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Des pilotes qui planent

Écrit par Aurélien Girard, Epoch Times
22.09.2014
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  • La compagnie Air France transporte 78 millions de personnes à l’année. ( Wikimédia)

Il y a, dans la désastreuse grève des pilotes d’Air France, fort suivie la première semaine, fort poursuivie la seconde, quelque chose d’illustrateur de plusieurs des plaies de notre pays. Elle dessine en effet un triangle de défiance, animé à son premier sommet par une défense corporatiste, au deuxième par une direction d’entreprise déconnectée de ses employés, et au dernier par des clients de plus en plus nourris d’aigreur.

Remontons les sommets en partant du dernier, et de quelques chiffres: pour la seule première semaine de grève, ce sont environ 100 millions d’euros de recettes qu’Air France a jetés par le hublot – au pire moment pour elle puisqu’après des années de résultat négatif, elle n’a que péniblement approché l’équilibre financier en 2013. Sachant que la compagnie transporte 78 millions de personnes à l’année et que 55% des vols ont été annulés en première semaine, ce sont quasiment 800.000 passagers qui n’ont pu, en date du bouclage de ce journal, voyager normalement – et donc plus d’un million au moment où vous le lisez. Soustrayez de ce chiffre les optimistes, les compréhensifs et ceux qui n’avaient pas tant envie que cela de voyager, il vous reste des centaines de milliers de personnes prises en otage du manque de dialogue entre pilotes et direction. Et très probablement des centaines de millions d’euros de pertes pour les employeurs de ceux qui voyageaient pour raisons professionnelles.

Ce nouveau grand succès du dialogue social à la française trouve une partie de son explication, et une partie seulement, dans le fonctionnement interne d’Air France: le projet qui a mis le feu au kérosène – renforcer la filiale low-cost Transavia en l’ancrant dans plusieurs pays hors de France – a été porté par la holding AirFrance-KLM. Celle-ci, même si son siège est à l’aéroport Charles de Gaulle, refuse d’être l’interlocuteur des pilotes et de leurs syndicats, qui sont priés de s’adresser au groupe Air France. Cette compartimentation a largement entretenu la perception par les pilotes que l’évolution du fonctionnement d’Air France et Transavia se construisait dans leur dos et à leurs dépens, d’où le premier cheval de communication syndicale, le «dumping social».

 

Avec toute la compréhension du monde, «dumping social» appliqué à une catégorie socio-professionnelle fort bien payée – à la fois en référence aux pilotes d’autres compagnies, à leur nombre d’heures de travail annuel, et au salaire moyen français – est un argument dont la présentation demande des ressources infinies de pédagogie ou de mauvaise foi. Ce d’autant que les pilotes Air France volant sur Transavia l’ont fait par choix, en négociant un avenant à leur contrat de travail qui leur a attribué plusieurs dizaines de milliers d’euros de prime. D’où le second pilier de communication: le risque de délocalisation. L’investissement par Air France-KLM se faisant hors de France et donc au détriment des Français, les pilotes d’Air France agiraient en protecteurs de l’économie française contre les dérives de la mondialisation.

Autant qu’on puisse vouloir suivre la vision romantique des «chevaliers du ciel», cette grève mal placée fait finalement surtout penser à la situation d’un avion perdu dans les nuages, avec un ordinateur de bord en panne et les pilotes en plein match de boxe. Laissé au hasard, l’avion Air France pourra dans les jours à venir soit piquer du nez et risquer le crash, soit prendre de la hauteur et émerger dans un ciel plus clair.

 

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