Accord commercial Canada-Chine: les firmes canadiennes seront-elles mieux protégées?

Écrit par Matthew Little, Epoch Times
30.09.2014
  • Ed Fast, le ministre du Commerce international canadien, n’a pas annoncé en grande pompe la ratification d’un accord sur les investissements avec la Chine. (Sonny Tumbelaka/AFP/Getty Images)

OTTAWA – L’accord est conclu, mais qu’est-ce que ça signifie au juste?

À la mi-septembre, c’est sans fanfare que le Cabinet du premier ministre a ratifié l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) avec la Chine.

Il n’y a pas eu de conférence de presse, très peu de discussions et le ministre du Commerce international, Ed Fast, ne semblait pas intéressé à répondre aux questions des médias.

Il s’agit d’un des accords commerciaux les plus controversés jamais signés et il est accompagné d’une longue liste de questions sans réponses, par exemple «quel sera l’effet d’un accord d’investissement en Chine, où les lois qui ne sont pas couvertes par l’accord portent préjudice aux entreprises étrangères?».

Lois anticoncurrentielles

La Chambre de commerce américaine a publié un rapport trois jours avant que le gouvernement Harper annonce que l’APIE Canada-Chine avait finalement, après deux ans, été ratifié.

Le rapport trace un portrait sombre de la manière dont le régime chinois réglemente le contexte commercial. Selon les termes de l’APIE, ces lois sont des mesures préexistantes, alors peu importe combien elle cible injustement les entreprises canadiennes qui s’établissent en Chine, elles sont considérées légitimes.

Le rapport, Competing Interests in China's Competition Law Enforcement (Intérêts divergents dans l’application de la loi sur la concurrence en Chine), explique comment la loi antimonopole (LAM) chinoise et les organisations qui l’appliquent finissent par cibler les firmes étrangères pour faire profiter la politique industrielle de Pékin.

Le Canada et d’autres pays ont leurs propres lois antimonopole ou antitrust conçues pour empêcher que certaines entreprises deviennent si grandes qu’elles contrôlent tout un marché ou utilisent leurs poids pour punir les plus petits joueurs. Cependant, la version chinoise de la LAM comporte un accent socialiste qui la dénature complètement.

Selon le rapport de la Chambre de commerce, «la loi sur la concurrence est un outil des décideurs chinois pour modeler “l’économie socialiste de marché”».

La LAM chinoise contient des clauses qui consacrent des rôles spéciaux aux sociétés étatisées, comme la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC), un des géants de l’industrie, qui domine d’importants secteurs en Chine.

La Chine recherche les investissements de firmes étrangères dans le pays, le rapport souligne la croissance constante des investissements directs étrangers en Chine.

«Cependant, une des motivations derrière la LAM était de réduire l’influence des firmes étrangères dans l’économie chinoise et de protéger les entités locales privilégiées de la concurrence qui pourrait représenter une menace à leur croissance», mentionne le rapport.

Transfert forcé de technologie

La Chambre de commerce américaine a sonné l’alarme à de nombreuses reprises au sujet des sombres conséquences des politiques d’innovation indigène chinoises. Cet ensemble de loi et de politiques industrielles comprend la LAM et vise à donner aux sociétés nationales, particulièrement les sociétés étatisées (qui appartiennent et sont contrôlées par le Parti communiste chinois), une position de force à l’égard des firmes étrangères.

En 2010, le responsable du dossier Chine à la Chambre et le coauteur du rapport, Jeremy Waterman, a expliqué à la Commission américaine sur le Commerce comment le régime chinois utilisait les politiques d’innovation indigène, y compris la LAM, pour forcer le transfert de technologie aux firmes chinoises.

Les lois antimonopole, entre autres, forcent les firmes étrangères à partager leur propriété intellectuelle sans recevoir de compensation appropriée et elles peuvent également les forcer à établir leurs prix de manière à favoriser les entreprises nationales.

 

«La Chine semble utiliser la LAM pour faire avancer des objectifs de politique industrielle, même aux dépens de la concurrence – soit l’objectif même que les lois antimonopole des autres pays visent à appliquer», conclut le rapport.

Le régime arnaque également les droits de propriété intellectuelle pour combiner les brevets ordinaires avec les brevets essentiels à une norme (standard-essential patents – SEP).

Les SEP concernent les brevets qui ont trait aux normes de l’industrie, par exemple la quantité de matériel exact à utiliser dans une turbine de propulseur d’avion. Normalement, les SEP sont acquis par une organisation responsable des normes afin que toutes les entreprises puissent respecter la norme sans que le détenteur du brevet fasse une fortune aux dépens des autres entreprises qui doivent utiliser le brevet.

Dans le cas de la Chine, le régime croit bon d’accorder le statut de SEP à certains brevets afin de donner à des firmes nationales comme Huawei un levier lorsqu’elles négocient pour utiliser les brevets de compagnies comme Motorola et Nokia.

En fin de compte, ces politiques aident grandement les firmes chinoises, alors qu’elles peuvent se développer rapidement sans avoir à investir dans des décennies de recherche et développement.

Ce fut le cas pour les compagnies ferroviaires, a indiqué M. Waterman en 2010.

«Le transfert de technologie des compagnies étrangères a permis aux compagnies chinoises de devenir des compétiteurs internationaux dans le domaine», a-t-il indiqué à la Commission américaine sur le Commerce.

Perdre ou gagner

Une tendance malsaine en Chine que l’APIE pourrait aider à corriger est l’absence d’application régulière de la loi qui empêche certaines compagnies d’obtenir les conseils juridiques appropriés lorsqu’elles sont examinées par le ministère du Commerce chinois. Le ministère contraint souvent les firmes étrangères à faire des concessions lors des révisions de fusionnement.

Même si l’APIE peut aider en de telles circonstances, il est improbable que les entreprises y aient recours.

L’avocat en droit commercial Todd Weiler, un avocat renommé qui représente les investisseurs devant les tribunaux des APIE, a indiqué à Époque Times que les recours dans ce domaine sont essentiellement des stratégies de sortie – une manière de récupérer un investissement alors que l’entreprise quitte la Chine.

Cela s’explique par une réalité que le rapport de la Chambre de commerce fait état.

«La crainte des représailles empêche les entreprises privées d’en appeler des décisions administratives», indique le rapport.

En d’autres mots, les entreprises pourraient contester les lois punitives et injustes, mais le prix qu’elles auraient à payer rendrait toute victoire vaine.

Le ministère du Commerce international reconnaît que sous l’APIE Canada-Chine, la loi antimonopole et d’autres lois et politiques semblables existantes ne seront pas affectées par l’accord.

«Toutefois, la Chine est obligée d’appliquer de telles mesures, y compris les lois antimonopole, équitablement envers les investisseurs canadiens et ceux d’autres pays», indique une déclaration du ministère.

Il ne s’agit pas des garanties que les détracteurs de l’accord aimeraient obtenir, mais c’est mieux que rien pour les investisseurs canadiens qui font face à la sombre réalité des abus du régime chinois.

Version originale : FIPA Signed, but Questions Linger