Implications d’une réconciliation entre le Hamas et le Fatah

Écrit par Paul Scham
04.05.2014
  • Azzam al-Ahmed, chef de la delegation palestinienne du Fatah, Ismail Haniya, Premier ministre de la Bande de Gaza et Musa Abu Marzuk, dirigeant adjoint posent pour une photo dans la Bande de Gaza, le 23 avril 2014. (Said Khatib/AFP/Getty Images)

Soudain les journaux et Internet sont pleins d’articles et d’analyses annonçant que le Hamas et le Fatah ont atteint un accord pour créer un gouvernement d’unité et de nouvelles élections palestiniennes. Israël a brisé les «négociations de paix» déjà moribondes avec l’Autorité Palestinienne (A.P) et les États-Unis ont dénoncé la réconciliation alors que l’Union Européenne l’a bien accueillie. Les sceptiques notent que nous avons vu à plusieurs reprises des tentatives de réconciliations depuis que le Hamas et le Fatah ont dissous leur gouvernement d’unité à courte vie, lors d’une série de confrontations sanglantes en 2007, lorsque le Hamas a pris le contrôle de Gaza et que le Fatah tient la Cisjordanie. Cette tentative de réconciliation pourrait exploser dans quelques jours ou quelques semaines. Mais qu’en sera-t-il si cela ne fonctionne pas? Quelles en sont les probables implications? Est-ce un pas en avant ou, comme l’affirme le gouvernement israélien, une preuve que l’OLP a adopté la terreur au lieu de la paix?

Une réconciliation Hamas-Fatah est probablement conforme aux intérêts d’Israël. Étant donné la période de cette décision, il a la possibilité de transformer pour le mieux le processus de paix effondré – cependant, malheureusement, les complications politiques émanant de toutes les parties rendent ce cas plutôt improbable.

Comme tous l’ont maintenant reconnu, la phase actuelle (Kerry) des négociations a échoué, avant même qu’Israël n’y mette officiellement un terme. Israël souhaitait libérer le dernier groupe de prisonniers qu’elle avait promis de libérer ou de geler la colonisation, qui étaient des conditions de base pour l’Autorité Palestinienne. Abbas a provisoirement choisi l’option de Nations Unies, ce que les États-Unis et Israël ont vu comme une rupture d’accord. Bien que peu probable, les responsables palestiniens ont même envisagé la possibilité de la disparition de l’Autorité palestinienne (A.P), puisque si elle ne peut négocier un État, quelle serait sa raison d’être? Cette dernière possibilité ne risque probablement pas de se produire puisque chacun a besoin d’une entité palestinienne dans les négociations, mais cela, ajouté à  la crise financière de l’Autorité palestinienne et l’incapacité générale d’Abbas à améliorer la condition palestinienne, a donné un changement de cap essentiel.

L’autre force majeure palestinienne est le Hamas, encore soutenu par 30 à 40% des Palestiniens. Il est, si c’est possible, dans une situation pire que l’A.P. En tant que section palestinienne des Frères Musulmans, il s’est senti obligé de se tenir aux cotés des rebelles Syriens soutenus par les Fréres, et ainsi, forcement, rompre ses relations de longue date avec l’État syrien et ses sympathisants, l’Iran et le Hezbollah. Ceci a été plus que compensé par ses relations avec le Président Morsi d’Égypte, jusqu’à ce qu’il soit renversé par l’armée égyptienne en juillet 2013. Depuis lors, les centaines de tunnels par lesquels Gaza a obtenu beaucoup de ses approvisionnements ont été détruits, et le Hamas est isolé, sans ami et brisé. Il a tenté la réconciliation avec les nouveaux dirigeants iraniens mais cela n’a pratiquement pas rattrapé ce qu’il a perdu. Le Hamas n’a jamais été à un niveau si bas, mais, peut-être de façon surprenante, son soutien politique, bien que quelque peu diminué est toujours substantiel.

Comme beaucoup l’ont souvent fait remarquer, même si Israël a trouvé un accord avec l’A.P – ce qui semble plus réalisable que jamais – l’assentiment du Hamas est essentiel. Sans quoi, cet accord ne pourrait pas être mis en place. Ainsi, il est évident qu’il ne peut y avoir de paix Israélo-palestinienne crédible sans que le Hamas y consente, du moins tacitement.

Mais est-ce un fantasme? Le Hamas n’est-t-il pas irrévocablement engagé à la destruction d’Israël?  Comment l’A.P peut-il rejoindre un gouvernement avec le Hamas et déclarer encore vouloir la paix?

