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Commerce équitable 2.0

Défiguration de l’équitable par les multinationales

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
19.08.2014
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  • Selon Dario Iezzoni, le Symbole des petits producteurs marque l’ère du commerce équitable 2.0. (Gracieuseté de la Brûlerie Santropol)

    Crédit : (Gracieuseté de la Brûlerie Santropol)

Joyeux et vaillant défenseur du symbole des petits producteurs, qui, selon lui, devrait être l’unité de mesure par laquelle le commerce équitable devrait passer, Dario Iezzoni, aussi directeur des ventes et marketing de la brûlerie Santropol de Montréal, a l’œil perçant quand il est temps d’analyser l’ensemble du marché du café à l’international. Pour le dire autrement, «le hideux» perpétré par des grandes entreprises sous le couvert du commerce équitable devient, en quelque sorte, un puissant moteur d’inspiration pour rassasier la soif de justice sociale que possède Dario.

«Le commerce équitable doit aller plus loin que des multinationales qui prennent cette étiquette et qui respectent des normes qui devraient déjà être respectées, par exemple abolir le travail des enfants. Tout ça ressemble à du commerce équitable, mais les efforts d’équité et de respect de l’environnement reposent souvent, en fin de compte, sur les épaules des producteurs. Ils font beaucoup d’efforts, mais sont très peu compensés», avance-t-il.

«Une grosse erreur que l’on fait en commerce équitable, c’est que certains y participent avec une infime part et ils vont trop en parler. Prenons un des cas : la compagnie Nestlé. Après le lancement à Londres de son café équitable Partners Blend, elle est allée dire à des producteurs de cafés mexicains, narquoisement, que la compagnie au grand complet était équitable maintenant», s’offusque ce leader en commerce équitable au Québec.

Le greenwashing, francisé par «écoblanchiment» (instrumentaliser les efforts écologiques d’une organisation ou d’une personnalité publique pour améliorer sa réputation), a son dérivé dans le monde du commerce équitable. Il s’appelle fairwashing, que l’on pourrait traduire par «équiblanchiment».

«Prenons l’exemple des cafés Starbucks. Dès qu’ils ont été certifiés par le gouvernement américain par le commerce équitable, ils sont devenus du jour au lendemain le plus gros acheteur de café. Ils vendent encore du café équitable Fair Trade for All (Équitable pour tous), provenant du programme Fair Trade USA. Il s’agit rien de moins d’un programme qui est venu réduire les standards, des normes faciles à atteindre par les multinationales. Grossièrement amené, cela donne une multinationale faisant des affaires d’or avec des normes très peu strictes, ce qui rend malheureux au moins 100 000 producteurs de café», mentionne Dario Iezzoni.

«Évidemment, plus on protège [l’environnement, les travailleurs, etc.], plus ça coûte cher aux entreprises et moins leurs profits seront élevés. Starbucks a fait le pari du volume plutôt que de la qualité, tandis que la brûlerie Santropol a opté pour la qualité dans toutes les dimensions. Starbucks a dépensé en publicité 70 millions de dollars US pour promouvoir qu’il y a un seul café sur 18 qui est étiqueté équitable. Nous ne faisons pas de publicité traditionnelle. De plus, si on examine d’un peu plus près cette entreprise, on se rend compte qu’il s’agit du plus grand distributeur de lait de l’univers. Ils en vendent plus que du café. C’est pour ça que ça coûte cher du café chez Starbucks, c’est d’abord du lait. Dans ton grand café latté, tu as 1,25 $ de lait et 10 ou 5 cents de café. Je n’inclus pas la main-d’œuvre, le loyer et les machines dans le prix», a constaté le directeur ventes et marketing de la brûlerie Santropol située à Montréal.

«IKEA joue aussi la carte d’un café responsable. Bon, c’est mieux que du café purement conventionnel, c’est moins pire. C’est l’équivalent de la situation suivante : sur 100 actions reçues, tu reçois 99 claques dans le visage et une caresse. La caresse, si tu la reçois après les 99 claques dans le visage, il est certain que la joue est encore sensible. Les gens sont contents de s’acheter à volonté du café chez IKEA, mais il y a des démarches de commerce équitable plus sérieuses, contrôlées de façon indépendante qui ont vraiment un impact», précise Dario.

«En Allemagne, la compagnie M&M a annoncé que sa barre de chocolat Twix allait contenir du cacao équitable, mais pas 100 %. Le tout est destiné pour le marché allemand comme elle a une usine de barres Twix là-bas. Pour nous [brûlerie Santropol], qui sommes dans la cohérence et la promesse au consommateur quand on met “équitable”, ce n’est pas qu’une partie, mais tout! C’est sûr que pour nous, on ne considère pas ça honnête, c’est inacceptable. Il faut croire qu’il y a des groupes de producteurs de cacao qui ont jugé cela pertinent. Le tout risque seulement de provoquer une amélioration, mais à court terme», s’exclame Dario Iezzoni.

«Ces consommateurs vont “mettre un crochet” dans leur liste de gestes à faire pour changer le monde, ils vont se donner bonne conscience et ce sera terminé. La compagnie va aussi se donner bonne conscience : les actionnaires vont être heureux, tout comme les vendeurs. À un certain point, la compagnie risque de se dire “il n’y a plus grand monde qui nous la demande, donc on va cesser de procéder de la sorte”. Quand tu vas avoir fait disparaître les militants, il n’y aura personne qui va les pousser, il va falloir recommencer à zéro», croit-il.

«Pour éviter de tomber dans l’“équiblanchiment”, l’entreprise désireuse d’acheter du café 100 % biologique et 100 % équitable devra commencer par acheter 5 % de ses volumes d’achat avec la certification du Symbole des PP. Au bout de cinq ans, 25 % de tout ce qu’elle achètera sera en provenance des PP. Ça peut aussi être plus. Concrètement, si tu as 100 tonnes de café et tu veux passer PP, dans les premiers cinq ans, tu dois passer de 5 tonnes à 25 tonnes. Il s’agit d’un objectif mesurable du sérieux du commerçant», soutient-il.

  • La compagnie Arayuma présente le premier et l’unique lait de coco certifié équitable en Amérique du Nord. (Gracieuseté d’Arayuma)

«Ceux qui font ça à 100 % dans le bio et l’équitable comme la brûlerie Santropol, c’est l’épine dans le pied, commerciale et économique, pour les mégas marchés. Nous leur démontrons qu’on peut être militant, qu’on a des valeurs sociales et écologiques et qu’en même temps, on fait des profits. On est capable de démontrer qu’on est viable économiquement. On peut dire aux plus gros, “vous pouvez nous imiter parce que vous pouvez encore être valables pour vos actionnaires”. On demeure le modèle. Faire évoluer et pousser davantage la certification équitable telle qu’on la connaît incite fortement tous ceux peu familiers avec les normes éthiques à les élever», conclut Dario.

 

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