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OTAN: quelle stratégie pour les pays du Sud?

Écrit par Par F. Stephen Larrabee et Peter A. Wilson
01.03.2014
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  • En présence des deux ministres français et maliens de la Défense, plusieurs soldats français montent la garde à Bamako, au Mali, lors de la cérémonie d’inauguration d’un nouveau monument érigé en l’honneur des soldats français tués récemment en mission au Mali le 19 janvier dernier. (Habibou Kouyate/AFP/Getty Images)

Pendant les deux premières décennies après la fin de la guerre froide, l’OTAN a eu les yeux rivés sur l’Est, l’Europe centrale et orientale, entre l’Ukraine et la Russie. Aujourd’hui, l’organisation est de plus en plus sollicitée dans le Sud, la Méditerranée, le Moyen-Orient et le Golfe, pour la simple raison que la plupart des nouveaux défis s’y trouvent. Si l’OTAN veut obtenir une pertinence stratégique, elle doit accorder une attention croissante aux menaces venant du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et développer une «stratégie du Sud».

Une stratégie du Sud doit reposer sur l’expérience récemment acquise lors de l’intervention en Libye et de l’opération réussie au Mali. L’opération malienne a été conduite par les forces françaises avec l’aide des alliés. Cette nouvelle stratégie doit cultiver des partenariats régionaux capables de participer aux futures opérations de l’OTAN si nécessaire.

Pendant longtemps, des pays du sud de l’alliance comme l’Italie et l’Espagne, ont suggéré l’élaboration d’une telle stratégie. Toutefois, leurs appels ont reçu peu d’écho initialement, car la priorité absolue de l’OTAN à l’époque était l’intégration de l’Europe centrale et orientale dans les structures de sécurité occidentales. Depuis l’achèvement de la deuxième vague de l’élargissement de l’OTAN, l’Alliance s’intéresse plus nettement aux menaces en provenance du sud.

Les initiatives en cours

Le Dialogue méditerranéen (DM), lancé en l994, a marqué la reconnaissance par l’OTAN de l’importance croissante des problèmes de sécurité venant du sud. L’Algérie, le Maroc, la Tunisie, Israël, la Jordanie, l’Égypte et la Mauritanie figurent parmi les pays membres du DM. Les avancées dans le développement de l’initiative ont cependant été lentes. Si la coopération bilatérale a été relativement bonne, la coopération multilatérale s’est avérée difficile en raison des différends entre les autres membres et Israël au sujet de la question palestinienne d’une part et, plus récemment, de la détérioration des relations israélo-turques.

L’Initiative de Coopération d’Istanbul (ICI), lancée lors du sommet de l’OTAN à Istanbul en juin 2004, a été plus fructueuse. Initié par le président George W. Bush, l’ICI met l’accent sur une coopération pragmatique avec les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) dans des domaines tels que la mutation, la budgétisation et la planification de la défense. D’autres domaines abordent l’amélioration de l’interopérabilité, la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, la coopération dans le renforcement de la sécurité aux frontières, et la planification civile d’urgence.

Alors que la coopération au sein du DM repose essentiellement sur des séminaires et des pourparlers, dans l’ICI, elle implique une participation effective aux opérations de terrain de l’OTAN. Ainsi le Qatar et les Emirats arabes unis (EAU) ont participé à la campagne aérienne de l’OTAN contre la Libye et ont joué un rôle clé dans la formation des forces rebelles en Libye. Les Émirats arabes unis et le Bahreïn ont ainsi participé à la Force Internationale d’Assistance à la sécurité en Afghanistan.

Les leçons apprises

Une stratégie du sud doit tenir compte des leçons tirées de la participation récente de l’OTAN dans les opérations de gestion de crise au sud, en particulier la campagne aérienne en Libye.

Tout d’abord, l’intervention en Libye a montré que les membres de l’OTAN ne peuvent pas toujours attendre que les Etats-Unis prennent les devants dans chaque crise. Le président Obama a précisé que son pays prendrait les rênes lors de la phase initiale de l’intervention qui ne nécessite que les seuls actifs militaires américains, et que Washington attendait de ses alliés européens qu’ils assument la responsabilité première de la mission dans ses phases ultérieures.

Cela ne signifie pas que les États-Unis ne vont pas faire preuve de leadership, mais plutôt qu’à l’avenir, ils seront plus sélectifs sur le quand, où, et comment de leur interventions. Washington attend de ses alliés européens qu’ils prennent l’initiative dans des régions telles que l’Afrique du Nord, où l’Europe a des intérêts historiques.

Deuxièmement, l’opération libyenne a souligné l’importance d’obtenir un large soutien politique pour des opérations au Moyen-Orient. Le mandat de l’ONU et le soutien de la Ligue arabe ont été d’une importance cruciale dans le ralliement des soutiens politiques pour la campagne aérienne et lui ont conféré sa légitimité. Sans le mandat des Nations unies et le soutien de la Ligue arabe, de nombreux alliés et partenaires de l’OTAN auraient refusé de participer et d’apporter un soutien politique à la campagne aérienne.

