Edito – Sur les photos des quelques journalistes qui ont pu s’approcher, on ne voit que des matières calcinées, un vague reste des réacteurs et de longues lignes de sacs plastiques noirs aux contours humains. Les paysans des collines alentour tentent d’aider à protéger les corps des victimes et pleurent près des restes du vol MH17 de la compagnie Malaysia Airlines.

Ailleurs, on s’agite et on rejette la faute sur l’autre: pour Moscou, c’est la faute de Kiev qui – à force de vouloir mettre fin au combat des séparatistes – a fait monter la tension et provoqué la catastrophe. Pour les séparatistes pro-russes, c’est la faute de l’armée ukrainienne, qui n’en est pas à son premier avion civil abattu. Pour Kiev, c’est la faute des séparatistes qui depuis plusieurs semaines attaquent l’aviation ukrainienne. Et pour Washington, c’est la faute de Moscou qui a secrètement transmis des missiles anti-aériens aux séparatistes et a tout fait pour supprimer les preuves avant l’arrivée des enquêteurs internationaux.

Pour compléter l’orchestre de cette musique habituelle, les restes de l’épave du vol MH17 sont pillés, les bagages des victimes vidés par les milices séparatistes dont certains membres ont le bon goût de se prendre en photo devant les débris avec une peluche à la main – celle d’un enfant à bord du vol. Requiem aux passagers sous forme de heavy metal.

«C’est un peu, dans chacun de ces hommes, Mozart assassiné», aurait dit Saint-Exupéry. À la fin de Terre des Hommes, l’aviateur écrivait son angoisse de voir dans le visage d’un enfant déplacé par la guerre, la promesse perdue d’un génie humain étouffé par la dureté du monde – une rose sans chance d’être cultivée. Sur le sol ukrainien ou dans la bande de Gaza, les petits Mozart qui tenaient leur peluche et qui – comme dans Terre des Hommes – dormaient peut-être à côté de leur mère, n’auront pas eu l’option de grandir. Autour d’eux s’agitent en armes des adultes, «marqués comme les autres par la machine à emboutir», Mozart déjà assassinés.

Pour les 298 autres victimes du vol MH17, la contribution au monde s’arrête là. Parmi elles, un éminent chercheur sur HIV qui travaillait à mettre à disposition des traitements à bas coût pour les populations africaines; des bénévoles d’associations, un professeur de droit, plusieurs enseignants, un écrivain, une ribambelle d’enfants. Et un fleuriste du Nord de la Hollande, qui n’aura pas eu le temps de faire un bouquet de toutes ces fleurs coupées.

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