Rencontre

Écrit par Sandra Kunzli, Epoch times
12.08.2014
  • Beaucoup de femmes ne savent pas que le suivi de grossesse peut être réalisé par les sages-femmes. (Wikimédia)

Anne Evrard est sage-femme. Elle est installée en libéral et se forme à l’acupuncture traditionnelle chinoise.

Pourquoi avez-vous choisi de travailler en «libéral»?

Après quelques années passées à l’hôpital, j’ai voulu me rapprocher des parturientes. J’ai choisi ce métier pour son côté humain et je voulais rester authentique à ce choix. L’hyper médicalisation, la systématisation des déclenchements, le manque de personnel et de moyens d’accueil ne laissent plus le temps nécessaire aux femmes d’accoucher physiologiquement et sereinement et nous empêche de les appréhender individuellement. Je voulais m’ouvrir à des méthodes plus respectueuses et moins intrusives.

Depuis 2001, plusieurs manifestations de sages-femmes ont eu lieu. Pourriez-vous nous éclairer sur leurs revendications?

Nous assistons à la disparition progressive de ce métier. Nous sommes peut-être la dernière génération de sages-femmes. Notre métier est complètement étouffé derrière celui des médecins généralistes, des obstétriciens et des gynécologues alors que nous avons chacun notre rôle bien distinct à jouer. Nous ne pouvons plus exercer pleinement notre activité, seulement seconder les obstétriciens. Nous revendiquons la reconnaissance due à ce métier.

Quel sera donc l’avenir des sages-femmes?

Ce qui est à craindre, c’est que nous devenions des infirmières spécialisées entièrement soumises aux médecins. C’est ce que le lobby des médecins est en train de nous réserver pour l’avenir et notre métier est vraiment en danger. Nous assistons à la disparition des sages-femmes, l’un des métiers les plus anciens.

Par quels moyens met-on votre métier «en sourdine»?

Il y a une méconnaissance totale du métier. Par exemple, rares sont celles qui savent qu’elles peuvent faire leur déclaration de grossesse par une sage-femme et que cela fait partie de leur métier en tant que spécialiste de la naissance. Dans la plupart des campagnes d’informations, même celles de la sécurité sociale, cela n’est pas indiqué. Beaucoup de femmes ne savent pas non plus que le suivi de grossesse peut-être réalisé par les sages-femmes. Elles viennent vers nous vers le huitième mois pour la préparation à l’accouchement, presque à la fin du travail, ou après l’accouchement pour remuscler le périnée.

Notre rôle est aussi de préparer les parents à cet événement durant ces neuf mois, de les rassurer, de les accompagner afin qu’à travers toutes leurs interrogations, les femmes prennent entièrement possession de leur corps. Ainsi, fortes de ce travail, elles ont moins peur et elles sont prêtes à accoucher dans des conditions le plus souvent «naturelles». La femme est prise dans sa globalité afin qu’elle retrouve l’autonomie de son corps, et surtout qu’elle n’en soit pas dépossédée. Ainsi, elle ne développera pas ou peu de pathologies. Les résultats de notre travail sont concrets et prouvés dans le rapport Cochrane1.

Dernièrement, deux sages-femmes ont été jugées et radiées. Il semble qu’une ombre pèse sur la profession.

L’Ordre des sages-femmes a envoyé une lettre demandant à chacune d’entre nous, si nous assistions des accouchements à domicile. Il faut savoir que nous pouvons faire des accouchements à domicile, mais il nous est demandé de payer 25 000€ d’assurance par an. Ce qu’aucune d’entre nous ne peut payer. C’est une façon de nous ligoter dans notre fonction.

Sans aucune erreur professionnelle, deux sages-femmes en France ont été radiées. Malgré le soutien qu’ont apporté les collègues et les parents, il semblerait que la décision était courue d’avance. Il n’y a même pas eu d’erreur! Nous assistons à un abus de pouvoir et à l’extermination d’une profession en silence.

L’accouchement à domicile n’est pas un retour en arrière et n’a rien à voir avec ce qu’ont vécu nos ancêtres. Il faut savoir que lorsque des sages-femmes acceptent de le faire, elles ne prennent aucun risque inconsidéré. Il y a plusieurs règles à respecter. Une confiance mutuelle est nécessaire entre les parents et la sage-femme. Enfin, le domicile doit se trouver à moins d’une demi-heure d’un hôpital. Il n’y a pas plus de risque à domicile qu’à l’hôpital et toujours la possibilité de s’y rendre au cas où la mère le désire. Souvent, ce qui pousse les femmes à accoucher à la maison est le désir d’avoir une naissance naturelle sans aucune intervention médicale et la gérance complète de son corps. Ce qui est quasi impossible maintenant en milieu hospitalier.

Ce qui compte, c’est d’avoir le choix. Au même titre que l’on n’obligerait pas une femme à accoucher chez elle, on ne peut obliger une femme à accoucher à l’hôpital. Le plus important est de respecter la pluralité. Certaines ont besoin d’être accompagnées médicalement et d’autres se sentent rassurées chez elles. C’est un combat de femmes pour les femmes et leur santé.

Le plus grave est qu’actuellement, nous fermons les centres hospitaliers de proximité pour voir naître de grandes maternités plus rentables. Nous assisterons à de plus en plus d’accidents, de risques graves pour les mères et les enfants sur le bord des routes et parfois de mortalité comme cela s’est déjà produit.

La naissance est un moment personnel et intime que chacun doit vivre sereinement selon ses besoins. Il en va de la qualité de l’accueil des bébés et parfois de leurs liens affectifs et du devenir de la famille. La qualité d’être des générations futures est de notre responsabilité.

Source : touscoprod

1 http://cochrane.fr