Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

La complexité de l’identité clownesque

Appelez-moi Chocolat… ou Rodrigue Tremblay

Écrit par Kathia-Myriam Guay et Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
07.07.2014
| A-/A+
  • La professeure Francine Côté, au centre, avec l’un de ses groupes d’étudiants.
 (Gracieuseté de l’École de Clown et Comédie Francine Côté)

Du 2 au 13 juillet 2014 se déroule Montréal Complètement Cirque, le festival international des arts du cirque de la métropole, dans lequel on retrouve différents clowns de tout acabit. On se borne à résumer ce métier à un costume clinquant, à un maquillage criard, à un personnage habilement maladroit sans trop faire d’efforts. Pourtant, son identité, sa composition et ses orientations s’avèrent bien plus recherchées et subtiles que l’on peut l’imaginer.

 

«Ce n’est pas parce que tu t’habilles en homme d’affaires que tu es un homme d’affaires. Pour moi, ceux qui s’habillent en clowns bariolés, grotesques, “beurrés”, “surmaquillés”, ce ne sont pas des clowns, même si l’intention n’est pas mauvaise», avance Rodrigue Tremblay, clown âgé de 67 ans, un des premiers clowns du Cirque du Soleil, qui continue à garnir son impressionnante feuille de route. Son personnage, Chocolat, a été créé au début des années 1970. Il a fait sa marque en Europe, aux Jeux olympiques d’été de 1976 à Montréal; la télévision de Radio-Canada, avec l’émission Tout le monde en parlait, ainsi que la chaîne Historia ont reconnu à travers leur contenu le travail du polyvalent Rodrigue, clown possédant une force particulière en musique.

«Dans la tradition, il y a le clown blanc qui symbolise l’autorité, l’intelligence et la connaissance. Il est toujours beau, il paraît bien. Le clown rouge représente plus le peuple, il est toujours habillé avec des vêtements un peu grands, il se veut plus cabotin. Ici, en Amérique, au Canada, au Québec, l’identité du clown a été en quelque sorte usurpée, le mot “clown” est galvaudé. Quand tu regardes le clown Ronald McDonald ou encore le clown Patof, ça a complètement changé l’image de ce que doit être un clown. C’est une des raisons qui donnent des difficultés à avoir de la reconnaissance. On met tous les “clowns” dans le même panier. Il y a tellement de mauvais clowns. Quand tu dis aux gens que c’est ton métier, la plupart du temps, ils ne répondent rien. Ils voient une image préétablie, alors que lorsqu’il constate le travail d’un vrai clown, cela les frappe», indique M. Tremblay.

«En Europe, on peut dire qu’ils aiment les clowns traditionnels. J’ai donné plusieurs spectacles là-bas et je dirais qu’une fois sur trois, on était invité dans les maisons pour manger et faire la fête. Les Européens ont hâte de voir un clown, mais ils aiment ou ils n’aiment pas. Les diffuseurs ici sont de moins en moins sensibles à l’art clownesque. Même si tu as un spectacle de clown de haut niveau, on place le tout spontanément dans une case horaire pour enfant, au lieu d’être grand public», constate l’icône clownesque Chocolat.

«Il y a les Clowns Sans Frontières, c’est social, c’est magnifique, c’est pour aider les gens. De même, on retrouve les Dr Clown, qui donnent de l’espoir, pour permettre aux gens de se rattacher à la vie. Les intentions sont très bonnes», signale le clown d’expérience.

L’organisme Dr Clown compte des clowns «thérapeutiques» et professionnels, œuvrant auprès de deux types de clientèles : des enfants hospitalisés en pédiatrie et des aînés en perte d’autonomie dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD).



Clowns Sans Frontières organise chaque année, et partout dans le monde, des spectacles et des ateliers avec des clowns amateurs pour les populations victimes de la guerre, de la misère ou de l’exclusion.

Paul Chartier, ancien clown des années 1970, associe une mission sociale aux clowns : «J’estime que les clowns, comme les artistes en général, devraient se reconnaître en tant qu’agents de changement, qu’ils fassent attention à ce qu’ils projettent, qu’ils tentent de donner un sens à leurs interventions, qu’ils agissent avec conscience, qu’ils respectent l’intelligence et la réflexion de leurs publics. Faire rire, c’est bon, c’est bien. Faire rire en faisant réfléchir, en riant de soi, de ses limites, de ses travers, c’est mieux, car ça peut faire évoluer. C’est en reconnaissant nos travers que l’on peut se transformer pour le mieux. S’en tenir à faire rire pour faire rire, c’est légitime et souvent très efficace. Personnellement, je trouve que c’est gaspiller son talent, parce que je crois que nos talents doivent être mis au service de l’évolution de l’être humain.»

Ayant fait partie du collectif de clowns La Bebelle, M. Chartier mentionne que l’organisme offrait même une formation clownesque auprès de prisonniers dans une institution carcérale et avait subséquemment incorporé dans son groupe un des ex-prisonniers formés à titre de stagiaire après sa mise en liberté.

