Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Le frêle pari des MOOC

Bien qu’intéressants, les MOOC restent encore des instruments brumeux

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
01.09.2014
| A-/A+
  • Emmanuel Duplàa, professeur agrégé et directeur de la formation à l’enseignement de l’Université d’Ottawa. (Gracieuseté d’Emmanuel Duplàa)

On sait déjà depuis quelques années que seulement 5 % des gens qui commencent un MOOC (Massive Open Online Course, en français «cours en ligne ouvert à tous») réussissent à terminer le cours. Tout dernièrement, trois chercheurs de l’Université de Pennsylvanie ont remis en question ce chiffre. Ces formations gratuites, provenant des plus grandes universités du monde, semblent être plus complexes à sonder qu’on le pensait a priori. Mais pourrait-on admettre carrément que le peu de recherches concernant ces outils de transmission du savoir n’est pas assez solide et que bien des angles ont été escamotés?

Spécialiste dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour l’apprentissage, le professeur agrégé et directeur de la formation à l’enseignement de l’Université d’Ottawa, Emmanuel Duplàa, prépare actuellement le Forum international de l’éducation ouverte et en ligne qui aura lieu les 2 et 3 octobre prochain à Ottawa. Même s’il baigne dans cet univers tous les jours, il n’en demeure pas moins lucide, notamment en ce qui concerne les MOOC (Massive Open Online Course, en français «cours en ligne ouvert à tous»). Il souhaite profondément être témoin de leur ascension, alors que ceux-ci ne sont pas encore prêts pour leur grand envol.

Tout d’abord, les MOOC ont différents noms, différentes formes. Selon M. Duplàa, il s’agit d’une preuve que le concept n’est pas stable. Les deux grands termes sont cMOOC et xMOOC.

«Un cMOOC n’a pas de connaissances figées en tant que telles, les objectifs ne sont pas forcément clairs, les gens viennent échanger, prendre, se nourrir, apporter des ressources et le prof va mettre en valeur différentes choses, il sera plus comme un guide et non un fournisseur de contenu. C’est avec une structure très souple et fondée sur une pédagogie connectiviste [l’apport des nouvelles technologies dans l’apprentissage et de l’interaction des communautés humaines en réseau]. On ne peut pas vraiment évaluer, il n’y a pas vraiment d’enseignement mais plutôt de l’apprentissage. Il est très difficile d’obtenir un diplôme ou quoi que ce soit d’autre d’officiel», élabore-t-il.

«Le xMOOC est l’autre extrême, très rigide. Le cours est très structuré, il y a des vidéos mises en ligne et il y a des évaluations à choix de réponse. Les universités Harvard, MIT et Stanford ont lancé des MOOC de ce genre. Leur modèle est basé sur la pédagogie béhavioriste [apprentissage par conditionnement, par entraînement]», renchérit le doctorant en éducation.

Faire mousser la réputation de l’université, lui attirer des nouveaux étudiants, voilà la première intention derrière le feu vert des universités à répandre le modèle MOOC si on en croit les propos d’Emmanuel Duplàa qui enseigne dans l’une des universités où les MOOC ne sont pas mis de l’avant, mais où on s’y intéresse beaucoup.

«Au moins, les MOOC ont le bénéfice de remettre au centre du débat la démocratisation de l’éducation, l’importance de sa gratuité. On revient à une situation normale où ça revient gratuit. Ceci est ma position comme professeur, pas comme institution», précise le pédagogue en ligne.

Explosion de la demande universitaire

Les MOOC, du moins ce qu’ils deviendront à travers les années, semblent être une réponse que plusieurs attendent devant l’explosion de la demande dans les pays en voie de développement pour accéder à l’université. Une connaissance de M. Duplàa, travaillant à l’UNESCO, avait fait un rapport sur la question. «On est contacté par des pays africains qui veulent mettre des systèmes du genre en place. Ils ne savent pas comment faire monter tout le peuple en compétence. Il n’y a pas de ressources humaines nécessaires. Ils appellent partout, ils cherchent. Des universités à Montréal et aux États-Unis ont été contactées, mais ne peuvent satisfaire la demande. Si tous les Indiens, Chinois et Africains vont à l’université, il n’y aura jamais assez de profs. Il faudra faire appel aux partenaires privés, etc. Le MOOC répond donc aussi au besoin de massification», signale-t-il.

