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Être Québécois, dans la joie et à long terme?

Perte de joie et de sens d’être Québécois

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
24.06.2014
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  • Des vagues et des vagues de drapeaux du Québec sont brandis fièrement chaque année le 24 juin. (Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal)

Employée à la bibliothèque du collège privé André-Grasset à Montréal, Jacinthe Murray est à la fois au cœur d’un lieu où la culture québécoise foisonne, mais aussi dans un cégep où les cours de français sont obligatoires, dont un portant sur la littérature québécoise. Son poste lui permet de prendre chaque occasion qui passe pour s’entretenir librement avec les jeunes, tel que le ferait une érudite altruiste. Dans ses échanges, elle à l’occasion d’entendre où en sont les jeunes dans leur cheminement de vie, tout en leur partageant des tranches de sa propre vie. La question autour de l’identité québécoise, au sens large, revient régulièrement dans les discussions. Elle ne se sent pas «l’esprit festif» lorsqu’elle pense à ce que les Québécois deviennent. Dans sa grande lucidité, elle n’a pas trop d’éloges à faire aux Québécois, bien qu’elle en soit une de souche.

«Si on regarde l’histoire du Québec depuis la colonisation, les Québécois étaient des gens de party, qui se recevaient les uns les autres, qui dansaient le rigodon, qui s’amusaient et ça a été comme ça jusqu’à l’avènement de la télévision. Avant, on invitait les gens dans de vieilles maisons, on avait des planchers solides qui se lavaient facilement et on pouvait même y danser avec ses souliers. On tassait les tables pour faire de l’espace. On ne se demandait pas si on salissait le sol ou si on faisait des égratignures sur les meubles. Il y a eu une déviation de l’utilité d’une maison qui est devenue comme quelque chose qu’on ne doit pas déranger. On reçoit donc de moins en moins, on veut conserver l’image figée “d’espace décor”, on reste seulement à la table pour discuter. Ça change le sens de la fête. À partir de la télé, les gens ont graduellement arrêté de voir leur famille au sens large et ils se sont concentrés à passer leurs journées dans leur foyer “moderne”», raconte-t-elle.

 

«La fête de la Saint-Jean, tel qu’elle se célèbre aujourd’hui, donne la place à tous les excès. La parade joyeuse, ça c’est resté, mais elle n’existe plus nécessairement dans toutes les petites localités. Ce qui suit la fête, le côté festif, est devenu un prétexte de s’enivrer, de salir des territoires, d’être irrespectueux des lieux que l’on occupe. Être Québécois et fêter la Saint-Jean, ça ne devrait pas être une orgie de quoi que ce soit où les risques d’accident existent. Cette fête est devenue une fête parmi d’autres, c’était une fête très importante il y a quelques décennies. Ça devient quelque chose de commun et ça perd son sens. Je me souviens qu’on y retrouvait Saint-Jean-Baptiste et un mouton dans les défilés, comme la fête a des origines païennes», fait comprendre Jacinthe Murray.

L’histoire

«Les jeunes ne sont plus Québécois, mais plutôt “Citoyens du monde” dans cette époque de mondialisation et ça suit une certaine logique. Ils parlent plusieurs langues, ils ont les moyens de visiter facilement les pays étrangers, ils développent des carrières à l’international et soutiennent des causes humanitaires partout sur la planète, sans compter qu’ils communiquent sur Internet dans le monde entier. Évidemment, on est dans un autre extrême que le Québec “tricoté serré”», constate Mme Murray.

«Remettre l’enseignement de l’histoire devrait ramener l’intérêt pour l’identité québécoise, mais pas de manière dogmatique tel que le souhaitait jadis Pauline Marois. On ne peut accepter un type d’enseignement avec une vision unique qui “cogne sur le clou” comme si on réprimandait un enfant qui nie son identité en étant mondialiste. Enseigner l’histoire le plus près de l’objectivité possible avec les points de repère, d’où on vient et où on va, serait l’idéal. Non seulement il faudrait l’enseigner, mais il faut au minimum cultiver l’ouverture d’esprit chez les jeunes», précise l’employée de la bibliothèque du collège André-Grasset.

«J’ai récemment parlé à une étudiante pour un de ses travaux. Je lui ai fait part que la guerre 1914-1918 avait engendré beaucoup de morts chez les Canadiens, en particulier chez les Québécois. Elle s’est mise à rire. Pour elle, et pour bien d’autres, ce qui s’est passé il y a 100 ans, on ne s’occupe pas de ça. Bien des gens ne veulent pas se référer à ce qui date de 30 ou 40 ans en arrière», s’attriste Mme Murray.

«Je ferais un parallèle avec le féministe. Les jeunes filles d’aujourd’hui ne s’occupent pas des gains acquis du travail des féministes. Elles pensent que le marché de l’emploi leur est ouvert, la liberté sexuelle leur est permise, mais elles ne se rendent pas compte qu’elles redeviennent des poupées Barbie avec la mode, le sexe, etc. Elles ne se rendent pas compte de l’infantilisation qu’elles subissent, ce qui était contesté à l’époque. L’histoire du féministe est donc complètement oubliée. La grande amnésie continue de s’entretenir», partage Jacinthe Murray.

«Ça ressemble aux discours des politiciens : “le progrès”, “aller en avant”, “oublions les magouilles et passons à autre chose”. On enterre tout ce qui nous dérange et on oublie. La devise du Québec “Je me souviens” est ridicule dans le contexte, mais le symbole du mouton, lui, reste. On est mouton. On s’est fait avoir historiquement à plusieurs reprises, on se fait maltraiter, on se fait berner, mais ce n’est pas grave. On bêle, mais on ne mord pas, et en route vers l’abattoir», tranche Jacinthe.

La langue

«Une excellente façon de voir que le Québec est en danger est la manière dont on parle le français. Sa menace provient d’abord du fait qu’on ne veuille pas bien le parler. Quand j’enseignais dans les écoles, aussitôt que j’ouvrais la bouche, on voulait m’insulter en disant que je venais de la France, alors que je leur parlais un français international. Comme si être québécois voulait nécessairement dire “parler joual”, à moitié français et à moitié anglais. On sabote notre langue en ne voulant pas s’identifier au français. On a honte d’être d’origine française. Avant de parler 36 000 langues et de s’en vanter, on pourrait être fier de bien parler sa langue première, mais aucun travail n’est fait là-dessus. Ce n’est pas notre système d’éducation qui va réussir ça, parce que les enseignants actuels, peu importe le niveau, ont un français très pauvre», affirme la bibliothécaire.

Dans le cégep où elle travaille, Jacinthe affirme qu’on y parle un français de qualité. «Est-ce que ça veut dire qu’il faut aller vers l’école privée? Le privé ne garantit pas non plus qu’il sera bien enseigné et parlé. Est-ce qu’il va falloir engager des professeurs de pays qui ont été colonisés par les Français, qui enseignent et parlent bien la langue de Molière pour remettre les pendules à l’heure? Si les familles éclatées ne permettent pas qu’on transmette les valeurs, la langue, le respect d’être Québécois, ça ne peut pas faire autrement que se dégrader comme la religion s’est dégradée», constate Mme Murray.

«Radio-Canada a ouvert les Québécois non instruits à la langue française. Bien parler, bien écrire. Une personne comme mon père, qui ne savait ni lire ni écrire, parlait bien. Il écoutait Radio-Canada. Maintenant, cette société d’État est à la dérive. On n’a plus de modèle médiatique pour rectifier le tir. On parle mal le français maintenant dans les écoles, dans les médias et dans la rue», pense-t-elle.

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