Les actionnaires pour les droits humains font pression sur des compagnies Internet

Écrit par Ben Freed, La Grande Époque
21.11.2005

L’organisation de défense de la liberté de la presse, Reporters sans frontières (RSF), s'est jointe aux représentants de deux firmes d'investissement américaines le 7 novembre afin de révéler une importante déclaration appuyant la liberté d'expression sur Internet.

Cette déclaration est cosignée par 25 firmes américaines et internationales ayant plus de 21 milliards $ US en avoir. Elle fait appel à un engagement concret des grandes compagnies de technologie et d’Internet envers la liberté de l'information.

La conférence a porté essentiellement sur le récent incident qui a eu lieu au sujet de la branche hongkongaise de Yahoo. Celle-ci avait fourni des informations au gouvernement communiste chinois à propos d'un courrier électronique envoyé à travers ses serveurs.

  • Un garde de sécurité empêche les photographes de prendre des photos à l’extérieur des bureaux de Yahoo à Hong Kong le 18 octobre, alors que des manifestants condamnaient le géant d’Internet pour avoir fourni des informations qui ont mené à l'emprisonnement du journaliste chinois Shi Tao.(攝影: / 大紀元)

 

Le courriel, à destination outre-mer, du journaliste Shi Tao, expliquait les restrictions médiatiques imposées avant le quinzième anniversaire du massacre de la Place Tiananmen. Le gouvernement chinois a accusé M. Shi d’avoir «divulgué des secrets d'État à l’étranger» et l’a ainsi condamné à dix ans de prison le 30 avril 2005.

«L'information fournie par Yahoo a mené à la condamnation d'un bon journaliste qui a payé cher pour avoir essayé de diffuser de l’information», a indiqué le communiqué de presse de Reporters sans frontières (RSF). La compagnie n’avait apparemment aucune obligation de coopérer avec les autorités communistes.

Julien Pain, chef de pupitre pour le site Internet de RSF, a souligné la complicité de Yahoo dans la filtrage de ses moteurs de recherche en Chine.

«Fondamentalement, cela fait plus de trois ans que Yahoo censure ses moteurs de recherche en Chine. Si vous tapez «droits humains», vous n'obtiendrez aucun résultat, mais si vous en trouvez, ils proviendront de sites officiels qui précisent que la situation des droits humains en Chine est fantastique.»

RSF est aussi vigilant face à un autre géant technologique : Cisco Systems Inc. Situé à San José, en Californie, la majeure partie de l'infrastructure Internet en Chine est constituée de ses produits et technologies. L'entreprise se défend qu’elle ne peut être tenue responsable de l'utilisation de sa technologie.

De son côté, M. Pain soutient que la vente directe à l’appareil de sécurité de l’État chinois – utilisant la technologie pour opprimer le peuple – est vraiment une question de droits humains.

Les Actionnaires se prononcent

Lors de la conférence de presse, d’autres personnalités sont intervenues au côté de M. Pain : Dawn Wolfe, analyste en recherche sociale au Boston Common Asset Management LLC, et Adam Kanzer, directeur de la défense des intérêts des actionnaires chez Domini Social Investments LLC. Ces deux entreprises sont des firmes d'investissement «socialement responsables». En effet, leurs investissements concernent la responsabilité sociale des droits des travailleurs tout en considérant les impacts environnementaux. Wolfe et Kanzer ont discuté de l’enjeu des compagnies vis-à-vis les droits humains, tout en évaluant leur rendement et leur performance.

«Sur un plan très large, la démocratie offre le meilleur environnement pour l'investissement», a commenté M. Kanzer.

M. Wolfe est alarmiste face au filtrage d’informations par une compagnie Internet, affirmant qu’agir ainsi nuit à sa renommée.

«Le trafic sur Internet crée une demande d’infrastructure au niveau des réseaux de communication et d'information. Ainsi, toute activité venant obstruer le trafic menace à long terme la fiabilité de l’information, son développement et porte préjudice aux compagnies de réseaux.»

Boston Common a été la première firme d'investissement à signer la lettre de RSF. Domini en a fait de même par la suite. Les deux firmes (qui possèdent des actions de Cisco) ont également rédigé une résolution des actionnaires devant être votée lors de l’assemblée générale de Cisco le 15 novembre ( Grande ÉpoqueLa n’a pu obtenir résultats du vote). La résolution portait sur la question des droits humains dans ses contrats de technologie avec les régimes répressifs bien connus.

«Même si les médias et le Département d’État américain admettent les problèmes des compagnies Internet américaines traitant avec les régimes répressifs, les actionnaires ont été eux-mêmes absents du débat», a souligné M.Kanzer.

«Comme les entreprises ont parlé au nom des actionnaires, sans nous demander notre avis, nous avons été obligés de faire un pas en avant afin de préciser notre position», a rajouté M. Kanzer au sujet de la résolution.

L'administration de Cisco a demandé à ses actionnaires de voter contre la résolution, déclarant qu’elle avait déjà les mécanismes appropriés pour s’occuper des droits humains.

«Nous sommes très concernés par les droits humains. Nous oeuvrons aussi à promouvoir, entre autres, l'amélioration des conditions de travail au niveau international, les libertés personnelles et la diversité», indiquait une déclaration de la compagnie contre la proposition.

Cisco a joué un rôle-clé dans la construction du «Bouclier d'or», le premier système de censure et de surveillance Internet en Chine. L'entreprise demeure aujourd'hui un fournisseur majeur d'équipements pour ce pays.

Selon Julien Pain, les mesures adoptées par RSF ont pris forme à la suite de la forte réticence des compagnies d’aborder le sujet des répercussions de leurs pratiques.

«Je ne sais pas si, à la fin, Google, Yahoo et Cisco nous contacteront», a déclaré M. Pain avant de conclure, «Ce que nous désirons, c'est amener la discussion.»