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ÉDITO

Pour que le mur se fende

Écrit par Aurélien Girard, Epoch Times
10.11.2014
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  • Le mur de Berlin en 1986 à Bethaniendamm. (Thierry Noir/Wikimédia)

Un jour de novembre il y a vingt-cinq ans, Günter Schabowski, représentant du Comité central du parti communiste de RDA, se perd dans ses notes lors d’une conférence de presse à Berlin Est. La journée a été rude, il a beau être journaliste de formation et habitué à anticiper et dévier les pièges des médias occidentaux, on ne lui a donné avant de venir que des informations incomplètes, une note parcellaire rapidement glissée dans son dossier. Et, depuis des mois, quelque chose de sourd gronde à Berlin Est; le bateau communiste prend l’eau. Ce soir-là, un peu avant dix-huit heures, des journalistes le pressent de questions après qu’il a informé d’une nouveauté sur les règles de circulation des personnes. Il ne réalise pas, semble-t-il, qu’il ne s’agit que d’un projet devant permettre à quelques individus choisis, de façon très limitée, de sortir de Berlin Est. L’homme en costume gris, les yeux perdus, cherche dans ses papiers une réponse qui pourrait lui permettre d’être sûr de ce qu’il va dire, ne la trouve pas. Mais il représente le Parti et n’a pas le droit de montrer une faiblesse ou une incertitude. Alors, quand on lui demande de quelle façon doit s’appliquer la mesure dite de «libre circulation», Günter Schabowski ouvre la bouche et s’entend dire: «Sofort, unverzüglich» – Immédiatement, sans délai.

Deux mots. Sans le réaliser, il annonçait à tous les citoyens de RDA qu’ils étaient pour la première fois depuis vingt-huit ans libres de leurs mouvements. Ces deux mots étaient le clairon de la liberté immédiate. Schabowski, ce soir là, est rentré chez lui, comme à l’habitude après ses conférences de presse, a peut-être dîné en famille en pensant à la prochaine réunion du comité central ou au prochain déplacement à Moscou – sans réaliser qu’au même moment des milliers, puis des dizaines, puis des centaines de milliers de personnes descendaient dans la rue, s’assemblaient aux check-points et exigeaient de pouvoir passer vers Berlin Ouest, du côté des « fascistes ». Le lendemain, les premiers pans du mur basculaient, comme des dominos, et entraînaient avec eux en quelques mois tout le bloc communiste de l’ancienne URSS.  Les savants analystes qui n’avaient rien vu venir et affirmaient à longueur de lignes que le régime communiste était inébranlable trouveront a posteriori des explications logiques à l’écroulement de la superpuissance, jusqu’à penser qu’ils l’avaient, au fond, toujours su, et même presque anticipé. Renforcés par cette conviction,  les mêmes prédiront peu après que l’Allemagne réunie allait devenir à jamais le boulet économique de l’Europe.

«Sofort, unverzüglich» – il aura donc suffi d’un fonctionnaire fatigué qui ne voulait pas perdre la face pour tout déclencher ; juste un frémissement, qui nous rappelle au besoin d’humilité sur la capacité des hommes à prédire ou piloter les grands changements de l’histoire. Dans une autre dictature ce soir, un apparatchik quelconque pourrait aussi, juste avant la série télévisée à la mode ou une émission de variétés, laisser échapper deux mots, un oxygène involontaire qui transformerait la combustion lente du mécontentement des opprimés en révolution.  Ainsi disparaîtra peut-être la dernière grande dictature communiste, qu’on nous dit, tout aussi savamment qu’il y a vingt-cinq ans, qu’elle est stable – comme l’était la RDA.

 

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