Rencontre avec un chef amérindien authentique – 1re partie

Écrit par Nathalie Dieul, Epoch Times
05.08.2014

  • Dominique (T8aminik) Rankin est chef héréditaire algonquin et homme-médecine. Il a été grand chef de la Nation algonquine dans les années 1980 (avec l’humour qui le caractérise, il en rit maintenant : «Je suis guéri de la politique, je ne prends plus aucun médicament!»). Il est président honoraire de Religions for Peace et président d’honneur du c.a. du cercle de Paix à Montréal. Il a été intronisé au sein du Cercle des Anciens, un groupe de 49 anciens, représentant les leaders spirituels autochtones du Canada. Il donne des conférences et organise des stages de guérison partout au Canada et dans le monde. Récemment, il a cofondé l’organisme Kina8at avec Marie-Josée Tardif, pour la guérison et la transmission des savoirs autochtones.(Nancy Lessard)

Même si les Amérindiens habitaient le continent nord-américain bien avant l’arrivée des colonisateurs européens, il est de nos jours très rare de pouvoir rencontrer un autochtone authentique qui vit selon ses traditions. La plupart d’entre eux sont déconnectés de leur culture qui a été tellement bafouée, et l’image que donne aujourd’hui ce peuple autrefois si glorieux est trop souvent bien triste.

Avoir la chance de rencontrer un véritable chef héréditaire algonquin, homme-médecine, qui a vécu la vie nomade selon le mode de vie de ses ancêtres, est tout simplement inestimable. C’est ce qu’il m’a été donné de vivre récemment en assistant à une conférence où Dominique Rankin a partagé devant 240 personnes ses souvenirs et les enseignements qu’il en a gardés. Il m’a également accordé une entrevue après la conférence.

Une naissance hors du commun

Le véritable nom de Dominique Rankin (son prénom s’écrit T8aminik en algonquin) est Kapiteotak, ce qui veut dire «l’enfant qu’on entend pleurer de loin». Il était un bébé mort à la naissance, son père l’a ramené à la vie dans la forêt. Puis, il a pleuré tellement fort en revenant vers sa mère qu’elle lui a donné ce nom, qu’il a gardé toute sa vie.

Kapiteotak est né dans la forêt dans le nord de l’Abitibi, sur le territoire de la Baie-James, au sein d’une famille de 18 enfants, tous sortis du ventre de la même mère, loin des hôpitaux. «J’ai eu la chance de vivre ce qu’on appelle la vie traditionnelle», souligne celui qui a connu la vie nomade, qu’il considère «magnifique», jusqu’à l’âge de 12 ans.

«Dans ce temps-là, il n’y avait pas de médecin, mais il y avait tout. C’était la paix. On ne connaissait pas la gâterie.» Dominique Rankin, pour honorer ses ancêtres, est venu vêtu de son habit traditionnel, chaussé de mocassins faits en peau d’orignal et coiffé de son chapeau de plumes d’aigle, symbole des initiations qu’il a reçues pour devenir le chef héréditaire et homme-médecine qu’il est aujourd’hui.

«Je suis fier de porter ça. J’ai 32 plumes sur ma tête, j’ai une plume en arrière de ma tête, qui vous appartient à vous. Ces 33 plumes me guident régulièrement.» Ces plumes sont avant tout une récompense visuelle et non pas un titre.

La vie nomade

La vie de Kapiteotak dans la forêt, c’était la liberté, c’était la connexion avec la nature et les animaux, avec la terre sacrée. Les plus beaux moments de son enfance, c’est lorsque son père disait : «On part, on déménage». Cela arrivait tous les trois mois environ. Ils démontaient les peaux qui servaient de toile au tipi et partaient sans rien déranger, sans laisser de traces.

Le meilleur commençait avec le voyage en canot : «Nous les enfants, on avait un canot spécial. Tous les enfants étaient dans le même canot. Papa et maman étaient en avant, ils ramaient : c’était les leaders. Mes frères aussi, en arrière de papa, et nous complètement en arrière. On n’était pas agités. On était toujours calmes, parce qu’il n’y a rien qui t’énerve dans la forêt. Le calme est toujours là.»

Le voyage en canot, c’était le moment le plus intéressant pour observer et écouter, en particulier le matin : tous les animaux venaient sur le bord de la rivière.

Des dangers pendant ces voyages? «Quand je voyais les rapides, je n’avais pas peur. Au contraire, ça nous stimulait d’aller de l’avant. On n’avait pas peur, parce que papa savait où passer. Papa connaissait le danger et il connaissait tout. Quand c’était trop dangereux, il faisait le portage», se souvient celui qui allait prendre la succession de son père comme chef héréditaire.