Le fait est – et ceci a été rapporté incessamment par de nombreuses sources crédibles – que le Hamas, comme la plupart des organismes complexes, n’est pas un simple d’esprit. Il proclame lui-même être dédié à la destruction d’Israël, mais a indiqué de nombreuses fois qu’il accepterait une solution à deux États et, presque désespérément – a tenté de faire valoir ses trêves avec Israël et l’empêchement des groupes les plus radicaux de lancer des roquettes. Comme l’OLP le répète maintenant, le Hamas semble préparé à autoriser l’A.P à négocier la paix tant qu’elle est ratifiée par un référendum populaire palestinien. Il hait Israël mais il existe des indications reconnaissant qu’il doit coexister avec elle.

Mais Israël ou qui que ce soit peut-il croire le Hamas? Qu’en est-il s’il ment?

Bien entendu, Israel ne peut faire confiance au Hamas; la confiance est totalement absente parmi les parties en conflits et est probablement le facteur le plus important de l’inaccessibilité à la paix. Le Hamas doit mettre en place ce que les observateurs et l’OLP affirment qu’il fera. Il doit coopérer avec l’OLP en préparant de nouvelles élections – qui ont maintenant cinq ans de retard – et être d’accord sur le fait que les négociations doivent être menées par le nouveau gouvernement, ainsi qu’un référendum. Pendant ce temps, Israël ne se désarmera pas elle-même. Si le comportement du Hamas ne concorde pas avec l’avancée vers une résolution pacifique, Israël a maintenant démontré d’innombrables fois qu’il sait quoi faire.

Si le Hamas veut réellement la paix, pourquoi n’accepte t-il pas les trois quart des conditions, en particulier, reconnaître Israel, le désarmement et s’engager à respecter les accords passés?

Les parties et les nations sont souvent attachées à des idéologies sur lesquelles elles insistent pour tenir, après qu’elles soient devenues non viables pour une variété de raisons, impliquant habituellement des politiques intérieures. La viabilité organisationnelle du Hamas ne concerne pas Israël ou les États-Unis, mais concerne beaucoup les dirigeants du Hamas, qui n’ont pas plus confiance dans le désir de paix d’Israël, qu’Israël n’en a dans le leur. Ainsi, ils n’abandonnent pas les parties essentielles de leur idéologie (ou récit) jusqu’à ce que les actes d’Israël les convainquent du contraire. Voilà comment les organisations fonctionnent habituellement. Et l’expérience de l’OLP en acceptant Israël – et tentant toujours d’établir un État, 21 ans plus tard, peu importe à qui en incombe la faute – n’inspire pas les dirigeants du Hamas à la confiance.

Mais comment Israël peut-il traiter avec un gouvernement de l’Autorité palestinienne dans lesquels certains des membres refusent de reconnaitre Israël et le déclarent illégitime? N’est-ce pas absurde?

La réponse est que ce n’est pas plus absurde que la situation de l’OLP traitant avec un gouvernement israélien dans lequel la majorité de ses membres exprime le scepticisme ou une opposition catégorique à une solution à deux États, ce qui est actuellement le cas. Et il n’y a pas de cas dont je me souvienne où la «reconnaissance» d’un État étranger ait été demandé à un mouvement politique ou un parti, comme condition de négociations. La reconnaissance est un acte d’État à État qui ne concerne pas un acteur qui ne soit pas un État, et personne, pas même le Hamas, affirme que le Hamas est un État.

Mais tout ceci fonctionnera t-il? L’accord de réconciliation sera-t-il réellement consommé? Le Hamas peut-il véritablement accéder à une solution à deux États et, plus important, vivre avec?

Bien entendu, ce sont de grandes inconnues. Même avec la confiance et la bonne volonté, les opérations politiques de cette délicatesse et de cette complexité échouent souvent. En leur absence complète, la probabilité de réussite est proportionnellement plus petite. Mais, s’ils échouent, il est difficile d’imaginer que la situation pourrait être plus catastrophique qu’elle ne l’est aujourd’hui. Personne n’abandonnera ses armes ou ses positions stratégiques sans un processus allant de l’avant d’une façon vérifiable et mutuelle.

Malheureusement, il est peu probable que beaucoup – ou une partie de ceci - se produise, du moins, pas rapidement. Bien que l’Union Européenne ait pris une position positive, les États-Unis et Israël voient la réconciliation comme une trahison du processus de paix – même s’il s’agit d’un processus de paix qui semble s’être effondré. Mais le fait demeure que le Hamas est indispensable à une paix authentique – et à moins que les implications de ce fait ne soient reconnues et prises en comptes, nous continuerons à nous diriger dans la même impasse que nous voyons aujourd’hui.

Cet article est d’abord apparu sur le Blog de Partenaires pour le Progrès pour Israël. Republié d’après l’institut du Moyen Orient

Le point de vue exprimé dans cet article sont les opinions de(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement les points de vue d’Epoch Times.

Version en anglais: Hamas-Fatah Reconciliation? The Implications

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