Un entretien avec l’ancien conseiller de Zhao Ziyang

Écrit par Li Mei et Guo Xiulan, La Grande Époque
31.01.2005

 

 

 

L’influence de Zhao Ziyang met en question la légitimité du PCC

Le Dr Wu Guoguang faisait partie du groupe de conseillers de l’ancien

Secrétaire général du Parti communiste chinois (CCP) Zhao Ziyang, mort

le 17 janvier. M. Wu a accepté un entretien avec La Grande Époque (LGE).Pendant

les années 80, Wu était parmi les cerveaux de la réforme politique

lorsque Zhao était au pouvoir. Après le Massacre de la Place Tienanmen

le 4 juin 1989, il a obtenu un doctorat en sciences politiques à

l’Université de Princeton dans le New Jersey

  • Un homme dépose une fleur au mémorial de Zhao Ziyang à Hong Kong. Les Chinois à travers le monde ont exprimé leur tristesse causée par la mort de l’ancien Secrétaire général du Parti communiste chinois. (攝影: / 大紀元)

 

Après neuf ans d’enseignement à Hong Kong, il est allé à

l’Université de Victoria en Colombie-Britannique en tant que professeur

invité et il enseigne à la fois dans le Département des sciences

politiques et le Département d’histoire. Il est aussi le président du «

Programme Chine » au Centre pour les initiatives d’Asie Pacifique.

LGE

: Le PCC a fait une annonce extrêmement discrète de la mort de Zhao

Ziyang, et ne prévoit aucun service commémoratif pour Zhao, qu’en

pensez vous ? [Note de l’éditeur : Au moment de l’entretien, aucun plan

n’avait été fait pour un service commémoratif, mais depuis un service

était prévu pour le samedi 29 janvier.]

Wu : Je ne suis

pas surpris. C’est un régime barbare, il donne naturellement des

réponses inhumaines. Tout ce qui leur importe est leur propre position

et leur pouvoir.

LGE : Quelle opinion avez-vous de Zhao?

Wu

: Une grande chose à propos de Zhao Ziyang, une chose remarquable,

c’est qu’il a pu sacrifier son propre pouvoir, sa propre position, et

même sa liberté – tout ce qu’il avait – pour sa conscience, ses idéaux

et les intérêts des gens ordinaires. Ceci forme un contraste aigu avec

le caractère des actuels dirigeants chinois. Cela contraste aussi

beaucoup avec l’atmosphère de dégénérescence de la société chinoise

d’aujourd’hui.

Pendant plus de 10 ans, sous les ravages de la

répression et la subordination au règne despotique, cette société a

oublié les règles fondamentales de la civilisation. Elle est en train

de perdre la nature humaine et la sollicitude élémentaire, et ne

reconnaît plus que l’argent et le pouvoir. Les gens feraient n’importe

quoi, aussi méprisable que ce soit, pour l’argent et le pouvoir. Les

fonctionnaires vont contre leur conscience pour obtenir des promotions

et un gain personnel. En contraste, nous pouvons voir la grandeur des

actions de Zhao en 1989 et, en particulier, sa persévérance pendant les

15 ans et 8 mois qui ont suivi. Naturellement, ses actions et sa

persévérance sont inséparables de son idéal d’établir un système

politique civil démocratique en Chine en accord avec l’intérêt commun

de la population. Cet idéal et sa contribution à la réforme économique

sont l’essentiel de ce sur quoi s’est établi le statut historique de

Zhao.

LGE : Quelle sera selon vous l’influence de la mort de Zhao sur la situation politique de la Chine ?

Wu

: Il semble que l’impact actuel soit de menacer la soi-disant stabilité

du PCC. C’est le genre de stabilité qu’on peut trouver dans une société

pourrie par la tyrannie. Ils craignent d’autoriser un service en

mémoire de Zhao, ou de diffuser des nouvelles à la Télévision centrale

chinoise, ou même de permettre à Bao Tong de présenter ses condoléances

à la famille. Pour que cette « stabilité » soit déjà si fragile, elle

doit avoir des problèmes. Pourquoi quelqu’un voudrait-il maintenir une

telle « stabilité » ? Puisque le régime du PCC continue à prétendre que

sa décision de 1989 était correcte et en accord avec les intérêts des

gens, et que Zhao avait tort, pourquoi devraient-ils avoir peur de leur

propre décision « juste » ? Ils ont même peur de faire face à Zhao

Ziyang décédé.

Leur décision de 1989 était uniquement basée sur

le pouvoir, manquant de la plus élémentaire humanité. Pendant plus de

15 ans, ils sont allés de plus en plus loin sur cette voie descendante.

À présent, ils considèrent des choses honteuses comme étant honorables.

