Le grand marché chinois des instruments de torture

Écrit par Carol Wickenkamp, Epoch Times
30.09.2014
  • Matraques électriques étourdissantes chinoises, présentées sur le stand d’équipement policier Anhua de Jiangsu lors du salon de la police chinoise en 2008. Un récent rapport d’Amnesty International dénonce le commerce international des instruments de torture fabriqués en Chine. (Robin Ballantyne)

Armes à décharges électriques, fusils à fléchettes, étourdisseurs, boucliers, menottes de pouce, fauteuils de contrainte, matraques à pics. Ce sont quelques-unes des armes spécialement conçues pour infliger de la souffrance et qui sont exportées par des entreprises chinoises proches ou appartenant à l’État, selon un nouveau rapport d’Amnesty International.

Certains des équipements présentés dans le rapport, comme des menottes ordinaires, un nombre limité d’armes d’étourdissement et certains instruments de frappe, ont tous un but légitime d’application de la loi.

Mais un grand nombre de ces armes sont «intrinsèquement cruelles et dégradantes et devraient par conséquent être interdites» de fabrication en premier lieu, constate le rapport.

Actuellement, il n’existe pas de convention internationale encadrant la fabrication et l’exportation des armes policières. Une partie du travail de défense d’Amnesty International, après la publication de ce rapport, sera de commencer à établir un tel mécanisme – la Chine servant peut-être d’exemple négatif.

  • Une sélection de matraques chinoises droites, de côté ou téléscopiques, photographiées lors du salon de la police chinoise en 2008. (Robin Ballantyne)

De nouvelles tortures indigènes

Le commerce d’exportation de ces armes de torture a commencé après que la grande demande des forces de sécurité chinoises a été satisfaite et que les entreprises ont commencé à chercher de nouveaux marchés.

«Il y a un premier marché intérieur en Chine, car il semble que de nombreux représentants de la loi en Chine soient équipés de menottes et de matraques à décharges électriques – et ce marché a stimulé le développement indigène des entreprises chinoises», a expliqué lors d’un entretien téléphonique Patrick Wilcken, le principal auteur du rapport et chercheur sur le contrôle des armes et les droits de l’homme pour Amnesty International.

Il a été rapporté que les forces de sécurité chinoises utilisent régulièrement de telles armes dans les prisons, les centres de détention, les camps de travail, les prisons clandestines et ce qui est familièrement appelé centres de lavage de cerveau.

Le rapport évoque l’usage répétitif des matraques électriques pour torturer les pratiquants de Falun Gong, une pratique spirituelle traditionnelle, pour essayer de les faire renoncer à leurs convictions. 

Jia Yahui, par exemple, a été torturée à l’électricité pendant sa détention dans un camp de travail en 2008 et 2009. «Avant de m’attacher au lit et de commencer à m’électrocuter, les trois policiers m’avaient couvert le visage. Aucun d’entre eux n’a parlé pendant qu’ils m’électrocutaient. Ils ont commencé à m’électrocuter sur les endroits les plus sensibles –le petit doigt, en remontant sur les bras, jusqu’aux aisselles. Ensuite, ils sont allés sur mes seins.»

  • Matraque à clous chinoise photographiée à Londres en 2006. (Robin Ballantyne)

Son témoignage, cité dans le rapport, continue: «Ensuite, ils ont commencé à l’intérieur de mes cuisses. Ils cherchaient les nerfs. J’ai senti qu’ils n’avaient aucune humanité. J’ai senti qu’ils prenaient une sorte de plaisir au cours de ce processus.»

Yu Zhenjie, une pratiquante de Falun Gong du nord-est de la Chine, a raconté: «Le directeur Li, chef de ma section qui contenait entre 200 et 300 pratiquants du Falun Gong, a utilisé une matraque électrique sur mon visage. C’est une sorte de torture que les policiers appellent «Bengbao popcorn» parce que le visage s’ouvre et ressemble à du maïs soufflé. L’odeur de peau brûlée est horrible.»

Liens avec l’état

Les matraques utilisées pour torturer et infliger de la souffrance sont maintenant vendues dans les salons d’équipements policiers dans le monde entier et toutes les forces de sécurité peuvent en faire usage. Quelques rapports indiquent que les forces policières de certains pays d’Asie et d’Afrique utilisent la torture par électricité sur certains individus en garde à vue. 

Même pour les armes légitimes, les autorités chinoises semblent faire peu d’efforts pour s’assurer que les instruments ne tombent pas entre de mauvaises mains.

Restreindre ce secteur de façon significative pourrait s’avérer difficile en raison de la relation entre les fabricants d’équipements de torture et l’État chinois. Beaucoup de fabricants sont des entreprises d’État ou ayant appartenu à l’État. D’autres s’identifient comme opérant sous les attributions du Conseil d’État, mais les relations établies entre ces entreprises et le Parti communiste ne sont pas clairement définies.

«Nous accusons directement les autorités chinoises, mais elles n’ont jamais réagi», a dit Patrick Wilcken.

  • Menottes lourdes de jambes, photographiées sur le stand d’équipement de Chengdu lors du salon de la police chinoise de 2009. (Robin Ballantyne)

«Le régime chinois est clairement difficile à influencer; nous avons découvert cela en travaillant sur une série de questions autour des droits de l’homme.»

Les grands fournisseurs d’équipement appartenant à l’État possèdent d’immenses installations de recherche et de fabrication et contrôlent des centaines de sous-traitants qui écoulent activement ces objets de torture. Le groupe chinois d’import-export Xinxing par exemple détient 54 usines et fabrique des menottes de poignets, de pouces et de transport, des fauteuils de contrainte, des matraques électriques et des pistolets étourdissants. En 2012, ce groupe a établi qu’il a des liens avec plus de 40 pays africains et que son commerce avec l’Afrique s’élève à près de 100 millions d’euros.

En 2010, le fabricant de technologies Poly, établi à Pékin, qui promeut l’usage de matraques, de matraques étourdissantes, de boucliers à clous et différents types d’équipements de contrainte mécanique, s’est vanté de se trouver parmi les 100 plus grandes entreprises chinoises en commerce avec l’étranger.

Le secteur des équipements d’application de la loi a une valeur de plusieurs milliards d’euros et les États-Unis comme les pays européens produisent tous un grand nombre d’armes policières. Mais les équipements venant de Chine posent un problème différent. Au cours de l’entretien, Patrick Wilcken a commenté: «Ce qui est remarquable avec la Chine, c’est le nombre d’équipements parmi les plus cruels qu’ils produisent.»

Matthew Robertson a contribué à cet article

Version originale: China Markets Tools of Torture