L’Europe entre deux eaux

Écrit par Aurélien Girard, Epoch Times
11.05.2014
  • Drapeau europeen. (Wikimedia Commons)

ÉDITO – Si l’Europe n’avait été… Après un 8 mai comme rappel des raisons fondamentales de la création de l’Union, la campagne des élections législatives européennes reprend. Le retour à l’histoire aura réveillé le souvenir des fondations: notre continent avait été détruit par la violence des ambitions nationales, par le trait trop épais des frontières, et par l’utilisation des gonflements de poitrine et des campagnes militaires pour cristalliser des fiertés nationales par dessus les difficultés économiques. La «der des der», celle de 1914-1918, n’avait été qu’une séance de répétition aux grands massacres de 1939-1945; comme si rien des kilomètres de cimetières et des champs d’obus n’avait pu nettoyer vraiment le poison d’esprit de lutte intoxiquant l’âme humaine.

En 1945, l’Europe épuisée, humiliée tout entière, n’avait plus que des larmes. Elles arrosèrent la naissance de l’Union: claironner la fin des guerres ne suffisant plus, il fallait une Mère Europe pour que les nations soient enfin ensemble l’une avec l’autre – qu’il n’y ait plus le futur de l’Allemagne et celui de la France mais un futur commun pour les deux peuples. Presque 70 ans après, les larmes ont séché. Les parents de 1945 sont devenus grands-parents, arrière grands-parents et sont partis avec leurs souvenirs. La paix sur le continent est devenue si évidente qu’on ne l’envisage plus absente et que le formidable effet de la création de l’Union est une page tournée. Aujourd’hui, celle-ci est pour une partie de l’opinion publique coupable de nous imposer des règles absurdes, de limiter les marges de manœuvre des nations y compris dans les périodes de crise et de créer une compétition économique déséquilibrée entre pays membres, ceux-ci n’ayant harmonisé ni leur fiscalité, ni leurs politiques sociales. Le regret du temps des nations souveraines fleurit.

Dans une faible tentative de renaissance du moteur franco-allemand, samedi 10 mai, Angela Merkel et François Hollande ont bu quelques bières ensemble dans un port de pêche du nord de l’Allemagne et se sont tutoyés en parlant du rachat d’Alstom et de la situation en Ukraine. Sans espoir de changer la donne: l’élection des députés européens, événement politique mineur, sera boudé par près de deux électeurs sur trois et donnera l’occasion de nouvelles déclarations de désamour à une Europe qui n’a su gérer qu’avec retard la crise économique de 2008 et est inaudible sur les grandes questions internationales.

Les chants des marins allemands, avec leurs navires perdus dans les brouillards de la Baltique et les créatures étranges de leurs eaux, ont-ils rappelé à M. Hollande et à Mme Merkel les couloirs de la Commission européenne? Quelque part entre deux eaux car n’étant plus assemblée de nations souveraines et pas encore assemblée fédérale, l’Union navigue, objet étrange ressemblant un peu à un vainqueur 2014 de concours Eurovision. Conchita Wurst, avec ses hésitations identitaires, n’est pas loin de pouvoir symboliser l’Europe à ce stade de sa construction: en voulant être un petit peu de tout, en tentant le consensus entre positions opposées de 27 pays aux besoins et visions différentes, elle finit par n’être rien vraiment. La tentation est évidemment alors forte pour beaucoup de revenir à l’identité plus claire d’une nation et au village natal.

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