  • Rodrigue Tremblay est Chocolat le clown, personnage qu’il a fait évoluer depuis des décennies pour son nouveau spectacle en préparation, Maestro. (Gracieuseté de Rodrigue Tremblay)

N’est pas clown qui veut

«Un clown, c’est quelqu’un qui doit avoir une passion très grande, qui demeure curieux pendant toute sa vie. Cela demande de scruter le monde, de s’en laisser influencer, inspirer. Pour ma part, je lis les journaux, des livres, des magazines de science, tout ce qui me tombe sur la main. Je vais voir des spectacles, je regarde des films, je demeure constamment curieux. Je vais également voir ce que les jeunes font, c’est stimulant», expose en détail Rodrigue Tremblay.

«Pour arriver vraiment à toucher les gens, je dirais que les vrais clowns “en devenir” doivent continuellement développer et peaufiner leur personnage, le rendre toujours plus sensible. Se perfectionner, suivre des cours n’est que la base pour vraiment réussir dans le domaine. Il faut danser, chanter, improviser, il faut bouger, il faut surtout avoir un personnage qui a quelque chose à dire. Il faut se mouiller. Il y a des formations qui se donnent en art clownesque qui permettent notamment de trouver un personnage. Yves Dagenais, René Bazinet et Francine Côté(1) [www.formationclown.com] sont d’excellents coachs de clowns au Québec», rapporte Rodrigue, alias Chocolat.

«Ceux qui vont sortir d’écoles de cirque vont parfois partir d’un numéro technique, d’une série de mouvements physiques. Pour quelqu’un qui a une formation plus théâtrale, c’est le jeu qui mène. Les clowns de plusieurs spectacles du Cirque du Soleil sont plus des personnages clownesques que des clowns. Ils peuvent être remplacés. Moi, j’arrive avec un numéro que j’ai fait, si les gens veulent me remplacer, il faudrait changer carrément le numéro», fait remarquer le clown sexagénaire.

Sensations de clown

«Être clown, c’est un état d’être, un état d’âme qu’il faut parvenir à toucher. On est béni des dieux, c’est comme une forme de yoga ou encore cette euphorie que l’on sent quand on fait rire ses amis. Tu es bien, c’est magnifique, souvent ça se passe alors que tu n’as presque rien fait. Plus tu es vulnérable, plus ton état va devenir beau. Il arrive parfois que tu sois si mal que tu veuilles mourir, c’est atroce quand tu n’es pas dans ton personnage. Il faut faire l’effort d’y retourner. Quand tu entres dans l’état où tu veux être exhibitionniste, ça risque fortement de faire court-circuiter le processus. Il arrive que tu réessaies de retrouver l’état paisible du clown, mais ça ne fonctionne pas. Tu ne te souviens pas du chemin. C’est une mauvaise idée d’accélérer pour retrouver le timing, il faut plutôt ralentir», partage Rodrigue.

«Je n’ai toujours pas vraiment compris pourquoi j’ai suivi cette voie de clown. Il y a certainement le plaisir de faire rire et de toucher les gens par de petites finesses. Au niveau clownesque, mon clown Chocolat est un peu haïssable, taquin, j’utilise l’audace pour aller chercher le public. Il y a plusieurs façons d’aborder le clown. C’est complexe. Quand j’ai creusé un peu plus, je me suis rendu compte que le côté spectacle qui m’anime vient de mon expérience dans le monde de l’encan agricole lorsque j’étais jeune. J’avais de l’admiration pour “l’encanteur”. C’était le straight man, un peu comme un juge avec son maillet. C’est là que j’ai compris ce qu’était une relation avec les spectateurs», se remémore le comique clownesque ayant joué dans bien des endroits du monde.

«Ce n’est pas parce que je suis à ma pension que je vais arrêter de travailler, ce n’est pas vrai! C’est l’expérience que j’ai qui va me permettre d’offrir les plus belles choses, donc je dois en profiter, les gens doivent en profiter. Arrêter serait ridicule. C’est une passion incroyable. Avec mon personnage dans mon nouveau spectacle appelé Maestro, j’ai, entre autres, exactement le visage que je cherchais à avoir il y a des décennies», confie-t-il.

1. Description de l’École de Clown et Comédie Francine Côté

Au Québec, il existe peu d’écoles vouées entièrement à l’apprentissage du Théâtre Physique. Bien souvent, cet art n’est enseigné qu’en périphérie de certaines formations professionnelles. L’École de Clown et Comédie Francine Côté (Canada) est un lieu de métissage des arts physiques, soit art clownesque, bouffon, théâtre physique, jeu masqué, mime (technique gestuelle), slapstick. […] La pédagogie de l’école vise à développer la créativité et la signature de chaque artiste. Nos élèves sont des artistes de différents horizons.

www.formationclown.com

 

 

 

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.