Les animaux

Les peuples algonquins, dont fait partie T8aminik, considéraient les animaux comme des esprits. D’ailleurs, ils n’utilisaient pas le terme «animal», mais mando ce qui signifie «esprit» en langue algonquine.

  • Les deux auteurs du livre On nous appelait les Sauvages, Dominique Rankin et Marie-Josée Tardif, lors de son lancement en 2011. Ce livre est rapidement devenu un succès de librairie. (Éditions Le Jour)

Pendant son enfance, les animaux sauvages faisaient partie du quotidien du petit autochtone. Au même titre que ses frères, il était gestionnaire d’un territoire ainsi que des «esprits», des arbres et des rivières de ce territoire. C’était son travail.

Les jeunes Algonquins avaient le devoir d’aller voir les petits oursons, de surveiller l’état de santé de leur maman. Si les bébés ours devenaient orphelins, après s’être occupés du corps de la mère ourse, ils rapportaient les petits oursons à la maison dans un sac, parfois jusqu’à quatre jeunes ours à la fois. «On leur donnait le biberon, et ça nous aidait à grandir. On avait le droit de les garder pendant six mois seulement. Après six mois, ils reprenaient leur liberté sauvage.

«C’était mon plaisir, d’aller chercher les bébés», rapporte l’Amérindien avec une certaine émotion.

Dès l’âge de huit ans, le futur Grand chef de la Nation algonquine avait le droit d’aller dormir tout seul dans la forêt. Il mettait du sapin à terre au pied d’un arbre et il s’endormait là, sans couverture. «Le lendemain matin, qui est couché avec moi? Un ours, ou bien un autre. Mais le pire, c’est la bête puante (la mouffette)! Ils nous aiment et je les aime aussi», raconte-t-il avec l’humour qui le caractérise.

«On ne peut pas penser à quoi que ce soit de négatif dans la forêt, tout était positif dans mon temps. Aujourd’hui, je ne crois pas que je pourrais faire ça, dormir au pied d’un arbre. Il y a bien trop de chasseurs. Il y a plus de chasseurs que d’"esprits"!»

Les enseignements algonquins

Les enseignements reçus pendant son enfance n’ont rien à voir avec ce que l’autochtone a connu par la suite. Ses enseignants étaient son père et sa mère, les aînés qui le faisaient rire et la nature. Les leçons étaient toujours visuelles, orales, sans écriture.

L’enseignement de la tortue en est un exemple : «Papa disait "va chercher mekinak". On allait chercher mekinak, on avait tous des petites mekinak. Et là, papa nous faisait toucher les pattes, la tête, la queue, et voir la réaction. "C’est comme ça qu’il faut que tu te protèges." Tout était symbolique.»

La tortue est en effet un symbole important pour les autochtones : lorsque les pattes, la tête et la queue sont rentrées, il reste le dôme, la même forme que celle de la tente à sudation, une sorte de sauna qui fait partie des rituels spirituels amérindiens. Quand on souffre, on doit regarder à l’intérieur, comme la tortue. Au lieu d’aller chez un psychologue et de chercher sans arrêt, Kapiteotak conseille : «Arrête de chercher, tout est à l’intérieur!»

Devenir chef et homme-médecine

À l’âge de sept ans, le petit garçon qui préférait la compagnie des aînés à celle des autres enfants a été choisi par son père pour prendre sa succession comme chef héréditaire et homme-médecine. «Il m’a choisi, pas parce que j’étais plus beau, plus gros, mais tout simplement parce qu’ils ont vu qu’il y avait quelque chose à l’intérieur de moi.»

L’apprenti homme-médecine apprenait en observant. Par exemple, il avait le droit d’aller aux accouchements. Il allait chercher l’eau, les plantes et il était là pour recevoir le bébé.

Il a également appris à utiliser les testicules du castor comme médicament. Rien n’était gaspillé dans cet animal dont le chef algonquin est friand : une fois le castor remercié, la chair était mangée, les os servaient de jouets aux enfants et les testicules étaient accrochés pendant trois mois. Lorsqu’ils sont foncés, ils deviennent un médicament puissant qui sent tellement fort que ça fait pleurer. Il faut cependant garder le cataplasme pendant quatre jours sur la plaie si l’on veut guérir.

Les études de Dominique Rankin en médecine traditionnelle ont duré 50 ans. Et il n’a jamais doublé!

Pour en savoir davantage sur les stages et activités de Dominique Rankin, abonnez-vous à son slog : www.toslog.com/dominiquerankin