États-Unis et Arabie Saoudite: Un mariage sans amour

Écrit par Amanda Ufheil-Somers, Focus sur la Politique étrangère
26.04.2014
  • Le Président américain Barack Obama (à droite) et le Roi d’Arabie Saoudite, Abdullah Bin-Abd-al-Aziz Al Saud, se serrent la main après leur réunion dans le Bureau Ovale de la Maison Blanche, le 29 juin 2010, à Washington, D.C (Roger L. Wollenberg-Pool/Getty Images)

Parmi les candidats à une thérapie de la politique étrangère mondiale, l’alliance entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite est un cas d’école d’un «mariage sans amour.»

Bien que les valeurs des deux États soient en désaccord, selon la pensée habituelle, la grande démocratie et la monarchie absolue sont liées ensemble par un intérêt mutuel à la stabilité du Golfe Persique, abritant près de la moitié des réserves mondiales reconnues de gaz naturel et de pétrole.

Les défenseurs de ce couple affirment que les transgressions de l’Arabie – violations des droits de l’homme, rhétorique sectaire, financement de groupe islamiques radicaux – devraient être pardonnés au nom d’un bonheur sur le long terme. Cette stratégie correspond à la théorie diplomatique consistant à «ne jamais aller se coucher en colère».

En accord avec ces principes, la rencontre entre le Président Barack Obama et le Roi Abdullah, fin mars, aurait eu pour but de rassurer le potentat vieillissant sur le fait que Washington demeure fidèle à une «relation spéciale» vieille de sept décennies.

Les dirigeants américains resteront fidèles, en dépit des désaccords avec Riyad sur la façon de soutenir les forces rebelles en Syrie, la répression de la junte sur les frères musulmans en Égypte et les négociations en cours sur le programme nucléaire en Iran.

Le régime saoudien, quant à lui, flirte avec d’autres puissances, comme la Chine, le Japon et l’Inde.

Ce n’est peut-être pas une si mauvaise chose.

L’engagement des États-Unis sur la domination arabe dans le Golfe Persique a un coût réel. Le royaume a utilisé sa richesse, ses privilèges et la cache considérable du matériel militaire américain pour soutenir amicalement les régimes autocratiques dans le Golfe et au-delà.

En 2011, les soldats saoudiens ont aidé à écraser les manifestations populaires dans le Bahreïn voisin. Les prêts de plusieurs milliards de dollars à l’Égypte ont permis à l’armée de rafistoler une économie faible tout en consolidant son pouvoir par l’emprisonnement (voire pire) de milliers de frères musulmans et de militants laïques de l’opposition.

En Syrie, le royaume continue à alimenter le conflit en fournissant argent et armes aux divers milices anti-Assad, et a incité les États-Unis à lever son interdiction sur l’envoi d’armes anti-aériennes aux rebelles Syriens.

Malgré des discussions visant à mettre fin aux bains de sang, le régime saoudien considère la guerre civile comme une bataille de procuration dans sa lutte contre l’Iran pour une influence régionale. La guerre en cours pourrait convenir aux intérêts de Riyad encore davantage qu’une victoire des rebelles. Des indices montrant que l’administration Obama pourrait céder à la pression royale sur un armement accru seraient ainsi de mauvais augure pour les Syriens et pour les perspectives de relations diplomatiques facilitées avec l’Iran.

Le soutien indéfectible américain a aussi donné au régime Saoudien un chèque en blanc pour réprimer – souvent brutalement – toutes les critiques internes. Les femmes, l’importante minorité chiite et les millions de travailleurs étrangers, ne bénéficient pas tous d’un semblant d’égalité de droits et de protections, dans un cadre légal.

Il est difficile pour Washington de faire valoir qu’il soutient les mouvements pro-démocratiques dans le monde arabe, alors que son allié arabe le plus proche est résolument anti-démocratique.

En janvier, l’Arabie Saoudite a étendu sa définition légale du terrorisme pour y inclure tout acte visant à perturber l’ordre public ou insulter l’État. Comme l’a souligné Human Right Watch, la loi ne précise même pas que les actes doivent être violents pour être qualifiés de terroristes. La formulation du nouveau code est si vague que prendre part à une manifestation ou publier un éditorial critique pourrait maintenant, être considéré comme terrorisme.

L’application d’une violente censure à l’intérieur et l’ensemencement de crises permanentes à l’étranger sont deux piliers douteux de stabilité. À la moindre étincelle, ce breuvage de sorcière composé de répression et de chaos, mènera probablement à des conflits plus explosifs.

Comme avec toutes les relations dysfonctionnelles, l’approche des États-Unis envers l’Arabie Saoudite semble être motivée plus par l’habitude que par la stratégie. Et il serait irresponsable d’agir autrement, le régime écrasant tous les défis à ce statu quo répressif.

Les mariages sans amour ne mènent qu’à la trahison, à l’amertume et au désespoir. Il est temps pour les États-Unis de se séparer de l’Arabie Saoudite.

Amanda Ufheil-Somers est rédactrice en chef de Reportage du Moyen-Orient, publié par le Projet de recherche et d’information sur le Moyen-Orient. Publié originellement dans Focus sur la Politique Étrangère sous Creative Commons License 3.0.

Les points de vue exprimés dans cet article, constituent l’opinion de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les points de vue d’Epoch Times.

Version en anglais: U.S. and Saudi Arabia: A Loveless Marriage

Epoch Times est publié en 21 langues et dans 35 pays.