«Les Chinois sont en train de lancer leur MOOC. Leur but minimal est d’avoir au moins un professeur pour 7000. J’avais un ratio d’un prof en ligne pour une centaine d’élèves, c’était les années 1990. Il y a aussi la question de savoir ce que l’on va faire avec nos cours et programmes à 10 000 $ par session. Qu’est-ce qu’on va faire quand un programme indien va arriver avec des cours à 50 $ et que leurs cours seront mieux, objectivement mieux, parce que les équipes auront travaillé davantage l’aspect pédagogique, par exemple?», questionne le spécialiste dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour l’apprentissage.

Parlant de l’aspect pédagogique, quelle est la place du professeur dans ces MOOC? «Est-ce que le professeur est un artisan ou un ingénieur?», telle est la question que pose Emmanuel Duplàa.

«L’artisan sera celui qui coupe, qui maintient le contact avec les élèves, il va utiliser la technologie pour répliquer son action, mais il en sera le maître. L’artisan est plus dans le cMOOC. Pour les xMOOC, le prof fait partie d’un rouage, il y a ceux qui mettent les capsules en ligne, ceux qui construisent les questionnaires, ceux qui s’occupent des technologies. Là, on est dans une approche “ingénieuriale”, dans une chaîne de fabrication», détaille le professeur.

Idéal

«Le croisement entre le cMOOC et le xMOOC serait ce qui est le plus souhaitable. Ce savant mélange, à déterminer, se situerait entre l’automatisation (mécanique informatique) et une large place au professeur. Le mieux serait de définir cela comme l’éducation en ligne. Et naturellement bien développer pour éviter l’abandon», raconte celui qui mène actuellement des recherches à la faculté d’Éducation à l’université d’Ottawa sur les jeux vidéo éducatifs où le principe premier est le non-abandon. Le xMOOC possède trop de structures et les cMOOC, il n’y en a pas assez», propose Emmanuel Duplàa. Il note aussi que l’arrivée d’un MOOC idéal ne pourra être possible sans de gros changements administratifs et pédagogiques.

 

Pourtant bien à l’avant-garde dans l’éducation ouverte et en ligne, M. Duplàa semble avoir un faible pour la formation à distance, celle qui propose un diplôme valide sur le marché du travail, comme il constate que la technologie, l’infrastructure et les rares expériences de succès ne peuvent rejoindre l’ambition humaine qu’un cours bien équilibré puisse être donné à 1000, 10 000 ou 100 000 étudiants.

Aspect financier

«C’est un gouffre financier», lance d’emblée l’expert des TIC. «McGill est financée par la philanthropie, comme plusieurs autres universités. MIT [Massachusetts Institute of Technology] envoie une lettre, qui est distribuée à un nombre impressionnant de gens, faisant part de leurs besoins de financement. Les universités ne sont pas encore prêtes à financer ça [MOOC] elles-mêmes et ça ne rapporte pas d’argent. Ça coûte très cher sans être encore certain du modèle économique ou pédagogique. Ce serait dangereux de donner des diplômes dans cette situation comme il y a l’image de marque de l’université qui donne les MOOC», complète celui qui a déjà travaillé à la TÉLUQ [Université à distance et en ligne proposant cinq programmes et 400 cours dans les domaines variés].

Problème d’évaluation

Difficile de savoir si l’étudiant maîtrise vraiment les connaissances acquises dans le xMOOC, alors qu’il y a des moyens de s’entraîner aux tests et qu’en plus les choix de réponses ne peuvent pas faire foi de tout, voilà un des soucis de M. Duplàa concernant l’évaluation. Cela peut s’accompagner d’un sujet de débat : «Est-ce qu’on apprend seulement si on est évalué?», lance-t-il.

Pour de plus amples informations sur le Forum international d’éducation ouverte et en ligne

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.