Vol de la propriété intellectuelle sanctionnée par Pékin

Le régime chinois cible les firmes étrangères, mais le Canada semble l’ignorer

Écrit par Matthew Little, Epoch Times
10.06.2014
  • Les trains à grande vitesse comme ceux-ci relient les grandes villes chinoises. Les firmes étrangères dans ce domaine ont été forcées de partager leur propriété intellectuelle avec des firmes chinoises afin d’accéder au marché chinois et, maintenant, ces firmes chinoises vendent leurs trains à l’étranger. (Peter Parks/AFP/Getty Images)

OTTAWA – Le régime communiste chinois mise énormément sur son programme dit «d’innovation indigène», qui comprend un nombre de politiques favorisant les entreprises chinoises et ciblant les firmes étrangères qui connaissent du succès dans le marché chinois.

Les États-Unis soulèvent la question depuis des années, mais on ne peut en dire autant du Canada.

La seule preuve que le Canada est au courant de ce programme se trouve dans un câble diplomatique américain de l’ambassade des États-Unis à Pékin, envoyé au département d’État à Washington en 2009 et divulgué en ligne par WikiLeaks.

On peut y lire que «l’ambassade canadienne a rapporté qu’elle étudie encore la question».

Le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD) confirme n’avoir jamais mentionné publiquement le programme d’innovation indigène. Les questions posées au ministère au sujet des politiques chinoises d’innovation indigène ont été répondues avec des points de discussion promettant que l’accord sur les investissements avec la Chine allait offrir une plus grande protection de la propriété intellectuelle.

Capitalisme national

Le régime chinois utilise des politiques d’innovation indigène afin d’encourager les entreprises locales, particulièrement les sociétés d’État, et de réduire la part de marché des compagnies étrangères en Chine.

Par exemple, un catalogue d’approvisionnement national dicte que l’équipement industriel doit être procuré chez des entreprises locales, ou «réinnové» en utilisant la propriété intellectuelle des firmes étrangères. Beaucoup de ces firmes étrangères ont investi de larges sommes pour développer des produits en Chine afin d’être autorisées à les vendre en Chine.

Les firmes étrangères sont également affectées par la loi anti-monopole de 2006 qui impose une limite aux redevances qu’elles peuvent exiger des firmes chinoises et qui réduit d’autres droits en matière de propriété intellectuelle. Des amendements apportés à la loi chinoise sur les brevets à la fin 2008 ont également étendu la licenciation obligatoire aux entreprises chinoises, forçant ainsi les firmes étrangères à fournir à leurs compétiteurs chinois les fruits de leur recherche et développement.

Loi c. loi

Le MAECD n’a pas été en mesure d’indiquer quelles seront les conséquences de l’accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) Canada-Chine sur les politiques d’innovation indigène.

Le ministre du Commerce international, Ed Fast, a déclaré à Époque Times que des questions comme les limitations sur les brevets qui favorisent les firmes chinoises pourraient aller en arbitrage en vertu de l’APIE.

«Ce serait les arbitres qui détermineraient si en effet une telle discrimination a eu lieu et si elle tombe dans une des catégories exclues», affirme-t-il.

Ces «catégories exclues» constituent des mesures non conformes et il semble que la vaste majorité des politiques d’innovation indigène, sinon toutes, ne serait pas couverte par l’APIE.

Vol légalisé

Essentiellement, l’innovation indigène permet au régime chinois de créer un cadre juridique permettant d’absorber la propriété intellectuelle étrangère, au lieu de la protéger, et de l’utiliser ensuite à l’encontre des firmes étrangères.

Un bon exemple est le domaine du rail, où le ministère chinois des Chemins de fer a forcé des firmes étrangères à former des coentreprises avec des sociétés d’État. Des compagnies comme Siemens et Kawasaki Heavy Motors ont été forcées à partager leur technologie afin de pouvoir vendre leurs trains en Chine. Maintenant ces mêmes compagnies chinoises vendent leurs propres trains partout dans le monde.

«Il semble donc que le transfert de technologie des entreprises étrangères ait permis aux compagnies chinoises de devenir des compétiteurs internationaux dans le domaine des chemins de fer», indique le témoignage de Jeremy Waterman, de la Chambre de commerce des États-Unis, devant la Commission américaine sur le Commerce en 2010.

M. Waterman affirme que les politiques d’innovation indigène sont utilisées par la Chine pour se dérober de ses obligations devant l’Organisation mondiale du commerce.

Pékin accuse les firmes étrangères de nuire au développement de la Chine avec leurs brevets étouffants et utilise cette rhétorique pour mousser l’appui aux politiques d’innovation indigène.

Un article publié le 1er juin par Xinhua, l’agence de presse du régime, promet dans son titre que l’ère du «wild west» où les firmes étrangères causaient des problèmes à la Chine arrive à sa fin.

L’article cite des experts anonymes qui proclament que la période où les firmes étrangères avaient un accès illimité à la Chine va disparaître pour ne jamais revenir. (Les firmes étrangères qui ont fait des pieds et des mains pour entrer en Chine vont probablement trouver cette tirade questionnable.)

Le Canada en Chine

Le ministre Fast est bien au courant du problème de vol de propriété intellectuelle. Il affirme qu’il s’agit des plus grandes préoccupations que lui font part les entreprises canadiennes quand il se rend en Chine.

M. Fast fait néanmoins miroiter les occasions pour les entreprises canadiennes en Chine. Il souhaite voir l’augmentation des exportations canadiennes et a annoncé l’ouverture de quatre nouveaux bureaux de commerce en Chine durant son voyage en mai dernier.

M. Fast affirme que les délégués commerciaux en Chine vont aider les firmes canadiennes à éviter les problèmes.

Le Service des délégués commerciaux ne fait aucune mention des politiques d’innovation indigène. Plusieurs députés conservateurs qui travaillent sur le dossier chinois n’ont jamais entendu parler du terme.

Erin O’Toole, la secrétaire parlementaire de M. Fast, affirme que l’APIE donnerait aux entreprises canadiennes – qui ont une protection minime contre le vol de propriété intellectuelle en Chine – au moins une forme de recours : les actions en justice.

Porte de sortie

Mais un procès selon l’APIE est mieux utilisé comme une stratégie de sortie, affirme Todd Weiler, un avocat qui représente les investisseurs dans les tribunaux des APIE. Poursuivre le régime chinois, ou tout autre gouvernement autoritaire ou corrompu, entraînera très probablement des représailles, estime-t-il.

Vous ne pouvez poursuivre et vous attendre à vous réconcilier, souligne M. Weiler. «Ça ne marche pas comme ça.»

M. Fast affirme que l’APIE garantit le rapatriement du capital, mais il n’a pas voulu commenter sur des cas spécifiques lorsqu’on lui a demandé si la valeur première de l’APIE était prise en compte seulement lorsqu’une compagnie décide de quitter la Chine.

Lorsque questionné si l’APIE allait donner aux firmes canadiennes une illusion de sécurité, il a répondu en expliquant le rôle des délégués commerciaux.

«Les délégués commerciaux sont essentiellement des professionnels du commerce qui fournissent à nos compagnies des renseignements venant du terrain.»

Il est possible que les politiques d’innovation indigène préoccupent moins le Canada que les États-Unis, puisque le Canada exporte principalement des matières premières alors que les États-Unis exportent beaucoup plus de produits manufacturés.

Version originale : Canada to Face State-Sanctioned IP Theft in China