Simon Gutman, miraculé de la Shoah

Écrit par Sarita Modmesaïb, Epoch Times
09.02.2014

Avril 1945 – Lors d’une marche de la mort en direction de Dachau, Simon et 4 autres prisonniers, Eric Breuer, Mink, Tadeusz Honikstok, et un jeune polonais de 13 ans, Zaïek Schwarzbaum, comprenant que les SS finiront par les éliminer afin d’être «moins ralentis», profitent «d’une tornade» et décident de s’évader. Seulement, Zaïek est jeune et il faut du courage et de la détermination.

«Toi, tu ne sais pas courir», dit Simon à Zaïek, qui lui répond: «Mais pourquoi?» Simon le titille car il attend du jeune garçon une réponse qui renforcera sa détermination à affronter le danger. «On ne va pas se faire bousiller en 1945, alors comme tu ne sais pas courir, on va te laisser…» Le petit se met à pleurer et répond «ne me laissez pas, vous êtes ma seule famille!!» et de rajouter «Oui, je sais courir». Et c’est comme cela qu’ils réussissent tous les cinq, à rejoindre un petit bois. Là, commence une nuit de terreur, le bois étant encerclé par des SS, ils se cachent à cinq dans un trou d’obus qu’ils recouvrent de branchages et attendent. Le lendemain, reprenant la route, ils trouvent une arme, sans munitions… «Tu sais qu’elle n’est pas chargée, je sais qu’elle n’est pas chargée, mais les autres non!» affirme Simon qui décide de la garder. Sur la route, «un mouvement» attire leur attention, et là ils n’en croient pas leurs yeux, c’est bien un drapeau français qui flotte au-dessus d’un side-car! C’est la surprise pour tous, les prisonniers comme les soldats français qui découvrent ces rescapés du camp de Birkenau, squelettiques, sales et affamés! Simon en restera tout retourné: «Tout l’état-Major se met à saluer 5 petits pouilleux!... J’ai reçu des coups (pendant toutes ces années de détention) sans jamais broncher, mais là, j’ai pleuré!» Les vingt kilomètres qui les séparent de l’État-Major, Simon s’en souviendra toujours. Seulement, arrivés là, ils sont mal reçu et décident de continuer leur route et «réquisitionner» la plus belle maison des environs de Rottweil. Ayant sonné plusieurs fois sans réponse, c’est l’arme qui décidera le propriétaire, un pharmacien, à venir leur ouvrir, et c’est sous la menace de cette même arme (vide de munitions), qu’ils se feront dresser une table pour une collation soignée. Leurs invités? Ces gradés de l’État-Major français qui les avaient pris de haut juste avant et qui, comprenant leur erreur d’appréciation, «s’excuseront» de leur comportement. C’est ce même jour que le pharmacien prendra en photo Simon et ses quatre compagnons, qui seront ensuite ramenés à Kehl par les soldats français avant de traverser le Rhin pour revenir en France…

Avril 1942- Simon Gutman a 17ans et demi et est l’un des prisonniers partis dans le premier convoi de Français à Birkenau, camps d’extermination d’Auchwitz. Ce premier convoi fut le seul à transporter les prisonniers dans un train de passagers, et ils furent les seuls prisonniers à être tatoués à l’intérieur du haut du bras, et pas près du poignet, comme le furent des millions d’autres. Simon retiendra à jamais le numéro 27815, matricule assené à Birkenau…

La saleté devenant alors leur quotidien dans le camps, Simon demande un jour, avec la naïveté et l’innocence de la jeunesse, à son ami Maurice Arbizzer: «Dis-moi Maurice, est-ce que je suis aussi dégueulasse que vous?» Maurice de répondre: «On est placé sous la même enseigne, il n’y a rien, pas de sanitaires, rien…» Alors, avec des flaques d’eau, Simon brise alors la glace les recouvrant et se débarbouille le visage. L’Allemand qui les encadrait, un repris de justice condamné à mort, Albert Hermaller, fait preuve d’une cruauté indicible: les mettant en rang dehors, il repère les pères et les fils et oblige un père à matraquer son fils. Le père refusant, il ordonne la même chose au fils, qui lui aussi refuse. Il les tue alors tous les deux, et hurle à tous: «Il n’y aura qu’un seul qui restera en vie ! »et ordonne à Simon de sortir du rang. Celui-ci croit alors sa dernière heure arrivée. Mais non, il restera en vie parce qu’il est propre, lui assène l’Allemand. Il restera donc au bloc afin, hélas, de rassembler les cadavres. Simon préfère encore mourir plutôt que de pratiquer un tel travail. Mais intervient alors un autre Allemand, prisonnier lui aussi, mais porteur du «triangle rouge», qui marquait les opposants au régime nazi. Celui-ci, venant réclamer de l’aide pour les cuisines, fera comprendre à Simon «toi, dire cuisinier!» et le présentera au SS chef des cuisines comme «un élément qui travaillait dans les plus grands restaurants de Paris!». Bien sûr, tout est faux! Mais, une douche! Une douche chaude vient le revigorer et des vêtements propres remplaceront les précédents qui «pouvaient courir tout seuls». Simon sera donc embauché dans les cuisines, cuisines dans lesquelles les ordres étaient donnés en polonais. Seulement Simon ne connaît que le Français et le Yiddish, alors, les coups pleuvent, pleuvent sur lui, au point qu’il veut en finir et «aller aux barbelés», s’approcher des limites du camps signifiant être automatiquement mis à mort par les gardes… Mais, tout au fond de lui sourde une petite voix: «Qui te pleurera? Tu n’es qu’un lâche…» Un lâche… ce mot lui rendra le courage de vivre, survivre et il retourne aux cuisines.

1943 – Une délégation de la Croix-Rouge arrive au camp et repart ensuite en affirmant qu’il n’y a rien à déclarer.

1943, c’est aussi l’année où Simon contracte le typhus qui le garde inconscient pendant plusieurs jours. À son réveil, il entend une voix lui demandant: «Simon, c’est bien toi?» C’est un ami, boucher à Paris, qui n’en croit pas ses yeux, Simon étant méconnaissable tant il a maigri et s’est affaibli. Mais un autre miracle est arrivé, le typhus l’aura sauvé car, inconscient et placé dans un coin du bloc, il a été purement et simplement oublié des SS qui ont, entre temps, fait sortir puis gazé tous les autres occupants.

Ces miracles, il en fera profiter les autres, en aidant plusieurs autres prisonniers, dont son propre père, qui sera, avec lui, le seul de la famille, à revenir de l’enfer des camps…

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