reste plus qu’une terre désolée. Des arbres abondants, des animaux et des multiples ruisseaux, il ne reste que des collines arides. Les nombreuses espèces d’oiseaux et les animaux qui avaient autrefois peuplé cette forêt ont disparu il y a longtemps. Son père avait déboisé les 750 hectares pour le bâtiment ou l’élevage. Avec la disparition graduelle de la Mata Atlântica, «la forêt atlantique», les sources d’eau se sont asséchées et les animaux ont disparu.

Salgado rentre de son voyage du Rwanda dévasté, désespéré de l’être humain. C’est sa femme Lélia qui a l’idée de replanter tous les arbres qui ont été coupés. Un projet mégalomane, diront certains, mais qui a porté ses fruits – 2 millions d’arbres ont été replantés. La plantation ne s’est pas faite sans obstacle. Et comme dans le livre de Giono, L’Homme qui plantait des arbres, la première année, le couple a perdu 60% de la plantation et la deuxième 40%. Aujourd’hui, la forêt reprend ses droits et les sources d’eau asséchées jaillissent de nouveau. Une fin magnifique pour un film «especial» qui a débuté en noir et blanc et qui, après avoir repris des couleurs, s’achève sur des explosions d’images verdoyantes.

 

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