Un ancien journaliste du Quotidien du Peuple: Comment fonctionnent les médias du Parti chinois?

Écrit par Kai Cheng, Christine Martin et Gisela Sommer, Epoch Times
24.04.2014
  • Un exemple de document à u00abtête rouge» du comité municipal du Parti communiste de Wuhan et des instructions (à droite) sur la façon de rédiger de tels documents. (Capture d’écran Epoch Times)

Un exposé peu flatteur au sujet du Quotidien du Peuple, le plus important des journaux de propagande du Parti communiste chinois (PCC), publié par un ancien employé, explique que la mission du journal est de promouvoir et de protéger les intérêts et l’image du Parti et qu’il manipule les informations.

Cet article a été rédigé par Cheng Kai, qui se présente lui-même comme un ancien journaliste du Quotidien du Peuple et a été publié dans l’édition de mars du magazine Cheng Ming.

Voici une traduction légèrement modifiée de l’article original chinois.

Bien que le Quotidien du Peuple soit rangé dans la catégorie des journaux, il ne contient en réalité pas d’actualités. Il est connu pour être un outil de propagande du PCC. Le journal manipule les informations et ne rend pas compte des faits réels.

Le PCC publie souvent des documents avec des titres rouges appelés documents «à tête rouge», adressés à l’attention des dirigeants de tous les niveaux inférieurs du Parti et des bureaux des autorités, les informant de ce qu’il faut ou ne faut pas faire. Le Quotidien du Peuple est une édition élargie des «têtes rouges» car il atteint les niveaux inférieurs du Parti.

Je faisais partie de l’équipe de journalistes du Quotidien du Peuple du PCC et j’ai été instruit que la mission principale du journal était de mettre en avant les principes et les politiques du Parti ainsi que de protéger les intérêts et l’image de ce dernier.

Jamais il ne m’a été demandé d’écrire un reportage ou de diffuser des informations.

Tromper le public

Le Quotidien du Peuple a une fonction que n’ont pas les documents «tête rouge»: tromper le public. Hu Jiwei, l’ancien président du Quotidien du Peuple, a ainsi décrit le journal: «La seule vérité est la date de publication du journal, tout le reste n’est qu’imposture».

Les Chinois avisés qui lisent le Quotidien du Peuple savent qu’il faut inverser les informations: si le journal dit que c’est excellent, c’est que cela doit être terrible; s’il dit que l’avenir est radieux, alors il sera sombre.

Tous les jours ou presque, les éditeurs et les reporters du journal du Parti sont informés de ce que veulent les dirigeants. Ils cherchent ensuite des sujets sur lesquels faire des reportages afin de transmettre les messages des dirigeants.

Il est aussi demandé aux éditeurs de respecter la volonté des plus hauts dirigeants du Parti. Le soi-disant consensus ne s’accorde qu’avec les hauts dirigeants du Parti. Le Quotidien du Peuple doit surtout avoir la plus grande cohérence possible.

Ces derniers temps, j’ai lu le Quotidien du Peuple et j’ai souvent vu les activités de Xi Jinping relatées en première page, ce qui n’a absolument aucun intérêt médiatique. Mais pour le Quotidien du Peuple, rien au monde n’a plus d’importance que le dirigeant du PCC serrant la main d’un dirigeant étranger.

Une machine de propagande

Le régime communiste chinois repose sur la propagande pour gouverner la Chine et le Quotidien du Peuple représente sa machine de propagande la plus remarquable. Parmi les différents médias chinois, seul le président du Quotidien du Peuple est autorisé à assister aux réunions du Comité permanent du bureau politique du PCC.

Tout commentaire publié dans le Quotidien du Peuple reflète les idées des autorités centrales du Parti. Tous les éditoriaux et les commentaires doivent être préalablement approuvés par les membres du Comité permanent ou même par le Secrétaire général du Parti avant d’être officiellement publiés.

Le Quotidien du Peuple fonctionne grâce à des fonds directement affectés par les autorités centrales du PCC. Avoir un tirage quotidien de 2,5 à 3 millions de copies est impossible à réaliser sans le décret administratif et réglementaire du Parti.

Les différentes unités du régime reconnaissent aussi l’importance de la souscription: lire le Quotidien du Peuple est le seul moyen de connaître les idées et la volonté des autorités centrales du Parti et d’éviter ainsi de faire des erreurs au travail.

Documents de référence interne

La moitié des journalistes du Quotidien du Peuple partagent une mission commune: écrire les soi-disant documents de «référence interne» au nom des cadres du Parti.

Le Quotidien du Peuple publie une référence interne deux fois par jour et celle-ci va directement sur le bureau des membres du bureau politique. Les informations classées «top secret» sont immédiatement envoyées aux membres du Comité permanent du bureau politique.

La référence interne a le pouvoir de modifier la carrière d’un responsable ou l’administration d’une région. Tous les niveaux de représentants des autorités traitent donc les journalistes du Quotidien du Peuple avec respect. Lorsque je travaillais pour le Quotidien du Peuple en tant que correspondant de la Zone économique spéciale de Shenzhen, j’ai écrit une référence interne dans laquelle je mentionnais que la position géographique de l’aéroport de Shenzhen avait été mal choisie. Cette référence a finalement abouti au déplacement de l’aéroport de Baishizhou, un sanctuaire d’oiseaux dans les environs de l’Université de Shenzhen, à Huangtian, où se trouve aujourd’hui l’aéroport.

Aujourd’hui, la plupart des journalistes du Quotidien du Peuple acceptent des pots-de-vin des représentants des autorités et des propriétaires d’entreprise. Les journalistes sont récompensés de centaines de milliers de yuan lorsqu’ils publient un rapport faisant l’éloge des représentants ou des entreprises. Les sommes sont même encore plus élevées si une référence interne est écrite à leur propos.

Promotions

Les éditeurs des journaux tenus par le PCC sont engagés comme cadres du Parti.

Les présidents et les éditeurs en chef du Quotidien du Peuple sont souvent choisis parmi les secrétaires provinciaux du Parti, les ministres des autorités centrales ou les généraux d’armée reconnus. Les personnes ayant de l’expérience dans le journalisme sont rarement promues aux postes de hauts cadres à moins qu’elles ne soient prêtes à laisser le PCC détruire leur personnalité.

L’actuel éditeur en chef du Quotidien du Peuple était autrefois un de mes collègues au service des reportages. À l’époque, il était correspondant de la province du Hebei et donnait l’impression d’être serviable et bien élevé. Cependant, maintenant qu’il est éditeur en chef, il prétend que le noir est blanc et il est devenu promoteur des valeurs anti-universelles et de l’anti-démocratie en faveur du PCC.

Version en anglais: Former People’s Daily Reporter: How China’s Party Media Works

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