Si leur décision était si honorable et si elle a bénéficié au peuple

chinois, pourquoi ont-ils peur de laisser les chinois savoir que Zhao

est mort et pourquoi ont-ils peur de laisser les gens exprimer

librement ce qu’ils ressentent à propos de Zhao ? Ces quelques

dernières années, ce pouvoir politique a chanté sur tous les tons ses

propres louanges. À présent, leurs actions concernant la question de la

mort de Zhao dévoilent leurs propres ruses et ne peuvent que permettre

à plus de gens de réaliser la nature de ce pouvoir politique.

Je

pense que ça aura aussi une influence à long terme sur la situation

politique de la Chine parce que Zhao a conseillé de mener à bien des

changements dans le système politique de la Chine et de mettre en œuvre

un transfert politique vers la démocratie. Seul ce genre de réforme

peut résoudre la série de conflits et de problèmes auxquels la Chine

fait face aujourd’hui, et peut permettre au peuple de partager les

bénéfices obtenus par le boom économique. Le peuple participe aussi à

donner une impulsion à ce transfert.

La fondation d’un pouvoir

politique devrait être approuvée par le peuple, et non maintenue par

une persécution brutale. Ce genre de plaidoyer et de point de vue

auront une large influence à long terme sur la situation politique de

la Chine parce que la Chine ne peut pas éviter de faire face au défi de

la réforme du système politique.

L’an dernier, à l’occasion du

85e anniversaire de Zhao, j’ai écrit un bref essai, et je l’ai intitulé

« Le défi Ziyang ». Zhao est tombé en poussant la Chine à dépasser ce

défi. Tôt ou tard, la Chine devra l’affronter. Plus elle en retardera

le moment, plus les gens auront la nostalgie de Zhao Ziyang et

réaliseront plus profondément la valeur de Zhao. Son influence défiera

directement la légitimité de l’actuel pouvoir politique et la stabilité

qui est maintenue par la police et l’argent. Cette situation ne fera

que devenir plus dangereuse à mesure que le temps passera et que les

conflits se creuseront.

LGE : Pensez vous que les gens en Chine accepteront la façon dont le PCC a traité Zhao ?

Wu

: Je ne sais pas. Le peuple chinois a été privé du droit de savoir, du

droit d’exprimer ses propres souhaits. Zhao voulait changer leur

situation ces années là. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans l’âge de

l’information, mais la plupart des chinois ne savent pas que Zhao est

mort. Les jeunes gens n’ont jamais entendu parler de Zhao, conséquence

de 15 ans de déformation de l’histoire. En dépit de ces faits, aussitôt

Zhao mort, le PCC a répondu comme s’il était confronté à un formidable

ennemi. Cet ennemi n’est pas Zhao Ziyang parce qu’il est déjà mort. Son

ennemi est le peuple.

LGE : Les citoyens de Chine continentale ont-ils une réponse profonde quant au départ de Zhao ?

Wu

: Que cela puisse initier une réponse profonde – comme ce qui est

arrivé après le départ de Zhou Enlai et de Hu Yaobang – n’est pas

déterminé seulement par l’aspect de la citoyenneté. Lorsque Zhou Enlai

est décédé, il était Premier ministre. Il avait des titres et un

statut. Lorsque Hu Yaobang est mort, la situation politique générale en

Chine était quelque peu relâchée. Le présent pouvoir politique est très

autoritaire. Ce qu’il n’aime pas, vous ne pouvez pas l’aimer. Si vous

exprimez une opinion, alors vous devez être supprimé.

Naturellement,

il y a des citoyens qui exprimeront leurs sentiments d’affliction.

Malheureusement, beaucoup plus nombreux sont ceux qui ont peur de

s’exprimer. Ils ont tout particulièrement peur d’aller le pleurer Place

Tienanmen. Il se pourrait aussi que ce ne soit pas possible de le faire

là. Avant de pouvoir arriver jusque là, la police ou les policiers en

civil vous arrêteraient. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Depuis 15

ans et demi, il en est de même pour la Place Tienanmen et tout autre

endroit public. N’en a-t-il pas été ainsi ? Vous ne pouvez même pas

porter un vêtement jaune si vous allez Place Tienanmen en touriste.

LGE : Pensez-vous que ce type de persécution à haute pression politique par le PCC réussira à réprimer les gens ?

Wu

: Je ne sais pas. Elle a au moins accompli son but ces 15 dernières

années. Le peuple chinois s’est toujours adapté à ce qui lui arrivait,

se résignant aux mauvaises conditions, avalant mêmes les insultes.