Troisièmement, la campagne libyenne a révélé un certain nombre de faiblesses opérationnelles et organisationnelles. En dépit de son écrasante supériorité technologique et numérique sur un adversaire militaire de cinquième ordre, la coalition a fait face à des déficits en armes et en munitions dans plusieurs zones. De nombreuses missions n’ont pu être réalisées et maintenues que grâce à une importante aide militaire américaine.

A l’avenir, les alliés européens devront accorder une plus grande attention aux équipements tels que les munitions à guidage de précision, à la surveillance, au ravitaillement en carburant ainsi qu’aux drones. Toutefois, compte tenu des réductions et des baisses de dépenses prévues au niveau de la défense par la plupart des membres de l’Alliance, il sera très difficile d’obtenir des alliés clés pour faire ces investissements nécessaires.

Quatrièmement, le déploiement sur le terrain des forces d’opérations spéciales britanniques, françaises et celles des autres pays (notamment du Qatar et des Emirats Arabes Unis) était essentiel à la réussite de la campagne aérienne. Ces forces ont armé et entraîné les forces rebelles, tout en coordonnant l’appui aérien rapproché à mesure que les rebelles avançaient sur Tripoli. Les Émirats arabes unis et le Qatar ont directement participé aux frappes aériennes sur les forces de Kadhafi. Cela souligne l’importance de renforcer la coopération avec les pays du CCG, en particulier le Qatar et les Émirats arabes unis.

Quelques bonnes leçons sont aussi à retenir de l’opération au Mali. Il existe une différence essentielle, cependant, entre l’opération libyenne et l’intervention au Mali. En Libye, c’était une opération militaire de l’OTAN. Au Mali, c’était une opération unilatérale française avec le soutien des alliés. Si les Américains ont fourni un soutien militaire dans trois secteurs – le ravitaillement aérien; les renseignements, la surveillance et la reconnaissance, et enfin dans le transport aérien – c’est la France qui a assumé la totale responsabilité opérationnelle de la mission.

Le succès de l’opération malienne a été considérablement facilité par le fait qu’il existe un fort consensus bipartisan en France en faveur de l’utilisation de la force militaire en Afrique du Nord, que la France considère comme une région d’intérêt stratégique national. Ce fort consensus bipartisan a permis à la France d’intervenir rapidement et efficacement au Mali.

L’intervention au Mali a démontré l’importance du positionnement préalable de l’équipement léger et des forces mobiles spécialisées liées dans les zones proches de la zone de conflit.

La France a pu répondre rapidement aux islamistes et aux insurgés touaregs parce que les véhicules blindés légers et les unités d’infanterie motorisées étaient déjà basés dans la région. C’est aussi quelque chose à laquelle l’OTAN, qui cherche à élaborer une stratégie plus cohérente pour le sud, doit s’intéresser de plus près.

Des coalitions ad hoc

Pour développer une stratégie du sud réussie, l’OTAN doit aussi modifier sa vision et son approche de la gestion de crise. A l’avenir, la plupart des opérations de gestion de crise impliquant l’OTAN seront susceptibles d’être menées par des coalitions ad hoc de membres volontaires et non pas par l’OTAN dans son ensemble. Ces coalitions seront composées de certains membres clés de l’OTAN ainsi que de pays non-membres.

C’est justement l’intérêt d’avoir des partenaires régionaux compétents qui peuvent coopérer efficacement avec les forces de l’OTAN et appuyer des programmes tels que l’ICI, conçus pour améliorer l’interopérabilité entre l’OTAN et ses partenaires régionaux.

L’OTAN devrait aussi pouvoir compter sur la volonté des pays du CCG à participer activement aux opérations de l’OTAN d’élargir et d’approfondir la coopération avec les pays du CCG. Dans plusieurs domaines, la coopération pourrait être renforcée.

Le premier domaine est celui de la défense antimissile. La perspective de voir l’Iran bientôt acquérir un arsenal nucléaire est susceptible d’intensifier l’intérêt des pays du CCG pour la défense antimissile et d’autres mesures visant à réduire la vulnérabilité des États du CCG au chantage nucléaire.

La sécurité énergétique est un autre domaine dans lequel la coopération pourrait être étendue utilement. Les membres européens de l’OTAN sont fortement tributaires du pétrole et du gaz du Moyen-Orient et des pays du Golfe pour alimenter leurs économies. Il est dans leur intérêt de s’assurer que les lignes d’approvisionnement du Moyen-Orient et du Golfe resteront toujours ouvertes. En tant que principaux pays exportateurs d’énergie, les pays du CCG ont également intérêt à sécuriser les lignes d’approvisionnement. Un nouveau volet potentiel de coopération résidera alors dans le renforcement de la sécurité maritime.

L’OTAN fait face à des défis importants dans le sud et le tumulte n’est pas prêt de se calmer. Aujourd’hui, l’élaboration d’une stratégie pour le sud, permettrait à l’alliance de servir ses propres intérêts en répondant mieux aux crises futures dans la région.

F. Stephen Larrabee, titulaire de la chaire distinguée de la Sécurité Européenne à la RAND Corporation. Peter Wilson est un membre du personnel auxiliaire de la RAND.

Ce article se base sur un article paru d’abord dans The National Interest.

Version en anglais: NATO Needs a Southern Strategy

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