Toute la société aujourd’hui paraît incapable de faire la distinction

entre le bien et le mal. Il en a spécialement été ainsi ces 15

dernières années. Les gens en vendent d’autres pour le pouvoir ou des

gains matériels. Non seulement tout le monde pensait comme ça, mais ils

étaient envieux, ils admiraient et considéraient ce genre de personne

comme des gens talentueux. Ils voulaient obtenir les faveurs de gens

puissants. Peut-être que le peuple avait plus de scrupules, mais la

couche sociale des gens soi-disant remarquables et des individus

célèbres, la majorité d’entre eux ont été comme ça pendant 15 ans.

LGE : Les problèmes actuels de la société sont très profonds.

Wu

: Oui, ils sont extrêmement profonds. Nous parlons de valeurs, de

moralité, de personnalités, etc, non seulement parce que ces choses

sont bonnes, mais parce que ce sont les ingrédients de base pour qu’une

société se développe sainement. Si tout le monde bazardait ces choses,

les voyous et les bandits deviendraient la force dominante dans la

société. Les voyous et les bandits ne se soucient ni de votre vie ni de

votre mort, ils ne considèrent que leurs propres désirs, si quelqu’un

de cette stature devait contrôler une société, alors comment n’y

aurait-il pas de profonds et d’extrêmes problèmes ? La seule méthode

qu’ont les voyous et les bandits pour traiter ces problèmes est la

brutalité. Par conséquent, d’un côté les problèmes sont profonds, et de

l’autre, vous avez un contrôle politique hautement répressif, et donc

ces deux choses coexistent.

S’ils sont capables de réussir à

réprimer les gens, alors les voyous et les bandits continueront à

réussir. Viendra un jour où ils ne pourront plus complètement réprimer

les gens. Lorsque cela arrivera, il n’y aura plus de retour possible,

tout comme l’éruption d’un volcan. Le magma ne se tient pas tranquille

avant l’éruption. Il lutte pour entrer en éruption encore et encore,

mais peut-être qu’il ne peut pas passer à travers et est réprimé chaque

fois. À la fin, le volcan entre pleinement en éruption. Si le magma

devait monter, il s’écoulerait très rapidement. Sans pression, alors il

n’y aurait pas d’éruption volcanique.

Par conséquent, Zhao Ziyang

discutait de la réforme politique à cette époque et il insistait sur la

libération du peuple, permettre au peuple d’avoir le pouvoir de

restreindre l’autorité des bureaucrates de sorte qu’ils aient un

endroit pour s’exprimer, et qu’ils obtiennent justice pour les torts

qui leur sont faits. Naturellement, d’un aspect positif, nous devrions

avoir la possibilité d’attaquer les problèmes. Si nous utilisons

l’analogie d’un volcan, on pourrait dire qu’il avait la capacité de

rassembler et de contracter les énergies. Les volcans sont un type

d’énergie. Zhao a indiqué que ces réformes politiques établiraient la

paix à long terme. Ils ont réprimé Zhao parce qu’un tel gouvernement

était totalement incapable d’accepter ce type de pensée. Ils ne

l’accepteront toujours pas, même aujourd’hui. Par conséquent, ce parti

a des manières fascistes vis à vis de Zhao et de son décès. Ils ne sont

pas disposés à partager quoi que ce soit avec le peuple, que ce soit

des avantages économiques ou l’autorité politique, alors bien sûr que

les problèmes sont profonds. Plus ils le sont, plus rude la répression

des dirigeants, et cette répression à haute pression crée les

conditions pour une éruption volcanique.

LGE : La mort de

Zhao est survenue juste au moment où la vague de démission du Parti

communiste arrivait. Quel est votre point de vue sur la rapide

augmentation des démissions au Parti communiste parues sur Internet ?

Wu : C’est aussi un type d’éruption. C’est peut-être l’écoulement du magma !

LGE

: Certains se demandent, s’il n’y avait pas de Parti communiste, alors

que ferait la Chine ? Quelle est votre opinion là-dessus ?

Wu :

Il y a beaucoup de pays qui n’ont pas de Parti communiste. Pour être

plus précis, il y a beaucoup plus de pays qui ne pratiquent pas le

système du Parti communiste. Comparée à la Chine, la majorité écrasante

de ces pays gouverne beaucoup mieux. N’a-t-on pas dit que Taiwan

faisait partie de la Chine ? Ils n’ont pas de Parti communiste,

cependant leurs développements économique et politique, leurs libertés,

leurs droits de l’homme et leur nationalisme se portent tous beaucoup

mieux qu’en Chine sous le contrôle du PCC.

En psychologie

sociale, ils ont découvert ce qui est appelé le « Syndrome de Stockholm

». On dit qu’après avoir été détenu pendant une période prolongée, la

psychologie d’un otage commence à se développer anormalement, il

devient reconnaissant envers ses kidnappeurs, et a le sentiment que

s’il les quitte il ne pourra plus vivre. Je pense que l’idée que la

Chine, sans le Parti communiste, aura des ennuis, est exactement un

phénomène de ce type.